Entrevue avec un biologiste et un mathématicien.
Une nouvelle étude significative vient tout juste d’être publiée, montrant qu’il est scientifiquement possible – contrairement à ce que l’on prétend souvent – que les êtres humains descendent d’un seul couple humain.
Ola Hössjer and Ann Gauger, “A Single-Couple Human Origin Is Possible,” BIO-Complexity 2019 (1):1– 20.
Qui sont les auteurs de cet article ?
Ola Hössjer est professeur de statistique mathématique à l’Université de Stockholm, en Suède. Il a fait de la recherche en statistique et en théorie des probabilités avec des applications en génétique des populations, en épidémiologie et en mathématiques de l’assurance. Hössjer est l’auteur de 85 articles évalués par des pairs, a supervisé 13 doctorants, et en 2009, il a reçu le prix Gustafsson en mathématiques.
Ann Gauger est chercheuse scientifique principale dans un Institut de biologie. Ses travaux font appel à la génétique moléculaire et au génie génomique pour étudier l’origine, l’organisation et le fonctionnement des voies métaboliques. Elle est titulaire d’un baccalauréat en biologie du MIT et d’un doctorat en biologie du développement de l’Université de Washington, où elle a étudié les molécules d’adhésion cellulaire impliquées dans l’embryogenèse des drosophiles. En tant que boursière postdoctorale à Harvard, elle a cloné et caractérisé la chaîne légère de la kinésine de la drosophile. Ses recherches ont été publiées dans Nature, Development et dans le Journal of Biological Chemistry.
Je leur ai demandé s’ils pouvaient expliquer le modèle dont ils se servent et pourquoi on ne l’avait jamais fait auparavant.
Commençons avec ce qui est votre conclusion : « Pour autant que nous le sachions de manière scientifique à partir des données génétiques, l’espèce humaine aurait pu provenir d’un seul couple, de sorte que tous les humains vivants aujourd’hui auraient pu descendre uniquement de cette première paire. » Quelle est l’importance du mot « pourrait » dans cette phrase ? Je suppose que vous ne diriez pas que la science l’a prouvé, mais plutôt qu’à ce stade de nos connaissances, elle le permet au moins ?
AG : La science telle que nous la connaissons montre qu’il est mathématiquement possible pour nous d’être issus d’un seul homme et d’une seule femme. Cette approche est fondée sur la génétique des populations, un domaine qui permet de suivre l’évolution de la diversité génétique des populations au fil du temps.
Nous disons que c’est possible, non prouvé, parce qu’il y a beaucoup d’autres choses à régler, comme la chronologie des fossiles.
OH : Oui, c’est exact. Il est difficile de prouver qu’un certain modèle d’histoire humaine est le bon, basé sur les données génétiques des individus d’aujourd’hui. Cela s’explique par le fait que des modèles d’ascendance humaine parfois très différents peuvent tout aussi bien convenir aux données génétiques.
Nous avons montré qu’un modèle avec un premier couple unique correspondait bien à certaines données génétiques africaines. Nous ne pouvons donc pas exclure un modèle où l’humanité est partie d’un premier couple en faveur d’un modèle où nous partageons nos ancêtres avec des chimpanzés et d’autres espèces.
Malgré ces difficultés à déduire l’histoire de l’humanité, il sera peut-être possible à l’avenir de privilégier un modèle plutôt qu’un autre, lorsque davantage d’ensembles de données seront analysés et que des modèles plus complexes seront adaptés.
Pour ces lecteurs — la plupart d’entre nous ! — qui ne sont pas biologistes, généticiens ou mathématiciens, pouvez-vous expliquer l’idée de base quant à la manière dont un chercheur peut déduire l’histoire à partir des données génétiques ?
OH : Les données génétiques sont comme des empreintes digitales. Tout individu (sauf les jumeaux monozygotes) possède un ADN unique qui l’identifie. Plus deux individus différents sont apparentés, plus leurs données génétiques sont similaires.
L’histoire humaine est comme un arbre généalogique qui relie tous les individus vivants aujourd’hui. Le premier couple humain forme la racine de l’arbre, tandis que les individus du présent forment l’extrémité de l’arbre.
Il est possible de déduire un arbre d’ascendance humaine (avec beaucoup d’incertitude) en essayant d’adapter différents arbres et d’étudier quels sont les arbres les plus compatibles avec les données génétiques. L’arbre inféré devrait être capable de détecter que des individus, faisant partie de paires ayant un ADN plus similaire, sont plus étroitement apparentés. En d’autres termes, les couples d’individus ayant un ADN plus similaire devraient avoir des lignées ancestrales qui se fusionnent plus rapidement, de sorte que leur ancêtre commun le plus récent ait vécu plus récemment.
