LA LOI DE DIEU (THÉONOMIE)[1] 

« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » (Matthieu 6:10).

« La loi de l’Esprit de vie en Jésus-Christ m’a affranchi de la loi du péché et de la mort. » (Romains 8:2).

« Je ne suis point sans la loi de Dieu, étant sous la loi de Christ afin de gagner ceux qui sont sans loi. » (1 Corinthiens 9:21).

« Vous n’ajouterez rien à ce que je vous prescris, et vous n’en retrancherez rien ; mais vous observerez les commandements de l’Éternel, votre Dieu, tel que je vous les prescris. » (Deutéronome 4:2).

« Les Écritures mettent de l’avant une règle parfaite pour la direction et la gouvernance de tous les hommes, pour tous les devoirs qu’ils ont à accomplir envers Dieu et envers les hommes, tant dans leurs familles et leurs collectivités civiles que dans les affaires d’église. » (Assemblée constituante de la Colonie de New Haven, actuel Connecticut, 1639)[2]

« La volonté de Dieu concernant la justice civile n’est nulle part révélée aussi clairement et pleinement que dans la loi judiciaire de Moïse. » (George Gillespie, 1645).[3]

« Trouver la loi fautive, c’est trouver Dieu fautif. » (Ralph Venning, 1669).[4]

Dans le présent document, sauf indication contraire, les textes de la Bible proviennent de la version Louis Segond 1910, les citations traduites de l’anglais l’ont été par les auteurs, les emphases (caractères gras ou soulignés) sont le fait des auteurs, et la ponctuation et les guillemets ont été standardisés par ces derniers.

Table des matières

  1. Définir la théonomie.

1.1. La théonomie fait partie du reconstructionisme chrétien.

1.2. Définitions de la théonomie à proprement parler

1.3. La théonomie est-elle la même chose que la théocratie ?

1.4. La théonomie est-elle la même chose que le dominationisme ?

  1. Le Royaume de Christ et ses sphères de souveraineté.

2.1. Le Royaume de Jésus ne vient pas de ce monde mais il s’y étend.

2.2. Les quatre gouvernements humains : Les quatre sphères de souveraineté.

2.3. L’origine divine des quatre gouvernements humains.

2.4. Le gouvernement civil n’est pas plus important que les autres.

2.5. Distinction entre les sphères ecclésiale et civile : Rendez à César…

  1. Le Grand Mandat est théonomique.

3.1. Le Grand Mandat : « Discipler », baptiser et enseigner les nations.

3.2. Le commandement de faire de toutes les nations des disciples.

3.3. Le commandement de baptiser toutes les nations.

3.4. Le commandement d’enseigner toutes les nations.

3.5. En quoi « discipler » consiste-t-il exactement ?

  1. La théonomie véhicule l’amour de Dieu.

4.1. L’amour est le résumé de la loi.

4.2. Il y a une hiérarchie interne dans la loi morale.

  1. Théonomie, justification par la grâce et salut par la foi

5.1. La théonomie versus le légalisme et le pharisaïsme.

5.2. La loi est un outil de sanctification et non de justification.

  1. Le rôle théonomique du magistrat civil

6.1. Le magistrat civil exerce la vengeance de Dieu.

6.2. Le magistrat civil ne peut pas être religieusement « neutre ».

6.3. Le magistrat théonomique n’est pas une police des consciences.

6.4. La théonomie favorise l’avancement de l’Évangile.

6.5. Le cas de la femme adultère : Que celui qui n’a jamais péché…

6.6. Sous l’Ancienne Alliance, la théonomie contraignait déjà toute l’humanité.

6.7. Le défi de l’applicabilité moderne des lois anciennes.

  1. La présomption de continuité des lois

7.1. La catégorisation bipartite plutôt que tripartite de la loi

7.2. La présomption de continuité selon Matthieu 5.

7.3. La présomption de continuité selon le Pentateuque et Paul

7.4. Libérés de la condamnation de la loi, non de la loi elle-même.

  1. La loi cérémonielle : Annonciatrice de Jésus

8.1. La classification interne de la loi cérémonielle.

8.2. L’expiration des ordonnances restauratrices.

8.3. L’expiration des ordonnances séparatrices.

  1. Récapitulation : La théonomie : Quoi, pourquoi, et comment
  2. Annexe — « Gardien et protecteur des deux Tables » : Adhésion massive des réformateurs, huguenots et puritains
  3. Bibliographie.

1. Définir la théonomie

1.1. La théonomie fait partie du reconstructionisme chrétien

La théonomie est une composante du reconstructionisme chrétien, un vocable tiré d’Ésaïe 61:4.[5] « Le reconstructionisme chrétien est une école de pensée distinctive à l’intérieur de la tradition réformée. Elle s’appuie sur cinq prémisses théologiques de base : (1) la sotériologie calviniste ; (2) la théologie des alliances ; (3) l’eschatologie postmillénariste ; (4) l’apologétique présupositionnelle ; et (5) l’éthique théonomique, la pierre angulaire de la pensée reconstructioniste[6]. » Cet argumentaire se contente de présenter la théonomie.[7] Les trois co-fondateurs du reconstructionisme chrétien sont Rousas Rushdoony (1916-2001), Greg Bahnsen (1948-1995) et Gary North (1942-). Notez que ces systématiciens n’ont inventé aucune des cinq prémisses théologiques du reconstructionisme.

1.2. Définitions de la théonomie à proprement parler

Étymologiquement, le mot théonomie vient du grec theo, Dieu, et nomos, norme ou loi. Théonomie signifie donc littéralement loi de Dieu.[8] La doctrine biblique de la théonomie a été définie de différentes façons par ses nombreux théoriciens et systématiciens. Voici une sélection de définitions, avec leurs auteurs respectifs.

  • Le magistrat est « gardien et protecteur des deux Tables de la loi » (les réformateurs et huguenots du XVIe siècle et les puritains du XVIIe siècle — voir l’Annexe).[9]
  • « Ce qu’affirme la théonomie, suivant la Sainte Écriture, c’est que la loi morale révélée par Dieu à Israël, peuple allianciel, est normative pour tous les hommes et toutes les nations» (Pierre Courthial (1914-2009), pasteur dans l’Église réformée de France, co-fondateur et ex-doyen de la Faculté Jean Calvin d’Aix-en-Provence).[10]
  • « La continuité de la validité de la loi dans son détail exhaustif » (Greg Bahnsen, professeur d’apologétique au Southern California Center for Christian Studies).[11]
  • « La continuité de la validité et de l’applicabilité de l’entièreté de la loi de Dieu, incluant, mais sans s’y limiter, les lois mosaïques spécifiques, comme étant la norme selon laquelle les familles, les églises et les gouvernements civils doivent conduire leurs affaires » (Gary DeMar, fondateur du ministère réformé American Vision).[12]
  • « La théonomie peut être définie comme suit : L’enseignement biblique selon lequel la loi mosaïque contient des normes morales pour la vie, incluant des lois civiles, qui demeurent obligatoires aujourd’hui» (Joel McDurmon, président du ministère réformé American Vision).[13]
  • « Le cœur de l’enseignement du mouvement théonomiste contemporain sur la loi [est :] Toutes les lois de l’Ancien Testament qui ont été données à titre de norme éthique personnelle ou sociale lient tous les hommes (autant les Juifs que les Gentils) pour tous les temps (aussi bien sous l’ancienne que sous la nouvelle administrations alliancielles) » (Brian Schwertley, pasteur réformé au Wisconsin et directeur de Covenanted Reformation Press).[14]
  • La doctrine protestante du Sola Scriptura appliquée en droit, ou encore la doctrine réformée du principe régulateur appliquée en droit (William Einwechter, pasteur réformé baptiste en Pennsylvanie et directeur de Darash Press ; Phillip Kayser, professeur d’éthique au Whitefield Theological Seminary à Lakeland en Floride ; Steve Halbrook, blogueur détenant une maîtrise en gouvernement de Regent University).[15]

Toutes ces différentes définitions de la théonomie pointent vers une même vérité cardinale : Le droit en vigueur dans tout gouvernement (civil ou autre) doit être entièrement et exclusivement tiré des Saintes Écritures, directement ou indirectement. La théonomie prône donc la réformation de la spiritualité, de la culture, de l’économie et du droit en les alignant sur la loi de Dieu révélée dans la Bible. Par conséquent, la théonomie est incompatible avec le polythéisme sociopolitique (appelé couramment multiculturalisme ou pluralisme religieux).

