Inverser le vieillissement, c’est possible ?

Mesurant quelques millièmes de millimètre, les mitochondries pourraient être la véritable fontaine de jouvence pour nos cellules. ©VICTOR HABBICK VISIONS / VHB / Science Photo Library

Des chercheurs sont parvenus à inverser le vieillissement d’un organisme animal. Au cœur de ces recherches : la mitochondrie, véritable centrale énergétique de la cellule. À quand l’application chez l’homme ?

Ce texte est tiré de Sciences et Avenir mensuel n°816 (daté février 2015). Le mensuel est aussi disponible à l’achat en version numérique, via l’encadré ci-dessous.

Une souris décatie, en fin de vie, qui retrouve subitement sa vigueur, les muscles de sa prime jeunesse et des artères de souriceau. Non seulement son vieillissement semble stoppé mais, encore plus extraordinaire, inversé. Demain, chez l’être humain ? C’est l’objectif avoué du professeur David Sinclair, de l’école médicale de Harvard (Boston, États-Unis), et de son équipe. En donnant à une souris de deux ans une molécule spécifique, du NAD (voir lexique ci-dessus), ils sont parvenus à rajeunir ses muscles, leur conférant la qualité de ceux d’une souris de 6 mois. Comme si une personne de 60 ans retrouvait d’un coup la vitalité et la musculature de ses 20 ans !

Au cœur de cette expérience, un organite quasi unique en son genre et qui concentre depuis longtemps tous les regards des spécialistes de la longévité : la mitochondrie. Mesurant quelques millièmes de millimètre, elle est présente à plusieurs centaines d’exemplaires dans chaque cellule dont elle constitue la centrale énergétique, en charge de fabriquer le carburant nécessaire à sa survie. Les chercheurs le savent depuis longtemps : sa qualité est essentielle dans le processus qui produit le vieillissement d’un organisme.

Des mitochondries saines, c’est bon pour la santé

« Nous savons que des mitochondries de piètre qualité conduisent à des symptômes liés à l’âge, résume David Sinclair. Et nous savons à l’inverse que posséder des mitochondries saines est bon pour la santé. » Des dysfonctionnements mitochondriaux sont ainsi à l’origine de nombreuses maladies aux symptômes divers (voir S. et A. n° 735, mai 2008) associant problèmes cardiaques, atteintes neurologiques et rénales, paralysies ou difficultés motrices. Quand les mitochondries sont déréglées, c’est chaque cellule de notre organisme qui en paye les conséquences. Ces dix dernières années, de nombreux travaux ont également dévoilé l’importance dans la longévité de molécules ou de voies de signalisation liées d’une manière ou d’une autre à la mitochondrie. Qu’il s’agisse de conférer 40 % de vie en plus à une souris (voir S. et A. n°660, février 2003) par le biais de la manipulation de l’IGF-1, un facteur de croissance, ou de vivre plus longtemps et mieux en adoptant un régime très frugal dit de restriction calorique (voir S. et A. n°783, mai 2012), le même processus est à l’oeuvre : les chercheurs tentent d’agir sur les voies métaboliques en charge de la production et de la distribution d’énergie dans un organisme afin de moduler leurs actions. Certains scientifiques se sont même focalisés sur les sirtuines, des enzymes métaboliques, ou sur le resvératrol, un polyphénol présent notamment dans le raisin (et le vin rouge…), agissant sur les sirtuines, et que l’on pense doté d’effets anti-âge. Tous ces mécanismes ou molécules se retrouvent dans le voisinage immédiat et direct des mitochondries.

Dans chaque cellule, une coenzyme au rôle essentiel

C’est en élargissant son champ d’étude, longtemps concentré sur l’élucidation du mécanisme de ces sirtuines, que l’équipe de David Sinclair a obtenu de nouveaux résultats spectaculaires en parvenant à rajeunir une souris de 2 ans. Comme le rapporte l’étude publiée dans la revue spécialisée Cell, le rôle du NAD est désormais sur la sellette. Présente dans toutes les cellules de notre corps, cette molécule a été un acteur négligé par la recherche ces dernières années. Or, son rôle se révèle essentiel : cette coenzyme aide en effet différentes enzymes à faire correctement leur travail durant les réactions qui président à la formation de l’ATP, le carburant cellulaire fabriqué dans les mitochondries. En tandem avec les sirtuines, il permet à la cellule d’entretenir un dialogue fécond avec ses mitochondries. Car fabriquer du carburant ne suffit pas : encore faut-il que celui-ci soit acheminé à bon port et en bonne condition aux éléments cellulaires qui en ont besoin. Dans ce cadre, le NAD joue le rôle d’oléoduc à l’intérieur de chaque cellule. Plus globalement, il semble avoir un rôle essentiel dans la communication de cellule à cellule. Il pourrait même, mais cela est encore débattu, jouer le rôle de neurotransmetteur en véhiculant l’information entre les nerfs et les cellules cibles.

La vieillesse serait-elle un naufrage réversible ?

Seulement, plus on vieillit, plus ce réseau de NAD s’étiole. Résultat : les mitochondries ne peuvent plus convoyer leur carburant jusqu’aux organites cibles. Et c’est là que les travaux — sur la souris — des chercheurs américains font rêver. Car en administrant du NAD une semaine durant à un rongeur en fin de vie, ils ont constaté un effet « Dorian Gray » totalement incroyable : les mitochondries ont retrouvé une nouvelle jeunesse, raffermissant les muscles de l’animal et améliorant leur résistance à l’inflammation. Ainsi, en restaurant le réseau de communication intracellulaire vacillant d’un animal âgé, David Sinclair et son équipe pourraient bien avoir mis le doigt sur un mécanisme essentiel pour la longévité. « C’est la première fois qu’on met en évidence chez la souris un lien entre le vieillissement et une bonne communication entre le noyau cellulaire et ses mitochondries », s’enthousiasme David Sinclair. Le NAD pourrait-il constituer un filtre de jouvence efficace pour l’être humain ? La vieillesse serait-elle un naufrage réversible ? Telles sont les questions qui viennent immédiatement à l’esprit au vu de si spectaculaires résultats. Même si la plus grande prudence est de mise. « Le NAD est effectivement une molécule totalement passionnante qui m’a occupé plusieurs années durant, s’enthousiasme Pierre Rustin (CNRS, hôpital Robert-Debré, Paris). Mais il ne faut pas tirer de conclusions hâtives : le vieillissement est un phénomène très différent d’un animal à l’autre. Ce que l’on réussit chez la souris n’est pas forcément transposable à l’homme. »

Prochaine étape ? Les personnes âgées…

Ce qui n’empêche pas David Sinclair de franchir le pas. La prochaine étape de son travail consistera ainsi à restaurer la fonction mitochondriale défaillante chez… des personnes âgées. Avec l’espoir qu’un traitement à base de NAD permette, du moins dans un premier temps, de lutter contre les innombrables maladies liées à l’âge, comme les accidents vasculaires cérébraux (AVC). Il pourrait également contrecarrer des affections comme le cancer, les maladies inflammatoires ou le diabète de type 2, pour lesquels les mitochondries jouent un rôle essentiel. Bref, si vous ignoriez l’existence de ces organites avant, mieux vaudrait vous habituez à eux car vous n’avez pas fini d’en entendre parler…

Source : http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20150206.OBS1898/inverser-le-vieillissement-c-est-possible.html



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