Coronavirus. Vers un pistage numérique généralisé après le confinement ?

Le gouvernement a présenté mercredi un projet d’application numérique qui pisterait, sur la base du volontariat, les Français lors de la fin de confinement. Le but est d’éviter une seconde vague de l’épidémie.

Même si le gouvernement insiste pour dire qu’il est prématuré de parler de déconfinement, ses contours commencent à se dessiner. Dans la panoplie de solutions qui devraient voir le jour, une application pour tracer les contacts sociaux des Français devrait voir le jour. Elle doit permettre de suivre les chaînes de contamination et limiter le nombre de nouveaux cas.

Qu’est-ce que le traçage numérique, ou tracking ?

Il s’agit de pister une personne grâce aux données de son téléphone, pour suivre à distance ses allées et venues ou retracer ses interactions sociales. La France l’a mis en œuvre très récemment,  en collectant des données anonymisées via un opérateur téléphonique, Orange, pour analyser des flux de personnes, explique Olivier Tesquet (*). C’est comme ça qu’on a su qu’à peu près 1,2 million de Franciliens avaient quitté la capitale au début du confinement. 

Quelles sont les technologies utilisées par les gouvernements dans le monde ?

Le traçage peut se faire, comme par Orange, en suivant le mouvement des téléphones avec des antennes-relais. On peut également pister les téléphones par les données GPS, qui géolocalisent, ou la technologie Bluetooth, qui permet à nos smartphones d’identifier des appareils à proximité (écouteurs, enceintes, imprimantes…), sans tenir compte de notre localisation.

En quoi ces technologies peuvent-elles servir au moment du déconfinement ?

Pour de nombreux épidémiologistes, il sera indispensable de suivre l’avancée de la maladie au moment du déconfinement pour éviter une seconde vague. Avec à un dépistage massif, elles doivent permettre de repérer rapidement, lorsque quelqu’un a été déclaré malade, de mettre en quarantaine les personnes avec qui il ou elle a été en contact.

Quelle est l’idée retenue par le gouvernement ?

Dans une interview donnée mardi matin au Monde, le ministre de la Santé Olivier Véran et le secrétaire d’État au Numérique Cédric O ont annoncé plancher sur un projet d’application mobile,  StopCovid , fondé sur le volontariat. Cela s’appuierait sur la technologie Bluetooth qui permet à un smartphone d’identifier des appareils à proximité, et donc des personnes potentiellement contaminées.

Les travaux sont menés par l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) depuis plusieurs jours. Ils s’inscrivent dans le cadre d’un projet européen (PEPP-PT) mené en coopération avec l’institut allemand Fraunhofer Heinrich Hertz et l’École polytechnique fédérale de Lausanne en Suisse.

Y a-t-il eu des exemples de pays qui ont utilisé cette technologie ?

Singapour a recours à ce système, qu’elle a baptisé Trace Together (tracer ensemble) : une application lancée le 20 mars y avait été téléchargée un million de fois au 1er avril, pour une population totale de 5,7 millions de personnes.  Là-bas, il fallait que les personnes se trouvent à moins de 2 mètres pendant une durée d’au moins 30 minutes, explique Olivier Tesquet. Leur téléphone respectif va enregistrer sous la forme d’un code le téléphone de la personne croisée, et, dans l’hypothèse où une personne est testée positive, on peut envoyer une notification aux personnes croisées en leur intimant de rester chez elles. 

Est-ce que cela sera suffisant ?

Il y a deux obstacles majeurs pour le moment. Un traçage numérique de la population n’a de sens que si l’on développe massivement les tests. Les tests sérologiques, qui testent la présence ou non de réponse immunitaire dans le sang, sont en cours de développement. Le gouvernement espère qu’ils seront au point  dans les prochains jours, voire les prochaines semaines .

Ensuite, pour que cette application soit efficace, il faut qu’au moins 60 % de la population l’ait téléchargé, selon une étude de l’Université d’Oxford.  Or, Singapour, où les habitants sont habitués à ce genre de technologies, n’a réussi à enrôler que 20 % de la population, souligne Olivier Tesquet. Ça n’a pas suffi parce qu’ils ont eu de nouveaux cas et que les autorités n’ont, pour la moitié, pas réussi à déterminer comment ils avaient été infectés.  Singapour a d’ailleurs décrété vendredi la fermeture des écoles et des lieux de travail.

Combien de Français sont équipés de téléphones intelligents ?

Si 98 % des Français entre 18 et 24 ans possèdent un smartphone, ce chiffre tombe à 62 % pour les sexagénaires et à 44 % pour les 70 ans et plus – soit la tranche de la population qui développe les symptômes les plus graves.  Nous travaillons sur diverses possibilités d’aide à l’équipement, ou à des alternatives aux smartphones pour ceux qui n’en disposent pas , a annoncé Cédric O dans Le Monde.

Existe-t-il d’autres types de pistage ?

Il y a des initiatives privées.  Ce week-end, le JDD a publié une carte titrée « relâchement des Français face au confinement » à partir de données GPS de déplacement collectées par une start-up – sans savoir si les gens allaient travailler ou partaient en vacances, développe Olivier Tesquet. Dans le département des Ardennes, un maire s’est servi de cette carte pour appeler à un contrôle accru et une mobilisation de l’armée. Même ces données-là, perçues comme moins intrusives, produisent un discours politique éminemment sécuritaire. 

(*) Auteur de A la trace, enquête sur les nouveaux territoires de la surveillance, Premier Parallèle, 18 €

Source : https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/confinement/coronavirus-vers-un-pistage-numerique-generalise-apres-le-confinement-6803617



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