1.3. La théonomie est-elle la même chose que la théocratie ?

Rousas Rushdoony observe que « peu de choses sont aussi mal comprises que la nature et la signification de la théocratie. Il est communément assumé qu’il s’agit du règne dictatorial d’hommes autoproclamés qui prétendent diriger au nom de Dieu.[16] » La réalité n’est pas aussi simplette. C’est l’historien judéen Flavius Josèphe (37-100) qui inventa le mot théocratie vers l’an 93. Il la définit comme suit : « Placer toute souveraineté dans les mains de Dieu.[17] » Étymologiquement, le mot théocratie provient de theos, Dieu, et kratos, pouvoir. Théocratie signifie donc littéralement pouvoir de Dieu ou pouvoir à Dieu.

Mais quel Dieu (ou dieu) exactement ? Pierre Courthial et Rousas Rushdoony remarquent : « En toute culture, le droit, la loi est d’origine religieuse. […] La source du droit est le dieu de toute société. Si la raison humaine est la source du droit, c’est que la raison humaine est le dieu de cette société-là. Si c’est une oligarchie, ou une Cour suprême, ou un Sénat, ou un chef d’État qui est à la source du droit, cette source est alors le dieu du système. […] L’humanisme moderne, en plaçant la source du droit dans le peuple ou dans l’État, désigne le dieu de son système.[18] » La théocratie est donc inévitable : Tout pouvoir, quel qu’il soit (étatique ou non-étatique), est nécessairement théocratique, d’une manière ou d’une autre. Aujourd’hui, la plupart des théocraties dans le monde sont malheureusement des théocraties païennes.

Mais qu’est-ce que la théocratie chrétienne ? La théocratie chrétienne « requiert la reconnaissance de la royauté totale de Dieu. La théocratie chrétienne débute avec l’individu, c’est-à-dire par la conversion du cœur à Christ (Ézéchiel 36:27). La théocratie chrétienne commence dans la sphère du gouvernement individuel. Puisque « c’est du cœur que viennent les sources de la vie » (Proverbes 4:23), la théocratie chrétienne doit découler du gouvernement individuel vers les autres sphères gouvernementales sous le règne de Christ, incluant la famille, l’église [locale] et l’État.[19] » Là réside une différence primordiale entre la théocratie païenne et la théocratie chrétienne. Les païens imposent leur théocratie païenne du haut vers le bas, de façon coercitive. Les chrétiens bâtissent graduellement leur théocratie chrétienne du bas vers le haut, en privilégiant la régénération sur la coercition. En ce sens, la théocratie chrétienne peut être mise en adéquation avec la théonomie, à condition qu’elle soit correctement définie, correctement comprise et correctement mise en marche.

1.4. La théonomie est-elle la même chose que le dominationisme ?

Le terme dominationisme est souvent utilisé comme s’il était interchangeable avec la théonomie. Pour les érudits théonomistes, le dominion est une activité, c’est la réalisation du Dominion mandate (en français : Mandat créationnel ou Mandat culturel[20]). Le texte de référence est Genèse 1:27-28 : « Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu, il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit, et Dieu leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre, et l’assujettissez; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, et sur tout animal qui se meut sur la terre. » Plus spécifiquement, pour les théonomistes, « le dominion est l’exercice du gouvernement[21] » ; c’est-à-dire « le gouvernement exercé par l’homme sur sa famille, sur l’Eglise, sur l’école, sur la société et dans l’exercice de sa propre vocation.[22] » Ainsi défini, le dominationisme est pratiquement un synonyme du reconstructionisme chrétien et de la théonomie.

Dans les dernières décennies du XXe siècle, des prédicateurs pentecôtisants ont emprunté certaines idées du reconstructionisme et les ont incorporées à leur théologie charismatique. Cela a donné naissance à un dominationisme pentecôtisant que l’on retrouve dans les nébuleuses New Apostolic Reformation et Kingdom Now. Le dominationisme réformé ne doit pas être confondu avec le dominationisme pentecôtisant, ni avec les représentations tronquées que font les antinomiens,[23] les piétistes[24] et les progressistes de ces divers dominationismes.[25] Cette confusion amène le président de Chalcedon Foundation, Mark Rushdoony, à affirmer : « Je n’utilise pas le terme dominationisme et je préfère parler du Mandat créationnel […]. Le dominationisme fait écho à un cadre de référence politique qui est étranger au christianisme.[26] »

2. Le Royaume de Christ et ses sphères de souveraineté

2.1. Le Royaume de Jésus ne vient pas de ce monde mais il s’y étend

En Jean 18:36, Jésus affirme : « Mon Royaume n’est pas de ce monde. » Qu’est-ce que Jésus veut dire ici ? « L’idée avancée par Jésus est claire : La source de son autorité royale n’est pas terrestre. Son Royaume n’est pas de ce monde. Comment interpréter le mot « de » correctement dans le verset de Jean 18:36? Voici ce qu’écrit Gary DeMar dans Myths, Lies and Half-Truths. How Misreading the Bible Neutralizes Christians and Empowers Liberals, Secularists, and Atheists ; American Vision, 2010 (pp. 226-228) :

« En grec, la préposition « ek » [traduite en français par « de » et en anglais par « of »] signifie essentiellement « hors de, » et peut avoir plusieurs nuances de sens : Séparation, la direction de laquelle provient quelque chose, source ou origine, ainsi que bien des sens mineurs. De nombreux commentateurs sont d’accord de dire que «ek » signifie « source. » [William F. Arndt et F. Wilbur Gingrich, A Greek-English Lexicon of the New Testament and Other Early Christian Literature (Chicago, IL: University of Chicago Press, 1957), pp. 233–236.] De nombreux commentateurs s’accordent à dire que dans Jean 18:36 la préposition ek a le sens de « source » ; ainsi, la déclaration de Jésus concerne la source de l’autorité et de la puissance de Son Royaume. L’exégète suisse Frédéric Godet a écrit : « L’expression ek tou kosmou, de ce monde, n’est pas synonyme de en to kosmo, dans ce monde. Car le Royaume de Jésus se réalise et se développe certainement ici sur la terre ; mais il ne tire pas son origine de la terre, de la volonté humaine et de la force terrestre. » [F. Godet, Commentaire de l’Evangile de Jean, retraduit en français à partir de la traduction anglaise de l’original français par Timothy Dwight, 2 volumes (New York: Funk and Wagnalls, 1886), 2:369.]. Cette distinction est très importante.

Plus récemment, le commentateur luthérien R. C. H. Lenski a écrit : « L’origine du royaume de Jésus explique son caractère unique : Il n’est ‘pas de ce monde.’ [Tous les autres royaumes] jaillissent de [ek] ce monde et ont des rois qui correspondent à une telle origine. » [R.C.H. Lenski, The Interpretation of St. John’s Gospel (Minneapolis, MN: Augsburg, [1943] 1961), p. 1229.] B. F. Westcott est d’accord avec le fait que Jésus a voulu dire que Son royaume « ne tire pas son origine ou son soutien de forces terrestres… Dans le même temps, le royaume de Christ est ‘dans le monde,’ comme le sont Ses disciples. »

La source de l’autorité royale de Jésus est donc beaucoup plus élevée que ce monde. Son Royaume est transcendant. Néanmoins, son Royaume a aussi des manifestations terrestres.[27] » En Daniel 4:17, 4:25 et 4:32, la Bible dit : « Le Très-Haut domine sur le règne des hommes, et il le donne à qui il lui plaît. » Donc le Royaume de Christ ne *vient pas de ce monde*, mais il *s’étend sur ce monde*. « Partout où la volonté [prescriptive] du Père est faite, le Royaume de Dieu est effectivement venu sur la terre.[28] » Jésus a enseigné à ses disciples que « le Royaume de Dieu est au milieu de vous » (Luc 17:21). Puisque le Royaume de Christ s’étend sur le monde terrestre, les dirigeants terrestres doivent se soumettre à son règne. Le même Jésus qui a dit à Ponce Pilate : « Mon Royaume n’est pas de ce monde » lui a aussi dit : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en haut » (Jean 19:11).