Pour compliquer les choses : un arbre généalogique n’est pas la même chose qu’un pedigree. Un pedigree donne les relations parentales, alors qu’un arbre généalogique montre comment l’ADN est hérité. Chaque individu a un pedigree unique, mais beaucoup d’arbres généalogiques différents. La raison en est que les gènes de chromosomes différents sont hérités de différentes manières.
AG : Pensez à cela comme au fait de résoudre un puzzle. Vous avez des mutations actuelles comme indices, et vous savez qui a ces mutations. Si vous avez de la chance, vous savez aussi si ces personnes sont apparentées. Ainsi, vous travaillez en remontant dans le temps pour que les mutations aient un sens, survenant dans la personne A1, puis en passant aux personnes A2 et B1, puis B2, puis B3 dans le présent.
Les modèles informatiques de masse le font pour l’ensemble du génome en remontent potentiellement à des millions d’années. C’est le modèle qui s’adapte le mieux ; ce n’est pas un modèle garanti : « c’était comme ça le samedi 15 avril 200 001 avant J.-C. », ou quelque chose de ce genre.
Nous sommes un blog évangélique, et les évangéliques se sont entendus qualifier depuis de nombreuses années d’anti-intellectuels et d’anti-scientifiques – même s’ils ne le reconnaissent pas – parce que la science montre que les humains ont évolué à partir d’une grande population pendant des millions d’années ; nous devrions donc rejeter l’idée qu’une race humaine ait pu descendre de seulement deux êtres humains. Pourquoi rejetez-vous cette affirmation concernant la science ? En d’autres termes, puisque vous n’êtes pas d’accord avec ce que les autres scientifiques disent, qu’est-ce qu’ils font de mal ?
OH : Jusqu’à une époque récente, personne n’essayait de s’adapter à un modèle d’ascendance humaine dans lequel nous descendons tous de deux êtres humains seulement.
Il y a une dizaine d’années, John Sanford et Robert Carter ont commencé à travailler sur des modèles dans lequel nous descendons tous d’un seul couple.
Quelques années plus tard, Ann Gauger m’a proposé un projet similaire auquel j’ai adhéré.
Pour cette raison, la science n’a pas exclu un premier couple humain, puisque ce modèle n’avait pas été testé.
Pourquoi en est-il ainsi ? Eh bien, la raison est philosophique plutôt que basée sur des faits empiriques. La science moderne est très laïque. Généralement, seules les hypothèses qui peuvent être formulées en termes purement naturels (= naturalisme méthodologique) ont le droit d’être testées. Un modèle avec un premier couple nécessite implicitement un Intelligent Designer ou un Créateur afin de répondre à la question sur la manière dont ce premier couple a été généré au départ. La science moderne exclura donc d’emblée un modèle avec un premier couple (même si on laisse au lecteur le soin de répondre à la question de l’origine du premier couple), avant même que les données aient été analysées.
Pour rendre cela plus concret : dans tous les modèles où les humains partagent une ascendance avec les chimpanzés, il n’existe essentiellement qu’un seul mécanisme pour générer la diversité génétique : les mutations. Dans notre modèle, nous autorisons un deuxième mécanisme : Adam et Ève ont été créés avec la diversité. La diversité créée du premier couple est comme un nouveau paramètre qui peut être accepté et qui ajoute donc de la souplesse au modèle.
AG : Tout d’abord, qui a donné aux scientifiques le droit d’interpréter les Écritures ? Pourquoi devraient-ils se soucier du fait que nous puissions croire que nous venons d’un premier couple au pied de la lettre ? Ils ont fourré leur nez là où il ne fallait pas.
Deuxièmement, ils n’ont pas testé ce qu’ils prétendaient.
Il y a deux façons de commencer avec une « population de deux personnes ».
(a) Il y a les deux dès le commencement, qui s’expliquent d’eux-mêmes. C’est ce que nous entendons par Adam et Ève.
(b) Mais il y a un autre moyen, c’est de commencer par une population, disons une tribu d’humains, puis quelque chose se passe et il n’en reste que deux. C’est un goulot d’étranglement de deux.
L’une ou l’autre sorte de point de départ, à partir d’une paire, fonctionne dans notre modèle. Ce sont tout juste les mêmes.
