Les « coïncidences » et les recoupements fusent de toutes parts depuis quelques jours, au point de passer inaperçus si on n’a pas les yeux rivés sur les actualités, alors je vous conseille de suivre les analyses quotidiennes de Sott.net pour rester à la page.
D’abord, nous avons eu l’attentat terroriste de London Bridge, deux semaines après l’attentat de Manchester et une semaine avant ce qui pourrait bien être l’élection la plus cruciale pour la Grande-Bretagne depuis des décennies.
Ces derniers jours, nous avons eu droit au spectacle grotesque de « l’expulsion » du Qatar pour cause de financement du terrorisme djihadiste, expulsion décidée par le financeur suprême de ce même terrorisme : l’Arabie Saoudite. C’est un peu comme si McDonald’s accusait Burger King de vendre de la junk food. Cette « prise de bec » cache donc quelque chose, et ce n’est pas les médias mainstream qui en parleront. Le message derrière le timing de cette mise au ban du Qatar par les Saoudiens – quelques jours après l’attentat djihadiste de London Bridge – semble être : « Accusez donc le Qatar, mais pas nous ! »
En lien avec cette prise de bec entre amoureux du terrorisme djihadiste, nous avons également la publication maintes fois reportée d’un rapport « sensible » du gouvernement britannique concernant le financement saoudien du terrorisme en Grande-Bretagne. Rapport qui risque très probablement d’être enterré. Évidemment, ce rapport est tout particulièrement « sensible » en raison de l’imminence des élections britanniques, étant donné que le gouvernement [l’Establishment] conservateur (qui a des liens très étroits avec les coupeurs de têtes saoudiens et qui adore leur vendre de grosses quantités d’armes) cherche à renouveler son « mandat » auprès des Britanniques pour qu’ils lui accordent le droit de continuer à leur fournir des attentats terroristes financés par les Saoudiens sur le sol britannique – sans parler de la Syrie, de la Libye, de l’Iran etc., enfin bref, toute région ou pays où les meurtres de masse de civils peuvent être mis à profit sur un plan géopolitique.
Autre motivation probable derrière la mise au ban du Qatar par les Saoudiens : les Qataris (le plus gros exportateur mondial de Gaz naturel liquéfié) donne beaucoup trop dans la realpolitik ces derniers temps, en ce qui concerne ses rapports avec l’Iran et la Russie.
L’Iran et le Qatar se partagent les immenses champs gaziers et pétrolifères de Pars/North Dome situés dans le golfe Persique (de loin les plus vastes du monde). De grandes quantités de pétrole et de gaz encore inexploités gisent dans les sous-sols du Golfe. Tandis que les Qataris exportent leurs ressources depuis le milieu des années 1990, ce n’est que l’année dernière que les Iraniens ont conclu un marché avec la supermajor française Total (ainsi que la China National Petroleum Corporation et la compagnie pétrolière iranienne Petropars) visant à étendre l’extraction du gaz dans la zone de gisement iranienne.
De façon intéressante, Total (ainsi que plusieurs autres compagnies pétrolières occidentales) est également impliquée dans les marchés gaziers qataris. Toutefois, le problème est que ces gisements sont partagés. Bien que l’Iran et le Qatar aient des frontières maritimes communes définissant ce qui leur « appartient », le champ gazier ne reconnaît pas ces frontières, et la quantité de gaz extractible par chacun des deux pays dépend de ce que chacun est capable d’extraire individuellement (le gaz a tendance à se déverser dans des espaces vides).
Depuis que les sanctions contre l’Iran ont été levées en 2015, les Iraniens rattrapent peu à peu leur retard sur les Qataris en matière de production de gaz. Il est donc logique, d’un point de vue économique et logistique, que les Qataris concluent un marché avec les Iraniens pour exploiter leur gisement commun, et c’est apparemment ce qu’ils font, tranquillement, depuis ces derniers mois. Pour couronner le tout, l’année dernière, le Qatar a acquis pour 10,2 milliards d’euros 19,5% des parts de marché du géant de l’énergie russe Rosneft. C’est la deuxième fois que la Russie donne le feu vert à un intérêt étranger.
Tout cela réveille le spectre de la possible résurrection du projet de pipeline Qatar-Turquie, qui devait faire transiter le gaz qatari par l’Arabie Saoudite, la Jordanie et la Syrie jusqu’en Turquie, et ensuite en Europe. Lorsque le projet de pipeline originel fut rejeté par Assad pour « protéger les intérêts de son allié russe » (la Russie domine le marché du gaz européen), la Syrie fut embringuée dans une « guerre civile »(planifiée depuis longtemps) attisée par les mercenaires djihadistes financés par le Qatar et l’Arabie Saoudite avec la contribution directe de plusieurs gouvernements européens.
L’année dernière, cependant, l’illusoire monarchie qatarie semble avoir enfin accepté le fait qu’Assad n’était pas prêt de partir, et que la présence russe au Moyen-Orient était quasi-définitive. Donc ce qui fait probablement flipper les Saoudiens et leurs alliés occidentaux ces derniers temps n’est pas tant la perspective d’une alliance russo-irano-syrienne au Moyen-Orient que celle d’une alliance incluant les Qataris et leurs immenses réserves de gaz.
Vous comprendrez donc pourquoi durant son voyage en Arabie Saoudite, Trump a appelé « toutes les nations ayant une conscience morale à isoler l’Iran » et pourquoi les Saoudiens ont récemment fait un pas dans cette direction en menaçant les Qataris. Vous comprendrez également pourquoi, aujourd’hui, des djihadistes (très certainement financés par les Saoudiens) ont tué 12 personnes dans un attentat à Téhéran, et pourquoi les Iraniens ont immédiatement pointé du doigt les Saoudiens. Le clou de cette mascarade : en réponse aux Saoudiens qui les accusaient de « financer le terrorisme », les Qataris ont déclaré que le site Internet d’une de leurs agences de presse avait été piratée et qu’une « fake news » révélant des collusions entre la monarchie qatarie et l’Iran y avait été publiée. La tentation était trop grande pour l’« État profond » états-unien qui, par la voix de son organe de propagande officiel – CNN – a alors autorisé des « sources anonymes » à révéler que les Russes étaient derrière le « piratage » de l’agence de presse qatarie.
Comme je l’ai écrit plusieurs fois, le terrorisme sert d’écran de fumée dans la guerre ayant pour objet le contrôle des ressources naturelles du Moyen-Orient et, par conséquent, le « contrôle du monde ». L’Establishment anglo-américain s’est depuis longtemps allié avec les coupeurs de têtes saoudiens, qui sont assis sur les plus grosses réserves et usines de production de pétrole au monde. La puissance militaire américaine et le pétrole saoudien ont permis à l’Occident de régner en maître pendant des décennies. Mais il semble que cette ère tire à sa fin.
Malheureusement, il y a peu de chances que l’« exceptionnel » Establishment anglo-américain et ses frères idéologistes coupeurs de tête se retirent avec grâce. En effet, ces types-là semblent avoir adopté toutes les caractéristiques du tyran archétypal assoiffé de pouvoir tel que le décrit la littérature depuis des siècles – vous savez, le type qui, confronté à son inévitable disgrâce, décide que : « le Pouvoir m’appartient à moi et à moi seul, et si je ne peux pas l’avoir, personne ne l’aura ! ». Tellement cliché…
Source : https://fr.sott.net/article/30711-Le-Qatar-l-Arabie-Saoudite-le-terrorisme-islamiste-et-l-Establishment-anglo-americain