Étant donné que le Royaume de Christ s’étend sur le monde, et pas juste sur l’Église, Henry van Til (1906-1961), professeur de théologie au Calvin College à Grand Rapids au Michigan, a affirmé que « l’Église et le Royaume ne peuvent pas être mis en adéquation.[29] » Le pasteur réformé Andrew Sandlin, qui est président du Center for Cultural Leadership basé à Coulterville en Californie et professeur pour le Blackstone Legal Fellowship basé à Scottsdale en Arizona, renchérit : « Le Royaume est le règne de Dieu et l’Église est un aspect de ce règne. […] Le Royaume est le domaine où Jésus-Christ règne, et l’Église est seulement un aspect crucial de ce règne. […] La mission de l’Église est d’annoncer la venue du Royaume de Dieu, mais l’Église ne doit jamais se méprendre en croyant être elle-même le Royaume.[30] » Penser que l’Église se confond avec le Royaume, et que Dieu agit sur terre uniquement par l’entremise de l’Église, c’est commettre l’erreur de l’ecclésiocentrisme.

2.2. Les quatre gouvernements humains : les quatre sphères de souveraineté

Le prophète Ésaïe a prophétisé ceci concernant le gouvernement divin de Jésus (Ésaïe 9:6-7) : « Car un enfant nous est né, un fils nous est donné, et la domination reposera sur son épaule; On l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix. Donner à l’empire de l’accroissement, et une paix sans fin au trône de David et à son Royaume, l’affermir et le soutenir par le droit et par la justice, dès maintenant et à toujours : Voilà ce que fera le zèle de l’Éternel des armées. »

Dans l’exercice de sa souveraineté royale, de son gouvernement divin, Jésus n’agit pas que par providence secrète, de façon immédiate. Jésus exerce aussi son gouvernement divin de façon médiate, par l’entremise des quatre gouvernements humains : « Celui de notre conscience, bien que déchue et toujours à réformer, dans la maîtrise de soi (Romains 2 :15-16) ; celui des parents, dans la famille et l’éducation des enfants ; celui du ministère ordonné dans l’Église ; celui des magistrats dans l’État.[31] » Voilà les quatre gouvernements humains institués par Dieu : Individuel, familial, ecclésial et civil. Le gouvernement divin de Jésus, à savoir le Royaume de Christ, est composé par — et englobe — ces quatre gouvernements humains.[32]

Le Royaume de Christ se manifeste, sur terre, à travers les quatre gouvernements humains institués par Dieu. Selon le théologien réformé Abraham Kuyper (1837-1920), co-fondateur de l’Université Libre d’Amsterdam et Ministre-Président des Pays-Bas de 1901 à 1904, chacun de ces gouvernements constitue une sphère de souveraineté distincte sous Dieu. « Le terme ‹souveraineté › réfère aux interrelations entre les diverses sphères, pas vis-à-vis de Dieu et de sa Parole.[33] » Chaque gouvernement humain « est une sphère juridique indépendante et interdépendante, semblablement sous Dieu plutôt que sous le contrôle de l’un des autres gouvernements.[34] » La position d’Abraham Kuyper sur cette question est conforme à celle du réformateur Martin Luther (1483-1546).[35]

Chaque sphère détient son autorité « directement de la Parole de Dieu, pas indirectement d’une autre sphère. Seul Dieu est souverain ; la souveraineté des sphères, par conséquent, n’est pas une souveraineté autonome,[36] une souveraineté inhérente et indépendante de Dieu […]. Ce n’est pas la souveraineté des sphères, à proprement parler, mais la souveraineté de Dieu dans les sphères, que postule le concept des sphères de souveraineté.[37] »

« Chaque sphère a sa propre forme de gouvernement et chacun de ces gouvernements est limité. Aucune sphère ne contrôle les autres sphères et aucune sphère ne peut empiéter sur l’autorité des autres sphères qui leur est déléguée par Dieu. L’État ne peut pas avaler l’Église ou la famille ou usurper l’autorité que Dieu a déléguée à ces sphères (c’est du totalitarisme). Similairement, l’Église ne peut pas subjuguer l’État sous son propre contrôle (tel que le fit la Papauté romaine au Moyen Âge) [c’est de l’ecclésiocratie]. Similairement, la famille ne doit pas usurper les fonctions et l’autorité de l’État ou de l’Église et tenter de garder une influence contrôlante sur ces institutions (c’est de la mafia). Chaque sphère doit respecter la fonction légitime, l’autorité et l’indépendance des autres sphères[38]. »

C’est une grave erreur de croire que le gouvernement se réduit à l’État. « Le gouvernement civil est juste un gouvernement parmi plusieurs autres gouvernements non civils légitimes. Conséquemment, le gouvernement civil ne doit avoir juridiction que dans la sphère où il détient une autorité biblique et constitutionnelle pour gouverner. Les autres gouvernements (la famille et l’Eglise [et l’individu]) ont aussi juridiction dans leurs sphères, tel que prescrit par Dieu[39]. » Comme l’a dit Rousas Rushdoony, le père du mouvement théonomiste contemporain : « Rien n’est plus dangereux ou mortel pour le gouvernement que de le réduire à l’État.[40] » Et Rushdoony ajoute : « Tragiquement, aujourd’hui, le gouvernement civil prétend être le gouvernement au-dessus des hommes, pas un gouvernement parmi tant d’autres, mais le gouvernement unique et illimité. […] Cette prétention est l’essence même du totalitarisme.[41] » Prétendre que l’État est le seul gouvernement, c’est prétendre que l’État est tout-puissant, qu’il est divin. « Ce faux culte de l’État […] est une forme d’idolâtrie.[42] »

Outre l’individu, la famille, l’Église et l’État, tous les autres types d’institutions sont des prolongements de l’un ou l’autre de ces quatre sphères ou gouvernements : Si un groupe d’individus crée une entreprise ou une association privée, cette entreprise ou cette association est un prolongement du gouvernement individuel ; si un groupe de familles crée une école, cette école est un prolongement du gouvernement familial ; si un groupe d’églises locales crée un hôpital ou un orphelinat, cet hôpital ou cet orphelinat est un prolongement du gouvernement ecclésial ; si un groupe d’Etats municipaux décident de créer une confédération régionale, cette confédération est un prolongement du gouvernement civil.

2.3. L’origine divine des quatre gouvernements humains

Dieu a institué les quatre gouvernements humains dès les premiers jours de l’humanité. Au début de la Genèse, Dieu crée le gouvernement individuel :

  • Genèse 1:26 : « Puis Dieu dit : Faisons l’homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre, et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. »
  • Genèse 2:7-8 : « L’Éternel Dieu forma l’homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l’homme devint un être vivant. Puis l’Éternel Dieu planta un jardin en Éden, du côté de l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé. »

« Gouvernement individuel est synonyme d’autocontrôle. Un individu qui exerce correctement son gouvernement individuel est un individu qui peut réguler ses attitudes et ses actions sans la nécessité d’une coercition extérieure.[43] »

« Le domaine où la famille, l’Église et l’État n’ont aucune juridiction légitime constitue […] la sphère de l’individu. Cette sphère de la liberté individuelle est, dans la Bible, très large. […] Ce n’est pas une sphère où l’homme a la licence de faire tout ce qui lui plaît. C’est la sphère de la responsabilité personnelle où les hommes doivent se gouverner conformément à la loi de Dieu. […] Un autogouvernement responsable conduit selon les principes moraux de la foi chrétienne est le fondement du bon gouvernement dans toutes les autres sphères. Cet idéal de l’autogouvernement doit, évidemment, être inculqué à la population par les gouvernements des autres sphères pour que la société soit bien ordonnée et bien dirigée. Le gouvernement de chaque sphère a un effet sur les autres sphères.[44] » C’est pour cela que chaque gouvernement a intérêt à ce que tous les autres gouvernements fonctionnent correctement.