Aujourd’hui, les généticiens des populations ont utilisé des méthodes indirectes pour estimer la taille moyenne des populations depuis notre séparation présumée des chimpanzés, il y a 6 millions d’années. Mais, en faisant la moyenne sur cette longue période de temps, on passerait à côté d’un goulet d’étranglement soudain et brutal, à deux. Il ne serait pas détecté. Ils ont formulé des affirmations injustifiées lorsqu’ils ont dit que nous ne pouvions pas venir de deux personnes.
Quels nouveaux tests avez-vous été en mesure d’effectuer pour vérifier si l’hypothèse du couple unique est compatible avec les données génétiques ?
OH : Nous avons pu adapter notre modèle à couple unique pour générer l’humanité à certaines statistiques sommaires de données génétiques.
La première de ces statistiques s’appelle le spectre des fréquences allèles (AFS). Il explique comment les variantes génétiques de différentes fréquences sont distribuées.
La deuxième statistique sommaire s’intitule Graphiques du déséquilibre de liaison (DL). Il explique comment les données génétiques de différentes parties des chromosomes sont corrélées (en raison de ce qu’on appelle les recombinaisons).
Nous avons pu montrer que les courbes AFS et LD de notre modèle correspondaient très bien aux données réelles.
AG : Ola Hössjer a trouvé une solution élégante au problème de la modélisation de grands nombres sur de longues périodes. Je vais me citer ici pour l’expliquer. Cela vient d’un article de Evolution News que j’ai écrit et qui s’intitule « We Could Have Come from Two. » (Nous pourrions descendre de deux personnes).
[Ola] a un modèle que nous appelons maintenant Haplo et qui contient une idée simple mais brillante. Il commence d’abord à partir des données actuelles et utilise une méthode appelée coalescence standard pour retracer les lignées en remontant le temps, comme la croissance d’une forêt depuis les tiges puis les branches et jusqu’aux troncs. Puis, une fois qu’il a cette forêt de troncs, il élague l’image de toutes les branches non productives, celles qui n’ont pas de descendance dans le futur, les « impasses », et s’en sert comme cadre pour un nouveau modèle prospectif. L’élagage a permis d’économiser beaucoup de mémoire et de réduire la charge de calcul. Cela signifie que nous pouvons aller plus loin dans le temps ou traiter des populations plus importantes. Voir la figure ci-dessous.
Chaque rangée représente une génération, avec le présent en bas, et chaque boule est un chromosome. Les points colorés sont des mutations différentes ou des polymorphismes de nucléotides uniques (SNPs) que le chromosome porte. Les liens de génération en génération montrent la lignée ancestrale de chaque chromosome en remontant dans le temps.
Dans la figure A, je n’ai montré qu’une seule lignée, et donc en la suivant vers le passé, il n’y a pas d’élagage nécessaire, mais quand une collection entière d’arbres de coalescence est combinée (un graphique de recombinaison ancestrale), un certain élagage sera nécessaire, puisque certains chromosomes seront ancestraux dans certaines lignées et pas d’autres.
On obtient d’abord l’arbre (ou la forêt) à l’envers, beaucoup plus grand et complexe que celui-ci, et élagué pour ne révéler que les lignées qui ont conduit au présent. Cela a donc fourni le cadre, la matrice sur laquelle s’appuiera le modèle prospectif. L’ordinateur n’a pas besoin de garder une trace de tous les choix possibles à toutes les positions possibles. Regardez l’arbre élagué et remarquez tous les espaces que l’ordinateur n’a pas à stocker en mémoire. Cela ajoute beaucoup à ce que le programme peut accomplir.
Vous pouvez lire l’article original ici
Pour voir davantage de travail dans cette direction, lisez le livre Theistic Evolution (L’évolution théiste), en particulier, Section I, Partie 2 : « The Case against Universal Common Descent and for a Unique Human Origin. » (« Les arguments contre la descendance commune universelle et pour une origine humaine unique. »)
- The Fossil Record and Universal Common Ancestry (Günter Bechly and Stephen C. Meyer)
- Universal Common Descent: A Comprehensive Critique (Casey Luskin)
- Five Questions Everyone Should Ask about Common Descent (Paul A. Nelson)
- The Battle over Human Origins (Introduction to Chapters 14–16) (Ann K. Gauger)
- Missing Transitions: Human Origins and the Fossil Record (Casey Luskin)
- Evidence for Human Uniqueness (Ann K. Gauger, Ola Hössjer, and Colin R. Reeves)
- An Alternative Population Genetics Model (Ola Hössjer, Ann K. Gauger, and Colin R. Reeves)
- Pressure to Conform Leads to Bias in Science (Christopher Shaw)
Source : https://evangile21.thegospelcoalition.org/article/science-nie-t-adam-eve-entrevue-biologiste-mathematicien/