Le naturel jugé nuisible pour le système médical

Nouvel assaut contre les médecines naturelles.

Chère lectrice, cher lecteur,

Les médecines naturelles sont victimes d’une nouvelle attaque violente, qui vient cette fois des États-Unis.

Deux chercheuses, Jessica Martucci et Anne Barnhill, ont publié un article dans la revue scientifique Pediatrics, consacrée à la santé des enfants, où elles dénoncent tout usage du mot « naturel » dans le cadre médical [1].

Leur conclusion est même qu’il faudrait interdire les mots « naturel », « non naturel » et même « nature » dans toute communication scientifique ou médicale officielle.

Leur raisonnement est le suivant. Il part de la question de l’allaitement et de la vaccination :

« Promouvoir l’allaitement maternel comme la solution “naturelle” pourrait être problématique sur le plan éthique et, plus troublant encore, cela pourrait encourager la croyance selon laquelle les approches “naturelles” sont supposées meilleures pour la santé. Cela peut aller à l’encontre d’objectifs de santé publique dans d’autres contextes, en particulier la vaccination des enfants. »

Elles ajoutent :

« Les études ont montré que les parents qui étaient rétifs à l’égard de la vaccination avaient tendance à vivre dans des réseaux d’individus partageant leurs opinions et entretenant des croyances similaires. Ces poches de résistance à la vaccination ont tendance à se recouper avec celles qui pratiquent ou s’intéressent aux médecines complémentaires et alternatives, qui manifestent du scepticisme face à l’autorité institutionnelle et qui ont une forte implication et un grand intérêt pour les connaissances en matière de santé, l’autonomie et l’adoption d’un mode de vie sain. »

Oui, vous ne rêvez pas. Pour ces chercheuses, les personnes qui cherchent à accroître leurs connaissances en matière de santé, à vivre sainement et de façon plus autonome, sont présentées comme dangereuses ou, pour le moins, suspectes (et donc à surveiller).

Leur raisonnement repose sur une mise en parallèle abusive et trompeuse entre l’allaitement, d’une part, qui est une pratique qui ne pose aucun problème, et la vaccination, de l’autre, qui, elle, comporte des risques reconnus par les études et indiqués sur la notice même des produits !

Plus loin, les chercheuses précisent leur pensée :

« L’idée de “naturel” implique une notion de pureté, de bonté, d’innocuité. En revanche, les substances synthétiques, les produits et technologies fabriqués en masse par l’industrie (notamment les vaccins) sont considérés comme “non naturels” et suscitent des soupçons. Une partie de ce système de valeurs repose sur l’idée que ce qui est “naturel” est plus sûr, meilleur pour la santé et moins risqué. Ce problème du naturel opposé au non-naturel concerne un grand nombre de questions médicales et scientifiques actuelles au-delà de la vaccination, dont le rejet des aliments génétiquement modifiés, une préférence pour le bio plutôt que pour la nourriture issue de l’agriculture conventionnelle, et le rejet des technologies d’assistance reproductive, ainsi que des inquiétudes sur les toxines dans l’environnement et l’ajout de fluor dans l’eau du robinet. »

Mais les chercheuses ne se contentent pas de mettre dans le même sac la méfiance à l’égard des OGM, les toxines dans l’environnement, la vaccination et la préférence pour l’allaitement.

Elles franchissent un pas supplémentaire dans le ridicule en accusant les partisans de la santé naturelle de favoriser les préjugés… sexistes !

« Faire un parallèle entre nature et maternité peut involontairement encourager le préjugé de déterminisme biologique sur les rôles du père et de la mère dans la famille (par exemple, que les femmes seraient plus aptes à s’occuper des enfants). Faire référence à l’aspect “naturel” dans la promotion de l’allaitement pourrait alors, involontairement, promouvoir un ensemble de valeurs controversées sur la vie de famille et le rôle de chaque genre (gender), ce qui serait éthiquement inacceptable. Brandir le mot “naturel” est aussi déplacé parce qu’il n’a pas de définition claire. Pour des raisons similaires, le récent rapport de bioéthique Nuffield affirme que les agences publiques, les gouvernements et organisations contribuant aux débats politiques et publics sur la science, la technologie et la médecine devraient éviter l’usage des termes “naturel”, “non-naturel” et “nature”, à moins de désigner explicitement les valeurs et les croyances qui les sous-tendent. »

Vous avez bien lu. Le mot « naturel » n’ayant pas, selon ces chercheuses, de définition assez précise à leur goût, il faut interdire son emploi, ainsi que celui de « nature ».