Toujours au début de la Genèse, Dieu crée le gouvernement familial :[45]

  • Genèse 2:22-24 « L’Éternel Dieu forma une femme de la côte qu’il avait prise de l’homme, et il l’amena vers l’homme. Et l’homme dit : Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! On l’appellera femme, parce qu’elle a été prise de l’homme. C’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.»
  • Genèse 3:16 : « Il dit à la femme : J’augmenterai la souffrance de tes grossesses, tu enfanteras avec douleur, et tes désirs se porteront vers ton mari, mais il dominera sur toi.»

En Genèse 4:3-5, nous avons la première manifestation historique du gouvernement ecclésial (c’est-à-dire de la fonction cultuelle) : « Au bout de quelque temps, Caïn fit à l’Éternel une offrande des fruits de la terre ; et Abel, de son côté, en fit une des premiers-nés de son troupeau et de leur graisse. L’Éternel porta un regard favorable sur Abel et sur son offrande ; mais il ne porta pas un regard favorable sur Caïn et sur son offrande. » Sous l’ancienne alliance, le gouvernement ecclésial prenait diverses formes. Sous le Nouveau Testament, la racine de l’autorité du gouvernement ecclésial est Matthieu 18:20[46] : « Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux. »

En Genèse 4:13-15, Dieu crée le gouvernement civil :[47] « Caïn dit à l’Éternel : Mon châtiment est trop grand pour être supporté. Voici, tu me chasses aujourd’hui de cette terre ; je serai caché loin de ta face, je serai errant et vagabond sur la terre, et quiconque me trouvera me tuera. L’Éternel lui dit : Si quelqu’un tuait Caïn, Caïn serait vengé sept fois. Et l’Éternel mit un signe sur Caïn pour que quiconque le trouverait ne le tuât point. »

2.4. Le gouvernement civil n’est pas plus important que les autres

De ces quatre gouvernements, le gouvernement civil arrive logiquement et chronologiquement en dernier. Dans ce cas, pourquoi est-ce que les théonomistes semblent mettre tellement d’emphase sur le gouvernement civil ? L’historien et économiste Gary North, fondateur du Institute for Christian Economics basé à Tyler au Texas, l’explique :

« Tous les chrétiens admettent que les principes de Dieu peuvent être utilisés pour réformer l’individu. Ils comprennent que si c’est le cas, alors la famille peut aussi être réformée selon la Parole de Dieu. Ensuite, [les chrétiens admettent que] l’Église peut être restaurée. Mais là, ils s’arrêtent. Mentionnez l’État, et ils disent : ‹ Non, rien ne peut être fait pour restaurer l’État. Le caractère satanique de l’État est inhérent et permanent. C’est une perte de temps que de travailler à guérir l’État. › Les reconstructionistes chrétiens posent la question  : Pourquoi pas ? Ils [les chrétiens antinomiens] ne vous répondent jamais pourquoi. Ils ne pointent jamais vers un passage dans la Bible qui nous dirait pourquoi l’Église et la famille [et l’individu] peuvent être guéries par la Parole et l’Esprit de Dieu, mais que l’État ne pourrait pas l’être. Aujourd’hui, l’unicité du message de la reconstruction chrétienne tient dans l’affirmation que le gouvernement civil, à l’instar des gouvernements familial et ecclésial [et individuel], est sous la loi de Dieu révélée dans la Bible et peut, par conséquent, en principe, être réformé selon la loi de Dieu.[48] »

En somme, Dieu institue quatre gouvernements humains qui sont en quelque sorte les quatre départements de son propre gouvernement divin sur terre : Le Royaume de Christ. La raison d’être théocentrique de ces autorités terrestres nous conduit à affirmer que « le but premier du pouvoir est de faire respecter l’ordre établi par Dieu.[49] »

2.5. Distinction entre les sphères ecclésiale et civile : Rendez à César…

Nous avons précédemment expliqué l’indépendance et l’interdépendance des quatre sphères de juridiction. Cela devrait normalement suffire pour comprendre que la théonomie respecte la distinction entre l’Église et l’État. Ce point étant particulièrement sujet à controverse, il mérite qu’on lui consacre une section spéciale. La théonomie reconnaît une distinction entre la sphère ecclésiale et la sphère civile. « Contrairement à la croyance populaire, l’Ancien Testament ne préconise pas la domination de l’Église sur l’État [ou de l’État sur l’Église]. Il existait une séparation ‹ entre le chef civil, Moïse, et le chef de la prêtrise, Aaron ; entre les offices de roi et de prêtre ; et entre le palais et le temple ›. Moïse ‹ avait la charge de la direction civile générale ›, tandis qu’Aaron ‹ représentait le peuple dans les affaires distinctement cultuelles ›. Dans la Jérusalem restaurée [post-exilique], Néhémie servait de gouverneur et Esdras de scribe [de souverain sacrificateur]. Josué et Éléazar, David et Abiathar, Salomon et Tsadok, Azaria et Ézéchias, puis Josué et Zorobabel servirent tous dans les offices distincts de magistrat suprême et de [grand-]prêtre, respectivement.[50] »

De surcroît, l’Ancien Testament condamne l’usurpation des fonctions ecclésiales par le pouvoir civil : Quand le roi Saül s’arrogea le rôle de prêtre, Dieu lui annonça que son règne serait écourté (1 Samuel 13:8-14), et quand Ozias, le dixième roi de Judée, transgressa les règles du Temple et voulut agir en sacrificateur, Dieu le frappa avec la lèpre (2 Chroniques 26:16-21).

Dans le Nouveau Testament, cette distinction entre la sphère ecclésiale et la sphère civile est réitérée par l’affirmation de Jésus : « Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » (Luc 20:25). Cette distinction faite par Jésus introduit-elle une séparation radicale entre ces deux sphères ? Certainement pas. En toute vraisemblance, Jésus paraphrase l’Ancien Testament.[51] En 1 Chronique 26:29-32, quand le roi David établit des lévites comme magistrats locaux, une distinction est faite entre « les affaires de Dieu » et « les affaires du roi. » Or soustraire la justice civile à la loi divine était loin de l’intention de David (Psaumes 2:10-12 et 101:8).[52]En 2 Chroniques 19:4-11, quand Josaphat, le quatrième roi de Juda, place des juges dans les villes fortifiées, il les avertit : « Prenez garde à ce que vous ferez, car ce n’est pas pour les hommes que vous prononcerez des jugements ; c’est pour l’Éternel qui sera près de vous quand vous les prononcerez. » Ensuite, quand Josaphat instaure un tribunal d’appel (ou un conseil central) à Jérusalem, une distinction est faite entre « les affaires de l’Éternel » et « les affaires du roi. » Or, dans les deux catégories d’affaires, les juges doivent agir « dans la crainte de l’Éternel » en se conformant à ses préceptes et ordonnances.

Précisons ici que ce n’est pas parce que des lévites exerçaient des fonctions juridiques qu’il y avait confusion entre les sphères ecclésiale et civile, puisque seulement les lévites descendants d’Aaron faisaient partie de la prêtrise (Nombres 16:8-11). Les autres lévites exerçaient d’autres fonctions, dont celle de professeur de droit (Lévitique 10:11, Deutéronome 33:11, 2 Chroniques 17:8-9 et 35:3, Néhémie 8:7-9) ou de juge (2 Chroniques 19:8-11). La seule fonction civile couramment exercée par des prêtres (lévites aaroniens) était celle de conseiller juridique auprès des juges dans des procès complexes et difficiles (Deutéronome 17:9/12, 19:17 et 21:5, Ézéchiel 44:24). À vrai dire, bien qu’ils fussent officiellement membres du sacerdoce, c’est plus à titre d’experts juridiques qu’à titre de prêtres que ces lévites aaroniens exerçaient la charge de conseillers juridiques. Insistons sur le fait que même dans ces procès complexes et difficiles, « la distinction entre le juge et le prêtre était marquée, sinon la collaboration entre les deux offices n’aurait eu aucun sens,[53] » elle n’aurait pas eu lieu d’être parce qu’il se serait agi du même office. En effet, il faut comprendre que dans ces procès, la tâche des conseillers juridiques était de déterminer la loi applicable et de l’interpréter, tandis que la tâche des juges était de décider de l’innocence ou de la culpabilité de l’accusé et de prononcer la sentence.[54]

3. Le Grand Mandat est théonomique

3.1. Le Grand Mandat : « Discipler », baptiser et enseigner les nations

En Matthieu 28:18-20, Jésus nous confie le Grand Mandat, en ces termes : « Jésus, s’étant approché, leur parla ainsi : Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre. Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde. »

Des différences grammaticales entre le grec et le français rendent ardue la traduction de la clause : « faites de toutes les nations des disciples » (verset 19). Le mot grec ici utilisé est μαθητεύσατε ; sa traduction française officielle est disciplinez, mais l’affirmation « disciplinez les nations[55] » n’exprime pas de façon optimale l’intention de Jésus. Littéralement, ce mot grec se traduit par un mot français qui n’existe pas officiellement dans cette langue : disciplez (au sens de « faire des disciples »). Ce néologisme sera utilisé dans la suite du document par commodité. C’est pour cette raison que les traducteurs de la Bible Martin ont opté pour « enseignez toutes les nations », et que ceux de la Bible d’Ostervald ont opté pour « instruisez toutes les nations. » Mais la meilleure traduction de cette clause est réellement disciplez toutes les nations (μαθητεύσατε πάντα τὰ ἔθνη).[56]

Si l’on se contente des traductions courantes en français moderne, le texte est suffisamment vague pour que le Grand Mandat puisse raisonnablement se comprendre comme signifiant « faites parmi toutes les nations des disciples individuels. » Une telle compréhension pourrait éventuellement être conforme au texte français, mais certainement pas au texte grec.[57]

Brian Schwertley apporte le commentaire suivant concernant l’aspect collectif du Grand Mandat : « Le mot nations (ethnos — έθνος[58]) réfère à une population qui parle la même langue et partage la même culture à l’intérieur des mêmes frontières géographiques. L’usage du mot nations est significatif, car cela veut dire que le but du Grand Mandat n’est pas seulement de faire quelques disciples ici et là, mais plutôt que par la prédication, l’enseignement, les baptêmes et la discipline […] des nations entières — et même toutes les nations — soient en définitive amenées sous la sujétion de Jésus-Christ.[59] » Fidèle à cette compréhension théonomiste, la Confession de foi réformée baptiste de 1689 professe à l’article 20:3 que la prédication de l’Évangile fut « accordée à des nations. »

Stephen Perks, le directeur de la Kuyper Foundation basée au Somerset en Angleterre, abonde dans le même sens : « Le grec dit que nous devons aller et discipler les nations, pas [uniquement] faire des disciples dans les nations, c’est-à-dire parmi les nations. […] Ce n’est pas ce que Jésus a ordonné à ses disciples de faire. Il leur a plutôt ordonné de discipler les nations en tant que nations, c’est-à-dire de faire des nations chrétiennes.[60] »

Maintenant que nous avons fait l’analyse linguistique de Matthieu 28:18-20, décortiquons ce texte. « Le Grand Mandat consiste en trois commandements, ou en un commandement en trois parties : (1) discipler les nations ; (2) baptiser les nations ; et (3) enseigner la loi de Dieu aux nations.[61] »

3.2. Le commandement de faire de toutes les nations des disciples

« Premièrement, on nous dit de discipler les nations. Ce commandement signifie que nous devons travailler à amener les nations sous la direction et la discipline de Jésus-Christ. [Cela veut dire que Dieu doit] être honoré nationalement, l’Église respectée, et la loi de Dieu consacrée dans la constitution de la nation comme assise de son système de justice. […]

Aucun individu chrétien n’est parfait dans cette vie. Ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir d’individus chrétiens. Aucune famille chrétienne n’est parfaite dans cette vie. Ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de familles chrétiennes, qu’une famille chrétienne est juste une collection de chrétiens individuels qui vivent dans la même maison au même moment. Une famille chrétienne est […] une communauté en alliance sous Dieu. […] Aucune société chrétienne n’est parfaite dans cette vie. Ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de sociétés chrétiennes.

L’église [locale] est une société chrétienne, une communauté en alliance sous Dieu. Le fait qu’aucune église n’est parfaite dans cette vie ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir d’églises chrétiennes. Aucune nation chrétienne — qui est une société chrétienne, une communauté en alliance sous Dieu, tout comme l’église [locale] et la famille […] — n’est parfaite dans cette vie. Ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas y avoir de nations chrétiennes[62]. »

Le réformateur Pierre Viret (1511-1571) signale que quand Dieu « se dit être le Dieu de quelque peuple, il déclare qu’il n’est pas seulement le Dieu d’icelui, comme il est généralement le Dieu de toutes créatures, comme Créateur d’icelles, par le droit de Création ; mais qu’il lui est aussi Dieu par le droit de Rédemption[63]. »

3.3. Le commandement de baptiser toutes les nations

« Deuxièmement, l’on nous dit dans le Grand Mandat de baptiser les nations.[64] » Ce commandement est figuratif, et vu sous cet angle, « c’est possible de baptiser une nation.[65] » Au sens du Grand Mandat, baptiser ne doit pas être réduit à la signification restreinte, sacramentelle[66] de ce terme, au rite du baptême lui-même. Quand Jésus nous dit de baptiser les nations, c’est une façon de parler. « Le baptême est le mode formel d’entrée dans l’Église. […] L’Église est une société baptisée, une communauté en alliance sous Dieu. Ceci est beaucoup plus qu’une simple collection d’individus. L’Église est faite d’individus, mais ses membres constituent ensemble plus qu’une collection d’individus.

Si ce n’était pas possible d’avoir une société baptisée, mais seulement des individus baptisés, alors il serait impossible d’avoir l’Église, car l’Église est une société baptisée, ni possible d’avoir une famille baptisée [cf. Actes 16:33], car la famille est une société. […] Si le point de vue individualiste moderne était correct, il ne pourrait pas y avoir d’Église, pas au sens biblique où chaque membre appartient à quelque chose de plus grand que lui. […] L’alliance n’est pas simplement individualiste, elle était aussi sociétale, au niveau familial, au niveau de l’Église [tant l’Église universelle que l’église locale], et aussi au niveau national. On ne niera sûrement pas que ce soit possible, pour une nation, d’être en alliance avec Dieu.[67] »

A supposer que quelqu’un veuille nier cela, nous répondons, avec Brian Schwertley[68] : « Si une nation est le théâtre d’un réveil massif et que la vaste majorité de la population professe la foi en Christ, se repent de ses péchés et commence à vivre en soumission aux lois morales de Dieu et aux ordonnances des Évangiles, serait-il mal, immoral ou non-biblique pour cette population de prêter collectivement un serment d’allégeance à Jésus comme Seigneur dans une alliance nationale ? Croire que Dieu ne serait pas hautement satisfait d’un tel comportement est totalement déraisonnable.[69] »

« Un chrétien sain d’esprit peut-il remettre en cause la validité ou le bénéfice pour une nation de former une alliance avec Christ ? Est-ce mal pour des nations de contracter une alliance avec Dieu dans l’ère de la Nouvelle Alliance ? Regarder la prononciation publique d’un serment consistant à faire confiance, à aimer et à suivre le Médiateur avec zèle et dévouement comme étant quelque chose d’inapproprié dans l’époque moderne est absurde. La formation publique d’alliances [nationales] est un merveilleux moyen de sanctification sociétale et de solidification d’une réformation nationale.[70] »

En somme, au sens du Grand Mandat, le baptême des nations implique que l’Évangile soit diffusé dans les nations, que la vaste majorité de la population se convertisse et soit baptisée, et qu’enfin les nations entrent consciemment et formellement en alliance avec Dieu. « Bien sûr, le commandement de baptiser une nation implique nécessairement le baptême d’individus, mais le commandement de baptiser des individus n’implique pas nécessairement le baptême d’une nation.[71] » Le Grand Mandat a donc à la fois une dimension individuelle et une dimension collective. Ces deux dimensions font partie du plan rédempteur de Dieu et tendent vers le même but (l’avancement du Royaume et la gloire de l’Éternel). Elles interagissent entre elles, mais elles ne doivent pas être confondues.