Les questions de l’allaitement et de la vaccination ne sont donc en fait que des prétextes.

Le but, beaucoup plus large et inquiétant, est d’attaquer la notion même de santé naturelle.

Ces élucubrations pourraient paraître sans importance. Malheureusement, l’histoire récente a montré, à d’innombrables reprises, à quelle vitesse ce type de propos pouvait s’imposer dans les institutions puis dans les esprits, au nom du « politiquement correct ».

Oui à l’allaitement naturel des bébés !
Mais ce qui est aussi choquant dans le discours de ces chercheuses, c’est de constater à quel point les considérations d’ordre politique prennent le pas sur la question de la santé et de ce qui est bon pour les gens !

Car évidemment leur article sur les prétendus « risques » de désigner l’allaitement comme étant naturel fait passer au second point la seule question intéressante, qui est de savoir si les enfants et les mamans bénéficient, ou non, de l’allaitement « naturel » (j’emploi le mot exprès !).

Dans les années 1960, 1970 et 1980, beaucoup de médecins ont raconté aux mamans qu’il était dangereux d’allaiter car on ne pouvait contrôler scientifiquement la qualité du lait ni la quantité absorbée par l’enfant.

Aujourd’hui, on sait que les laits en poudre maternisés ne peuvent répondre avec autant de pertinence aux besoins du bébé que l’allaitement au sein. Le lait maternel est produit selon les besoins du bébé et évolue très précisément au cours de sa croissance, ce que ne peuvent faire les laits maternisés artificiels.
(la suite ci-dessous)

Le lait maternel est riche en nutriments, facteurs de croissance, en probiotiques, prébiotiques, qui aident à la constitution d’un bon microbiome (flore intestinale) et donc d’un bon système immunitaire. Il contient aussi la quantité exacte de cholestérol dont le cerveau de l’enfant a besoin pour un développement neurologique optimal.

Les bébés allaités au sein connaissent moins d’infections aux oreilles, dans les voies respiratoires, l’estomac et les intestins que ceux qui boivent du lait maternisé.

L’allaitement profite également à la mère, car cela l’aide à brûler plus de calories et à se débarrasser des kilos supplémentaires pris pendant la grossesse. Ces kilos avaient pour but précisément de fournir la réserve énergétique nécessaire à la croissance du bébé dans l’utérus, mais aussi après sa naissance via l’allaitement.

L’allaitement diminue le risque de cancer du sein et de maladies cardio-vasculaires pouvant survenir plus tard dans la vie de la mère. Celle-ci voit aussi son risque de diabète de type 2 réduit, car elle a moins besoin d’insuline, surtout si elle a souffert de diabète gestationnel.

Attention, toutefois : la qualité du lait maternel est fortement tributaire du mode de vie et de l’alimentation de la mère. Certains médicaments passent dans le lait maternel, ainsi que certaines toxines. Il est donc particulièrement important de manger (et de vivre) bio avant et pendant l’allaitement.

Les arguments de Martucci et Barnhill selon lesquels le mot « naturel » recouvrirait des préjugés potentiellement nuisibles à la santé publique ne sont donc pas raisonnables. Il est, au contraire, important de fournir au public une information fiable, basée sur des faits, afin de promouvoir les meilleures pratiques pour la santé, qu’elles soient naturelles ou créées en laboratoire.

En ce qui concerne l’allaitement, il n’y a aucun doute sur le fait qu’il s’agit là du meilleur choix pour la grande majorité des mères et des enfants, et il est vraiment regrettable que des chercheuses jettent un doute à ce sujet en essayant de déclencher une polémique qui n’a pas lieu d’être.

Dans la mesure où les bébés ont été efficacement nourris au sein depuis l’origine de l’humanité, il paraît raisonnable de dire que c’est une pratique « naturelle » et que le lait maternel est la nourriture idéale et la plus saine possible pour les enfants.

À votre santé !

Jean-Marc Dupuis

[1] Unintended Consequences of Invoking the “Natural” in Breastfeeding Promotion



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