3.4. Le commandement d’enseigner toutes les nations

« Troisièmement, Jésus nous ordonne dans le Grand Mandat d’enseigner la loi de Dieu aux nations. […] Par conséquent, discipler les nations implique leur acceptation de la loi de Dieu.[72] » Pourquoi la loi de Dieu, si Jésus dit : « tout ce que je vous ai prescrit » (Matthieu 28:19) ? Steve Halbrook répond : « Ses prescriptions [de Jésus] ne sont pas seulement celles qu’il a données pendant son ministère terrestre. Étant une personne de la Trinité, Christ est Dieu, et il s’ensuit que les lois que Dieu a données à Moïse — incluant son code civil — sont aussi les prescriptions de Christ (de même que celles de Dieu le Père et de Dieu l’Esprit). ‹ Jésus-Christ est le même hier, aujourd’hui, et éternellement. › (Hébreux 13:8).[73] »

3.5. En quoi « discipler » consiste-t-il exactement?

Maintenant que nous avons établi que le Grand Mandat consiste à discipler, baptiser et enseigner les nations, et que cela passe inévitablement par discipler, baptiser et enseigner les individus, il importe de se demander ce que cela signifie. Aujourd’hui, l’aphorisme populaire chez les chrétiens évangéliques est de dire qu’il s’agit de montrer aux gens comment avoir une relation personnelle avec Jésus. Cela n’est pas faux, mais en quoi exactement cela consiste-t-il ? Jésus n’est pas très prolifique sur ce point précis. Il ne parle d’une relation personnelle entre lui et ses disciples qu’à quelques reprises, et à chaque fois, il donne une explication très simple de ce en quoi cela consiste : Obéir à sa volonté révélée :

  • Jean 14:15, 21, 23 : « Si vous m’aimez [dit Jésus], gardez mes commandements […] Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui qui m’aime; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père, je l’aimerai et me ferai connaître à lui. […] Si quelqu’un m’aime, il gardera ma Parole et mon Père l’aimera ; nous viendrons à lui, et nous ferons notre demeure chez lui. »
  • Jean 15:14 : « [Jésus dit :] Vous êtes mes amis si vous faites ce que je vous commande.»
  • Matthieu 12:50 : « [Jésus dit :] Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma sœur, et ma mère. »
  • 1 Jean 2:3-6 : « Si nous gardons ses commandements, par là nous savons que nous l’avons connu. Celui qui dit : Je l’ai connu, et qui ne garde pas ses commandements, est un menteur, et la vérité n’est point en lui. Mais celui qui garde sa parole, l’amour de Dieu est véritablement parfait en lui : par là nous savons que nous sommes en lui. Celui qui dit qu’il demeure en lui doit marcher aussi comme il a marché lui-même. »
  • 1 Jean 5:3-5 : « Car l’amour de Dieu consiste à garder ses commandements. Et ses commandements ne sont pas pénibles, parce que tout ce qui est né de Dieu triomphe du monde ; et la victoire qui triomphe du monde, c’est notre foi. Qui est celui qui a triomphé du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu ? »

Être un disciple de Jésus, avoir une relation personnelle avec Jésus, cela ne se réduit pas à quelque chose de sentimental et de subjectif. C’est un engagement conscient à faire ce que Jésus nous commande de faire, c’est observer volontairement et joyeusement ses prescriptions de manière à étendre son règne. Et cela doit se faire autant individuellement que collectivement.

Il en découle clairement que le Grand Mandat n’est pas limité à l’évangélisation et au culte de piété personnel. Pour que les disciples — et les nations de disciples — soient en mesure d’observer les prescriptions de Jésus, il faut que les disciples soient amplement instruits, édifiés, corrigés et sanctifiés dans les doctrines des Saintes Écritures. Pour que le Grand Mandat atteigne son but, les chrétiens doivent donc aller beaucoup plus loin que les étapes initiales de l’évangélisation et du culte de piété personnel.

4. La théonomie véhicule l’amour de Dieu

4.1. L’amour est le résumé de la loi

Galates 5:14 énonce : « Car toute la loi est accomplie dans une seule parole, celle-ci : tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Ce verset signifie-t-il littéralement que toute la loi se réduit à aimer son prochain, qu’il suffit d’être gentil avec son voisin pour respecter la loi de Dieu ? Certainement pas. « L’amour est le résumé de la loi, et un résumé n’annule pas le contenu de ce qu’il résume.[74] » La loi morale et les commandements moraux « définissent, décrivent, ce qu’est l’amour concret de Dieu, du prochain et de soi-même. L’amour vrai et l’observation de la loi vont ensemble, main dans la main : Sans l’amour, l’obéissance la plus héroïque n’est rien (1 Corinthiens 13:3) ; et sans la loi, ou hors la loi, l’amour n’est plus qu’un sentiment sans valeur.[75] »

Étant donné que la loi se résume par l’amour (mais qu’elle ne s’y réduit pas), la théonomie soutient que l’exercice pieux du pouvoir civil est une « expression de l’amour de Dieu pour ses créatures.[76] » Par extension, « toute législation selon l’équité [et] selon la loi de Dieu véhicule l’amour de Dieu[77] » pour les sociétés humaines. 2 Samuel 23:3-4 illustre cette façon dont Dieu témoigne de son amour pour nous à travers les gouvernants civils : « Celui qui règne parmi les hommes avec justice, celui qui règne dans la crainte de Dieu, est pareil à la lumière du matin, quand le soleil brille et que la matinée est sans nuages ; ses rayons après la pluie font sortir de terre la verdure. » La théonomie est une manifestation de l’intense amour de Dieu pour sa Création et ses élus.

4.2. Il y a une hiérarchie interne dans la loi morale

Galates 5:14 (supra) doit être lu avec Matthieu 22:36-40 : « Maître, quel est le plus grand commandement de la loi ? Jésus lui répondit : Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée [Deutéronome 6:5]. C’est le premier et le plus grand commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même [Lévitique 19:18]. De ces deux commandements dépendent toute la loi et les prophètes. » Observons d’emblée que l’amour du prochain est subordonné à l’amour de Dieu. Plus loin, en Matthieu 23:23, Jésus élabore sa réponse : « Malheur à vous, scribes et pharisiens hypocrites ! Parce que vous payez la dîme de la menthe, de l’aneth et du cumin, et que vous laissez ce qui est plus important dans la loi, la justice, la miséricorde et la fidélité : c’est là ce qu’il fallait pratiquer, sans négliger les autres choses. »

En Matthieu 22:36-40 et 23:23, « Jésus hiérarchise la loi morale en distinguant en elle ‹ ce qu’il y a de plus important (ta barutera = les choses ayant le plus de poids) : La justice, la miséricorde et la foi ›, et il ajoute aussitôt ‹ sans omettre le reste › […] Il y a dans l’organisme des commandements, rappelons-le :

  • D’abord, le commandement capital, principal : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, accompagné du commandement qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même [c’est le résumé du résumé de la loi morale].
  • Ensuite, le Décalogue, qui résume l’ensemble de la loi morale.
  • Enfin, les autres commandements, en rapport avec une ou plusieurs paroles du Décalogue, qui vont de ceux qui ont le plus de poids aux plus petits, qui cependant ne doivent pas être négligés ou passés sous silence.[78]»

Pour bien comprendre cette hiérarchisation de la loi morale, une incursion dans la pensée juive est utile. Jean-Marc Thobois offre l’explication suivante :

« Par conséquent, pour ne pas faire un mauvais usage de la Thora, pour ne pas anéantir la Thora en en donnant une mauvaise interprétation, il faut en comprendre la clé. Quelle est la clé, quel est le principe de base de la Thora ? C’est une question que les sages d’Israël s’étaient déjà posée à l’époque de Jésus.

Il existe un midrash (une tradition), qui nous dit ceci : Moïse a donné 613 commandements, David les a réduits à 10, Michée les a réduits à 5 (« on t’a fait connaître ô homme ce qui est bien, et ce que l’Eternel attend de toi, c’est que tu aimes la justice, que tu pratiques la miséricorde, que tu marches humblement avec ton Dieu »). Et Habakuk les a réduits à 1 : Le juste vivra par la foi.

Cette tradition est très intéressante parce que se basant sur ce que dit l’apôtre Paul, qui reprend ce verset dans l’épitre aux Romains pour montrer que c’est la clé de l’Evangile. Beaucoup, voulant nier la permanence de la Thora, disent : Le juste vivra par la foi, nous n’avons donc plus besoin de la Thora. Or les sages d’Israël disent : Justement, ce verset est le résumé de toute la Thora. Non seulement ce verset n’annule pas la Thora, mais il la résume tout entière. C’est exactement ce que pense Paul, nous le verrons plus loin.

Il y avait encore une autre manière de résumer la Thora, c’est ce que l’on appelle dans le judaïsme la Règle d’or de Hillel. On raconte qu’il y avait un rabbin nommé Hillel, qui vivait environ un siècle avant Jésus-Christ, homme très doux, très conciliant et arrangeant, que l’on n’arrivait jamais à mettre en colère. Un midrash raconte que quelqu’un avait fait le pari qu’il arriverait à sortir Hillel de ses gonds. Il lui avait, pardonnez-moi l’expression, cassé les pieds toute une après-midi avec des questions stupides mais il avait finalement dû déposer les armes parce qu’Hillel ne s’était jamais énervé. Il avait toujours répondu à ses questions. En revanche, Hillel avait un collègue qui, lui, était d’un tempérament très nerveux, très vif, tout l’inverse, qui se mettait facilement en colère, il s’appelait Shamaï. Un jour, un païen vient vers lui – beaucoup de païens à l’époque s’intéressaient au judaïsme – et lui dit : « Ecoute, j’aimerais me convertir au judaïsme, mais pour cela, il faut bien sûr que j’apprenne la Thora. Je suis un homme d’affaire, je n’ai pas le temps d’étudier, alors écoute, je me convertis à une seule condition, c’est que tu m’enseignes toute la Thora pendant que je suis debout sur un pied. »

– Tu te fiches de moi, lui dit Shammaï, la porte est là, tu peux sortir.

Le païen s’en va et va poser la même question à Hillel.

– Est-ce que tu peux m’enseigner toute la Thora pendant que je suis debout sur un pied ?

– Pas de problème, mets-toi sur un pied.

Et il lui dit : « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’ils te fassent, ça c’est toute la Thora. »[79]

5. Théonomie, justification par la grâce et salut par la foi

5.1. La théonomie versus le légalisme et le pharisaïsme

En Matthieu 5:20, Jésus nous dit : « Car, je vous le dis, si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. » Dans la version Louis Segond 21, ces scribes sont des « spécialistes de la loi. » En Luc 11:46, 52, Jésus s’exclame carrément : « Malheur à vous aussi, docteurs de la loi ! Parce que vous chargez les hommes de fardeaux difficiles à porter, et que vous ne touchez pas vous-mêmes de l’un de vos doigts. […] Malheur à vous, docteurs de la loi ! Parce que vous avez enlevé la clef de la science ; vous n’êtes pas entrés vous-mêmes, et vous avez empêché d’entrer ceux qui le voulaient. »

Les nombreuses références négatives aux pharisiens et docteurs/spécialistes de la loi dans le Nouveau Testament poussent plusieurs chrétiens à croire que l’étude méticuleuse de la loi de Dieu, ainsi que son application prudente, est une forme de pharisaïsme, et par là même une forme de légalisme, puisque « les pharisiens essayaient de se justifier au moyen de la loi ; leur salut par les œuvres était invétéré.[80] »

Cette approche passe à côté de l’enseignement de Jésus sur le légalisme. Le légalisme se définit comme étant « la croyance que quelqu’un est sauvé par les mérites de ses propres efforts dans l’accomplissement des œuvres de la loi.[81] » Le légalisme est une forme de salut par les œuvres, de salut par la loi. Le mouvement théonomiste contemporain adhère, comme tous les protestants, au salut par la grâce seule au moyen de la foi seule (Éphésiens 2:8-9), et comme tous les réformés, à la sotériologie calviniste des Canons de Dordrecht ; il rejette complètement toute forme de salut par les œuvres, incluant le légalisme.[82] Greg Bahnsen affirme, dans un chapitre intitulé L’inhabilité de la loi à justifier et à fortifier : « La loi ne sauve pas l’homme, mais elle lui montre pourquoi il a besoin d’être sauvé et comment il doit marcher après avoir été sauvé.[83] » Seule l’action du Saint-Esprit peut régénérer les cœurs.

Lorsqu’il s’en prend au légalisme hypocrite des pharisiens, « Jésus ne critique pas du tout la loi ; il récuse les applications pharisaïques de la loi. […] La loi demandait une sanctification intérieure puis son expression extérieure [de cette sanctification] ; les scribes et les pharisiens ont ignoré le premier et perverti le deuxième.[84] » Au Ier siècle, « les pharisiens en appelaient à la loi d’une manière calculée, pour s’aider à échapper aux véritables exigences originelles de Dieu.[85] » Il était aussi question de la tradition orale, non scripturaire, que les pharisiens faisaient passer avant le Tanak (l’Ancien Testament), et qui est plus tard devenue le Talmud : « Vous annulez ainsi la Parole de Dieu au profit de votre tradition » (Matthieu 15:6b).

Pierre Courthial fait le commentaire suivant : « Il est faux, radicalement, de faire des pharisiens d’attentifs auditeurs et de fidèles pratiquants de la loi mosaïque, et de leur attribuer je ne sais quelle orthodoxie.[86] » Et Greg Bahnsen ajoute : « Le problème avec les pharisiens est qu’ils n’observaient pas la loi de l’Ancien Testament !Leur légalisme était illégal.[87] » En effet, même sous l’Ancienne Alliance, les élus étaient justifiés par la grâce au moyen de la foi (Genèse 15:6, Romains 4:3, 22, Galates 3:6-9, Hébreux 11:8-23, Jacques 2:23). L’Éternel n’a jamais choisi Israël sur la base de ses propres mérites, mais sur la base de son choix souverain et de sa grâce divine (Exode 33:3, 34:9 et 52:9, Deutéronome 7:7-8 et 10:15, Jérémie 4:4). C’est pour cela que Jésus a dit aux Juifs de son temps : « Nul de vous n’observe la loi » (Jean 7:19b). Citons encore le docteur Bahnsen : « Une observance des saintes normes de Dieu pour le comportement humain surpasse la droiture et la [fausse] ‹ légalité › des scribes. […] La théonomie, qui prend en compte le Nouveau Testament, ne doit pas être identifiée aux pharisiens et aux judaïsants.[88] »

Ce problème de la distorsion pharisaïque de la loi existait déjà à l’époque de l’Ancien Testament. Le prophète Malachie fustige les Hébreux : « Vous vous êtes écartés de la voie, vous avez fait de la loi une occasion de chute pour plusieurs, vous avez violé l’alliance de Lévi, dit l’Éternel des armées » (Malachie 2:8). Le prophète inspiré du Saint-Esprit tire-t-il de ce triste constat la conclusion que la loi doit être rejetée puisque certains en ont fait une occasion de chute ? Non, au contraire, il adresse au peuple de l’Alliance la continuelle remontrance : « Souvenez-vous de la loi de Moïse, mon serviteur, auquel j’ai prescrit en Horeb [mont Sinaï], pour tout Israël, des préceptes et des ordonnances » (Malachie 4:4).

5.2. La loi est un outil de sanctification et non de justification

Dans ses épîtres, Paul donne plusieurs sens différents au concept de « loi. » Une mauvaise compréhension de ces distinctions pauliniennes conduit aujourd’hui beaucoup de chrétiens à se méprendre sur les modalités de la Nouvelle Alliance. Dans de très nombreux passages,[89] Paul réfute l’idée erronée voulant que la loi soit un moyen de justification, une dérive pharisienne en vogue au Ier siècle, puis il oppose cette idée erronée à la vraie doctrine de la loi morale comme un moyen de sanctification. En effet, le Saint-Esprit est l’agent de la sanctification, et Il utilise premièrement la loi-Parole comme un instrument de sanctification (cf. Jean 17 :17, Actes 20:32, Ephésiens 5:25,26, Jean 15:3, Colossiens 3:16, 1 Timothée 4:13,16, 2 Timothée 3:16,17, 1 Pierre 2:2), Parole qui devient agissante par la grâce de Dieu. La loi est ainsi la norme et un guide pour la sanctification, tout autant qu’un moyen de sanctification, mais ne détient aucune efficacité en elle-même, si elle ne procède pas de l’action intérieure du Saint-Esprit. Ce troisième usage de la loi défendu par Calvin ne doit pas être confondu avec le légalisme. Les réformateurs comme les puritains, à l’instar de Paul, mettent bien en évidence que la même grâce qui est la « source de salut pour tous les hommes, » dans leur justification, « enseigne à renoncer à l’impiété et aux convoitises mondaines, et à vivre dans le siècle présent selon la sagesse, la justice et la piété » (Tite 2:11-12). Mais il faudra attendre le méthodisme de John Wesley pour que la vérité de la sanctification par la foi soit rétablie et développée plus explicitement et amplement. Paul explique que l’usage de la loi comme moyen de justification est illégitime et spirituellement inefficace (et même préjudiciable), tandis que l’usage de la loi comme moyen de sanctification est légitime : « Nous n’ignorons pas que la loi est bonne, pourvu qu’on en fasse un usage légitime » (1 Timothée 1:8). Ainsi, l’obéissance à la loi morale participe à la sanctification plutôt qu’à la justification.[90]

C’est en ce sens que doit être compris Psaumes 19:8-12 : « La loi de l’Éternel est parfaite, elle restaure l’âme ; le témoignage de l’Éternel est véritable, il rend sage l’ignorant. Les ordonnances de l’Éternel sont droites, elles réjouissent le cœur ; les commandements de l’Éternel sont purs, ils éclairent les yeux. La crainte de l’Éternel est pure, elle subsiste à toujours ; les jugements de l’Éternel sont vrais, ils sont tous justes. Ils sont plus précieux que l’or, que beaucoup d’or fin ; ils sont plus doux que le miel, que celui qui coule des rayons. Ton serviteur aussi en reçoit instruction ; pour qui les observe, la récompense est grande. »

De même que Paul oppose la loi divine de sanctification à la loi pharisienne de justification, l’apôtre différencie entre deux concepts de la « loi intérieure » sous la Nouvelle Alliance. L’une des lois intérieures est la loi charnelle, la « loi du péché » (Romains 7:23, 25 et 8:2), tandis que l’autre est la loi de Dieu que le Saint-Esprit place dans nos cœurs (Romains 7:22/25, Hébreux 8:10). Cette intériorisation de la loi morale par les chrétiens n’annule pas sa fonction sociale (familiale, ecclésiale et civile).

6. Le rôle théonomique du magistrat civil

6.1. Le magistrat civil exerce la vengeance de Dieu

Les textes bibliques suivants nous renseignent sur le rôle du gouvernement civil. Celui-ci consiste à exercer la vengeance de Dieu en sanctionnant toute violation externe et volontaire des deux Tables des Dix Commandements, de même que toute violation externe et volontaire des autres lois morales contenues dans la Bible. Autrement dit, le magistrat est « l’instrument établi par Dieu pour punir les criminels qui violent l’ordre que Dieu a établi pour la société […] et s’il manque à ce devoir, il pèche.[91] »

  • Deutéronome 13:5 : « Tu ôteras ainsi le mal du milieu de toi. » Réitéré huit fois en Deutéronome 17:7, 17:12, 19:19, 21:21, 22:21, 22:22, 22:24 et 24:7.
  • Psaumes 2:10-11 : « Et maintenant, rois, conduisez-vous avec sagesse ! Juges de la terre, recevez instruction ! Servez l’Éternel avec crainte, et réjouissez-vous avec tremblement. »
  • Psaumes 82:2, 6-7 : « Jusqu’à quand jugerez-vous avec iniquité, et aurez-vous égard à la personne des méchants ? […] J’avais dit : Vous êtes des dieux [Elohiym], vous êtes tous des fils du Très-Haut. Cependant vous mourrez comme des hommes, vous tomberez comme un prince quelconque. »
  • Psaumes 94:20-23 (Segond 21)[92]: « Comment pourrais-tu être le complice de mauvais juges qui commettent des crimes au mépris de la loi ? Ils se liguent contre le juste, ils condamnent l’innocent […]. Il [l’Éternel] fera retomber leur crime sur eux, Il les réduira au silence par leur méchanceté. L’Éternel, notre Dieu, les réduira au silence. »
  • Proverbes 8:15-16 : « Par moi [l’Éternel] les rois règnent, et les princes ordonnent ce qui est juste ; par moi gouvernent les chefs, les grands, tous les juges de la terre. »
  • Ecclésiaste 8:11 : « Parce qu’une sentence contre les mauvaises actions ne s’exécute pas promptement, les cœurs des fils de l’homme se remplit en eux du désir de faire le mal._»
  • Ésaïe 26:10 : « Si l’on fait grâce au méchant, il n’apprend pas la justice. »
  • Romains 13:3-4 : « Ce n’est pas pour une bonne action, c’est pour une mauvaise, que les magistrats sont à redouter. Veux-tu ne pas craindre l’autorité ? Fais-le bien, et tu auras son approbation. Le magistrat est serviteur de Dieu pour ton bien. Mais si tu fais le mal, crains ; car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée, étant serviteur de Dieu pour exercer la vengeance et punir celui qui fait le mal. »
  • 1 Timothée 1:9 : « La loi n’est pas faite pour le juste, mais pour les méchants et les rebelles, les impies et les pécheurs, les irréligieux et les profanes, les parricides, les meurtriers. »
  • 1 Pierre 2:13 : « Soyez soumis, à cause du Seigneur, à toute autorité établie parmi les hommes, soit au roi comme souverain, soit aux gouverneurs comme envoyés par lui pour punir les malfaiteurs et pour approuver les gens de bien. […] Honorez tout le monde ; aimez les frères ; craignez Dieu ; honorez le roi. »

Cette soumission des magistrats civils au droit biblique est parfaitement logique, puisque Jésus est le Roi des rois, Seigneur des seigneurs, Juge des juges, Magistrat des magistrats, Maire des maires, Chancelier des chanceliers, Empereur des empereurs, et César des césars (1 Timothée 6:15, Apocalypse 17:14 et 19:16). Les césars terrestres doivent donc soumission au César céleste, ce qui implique qu’ils doivent appliquer le droit biblique dans la sphère civile. Jésus est Seigneur sur tout l’univers : « Tout pouvoir m’a été donné dans le ciel et sur la terre » (Mathieu 28:18), ce qui signifie que Jésus est le Seigneur des gouvernements civils. À ce titre, les magistrats civils sont des subordonnés et des délégués de Jésus. Nier la royauté civile de Jésus, c’est affirmer, comme les principaux sacrificateurs qui livrèrent Jésus pour qu’il soit crucifié : « Nous n’avons de roi que César » (Jean 19:15d).

6.2. Le magistrat civil ne peut pas être religieusement « neutre »

L’affirmation classique de la neutralité religieuse de l’État, c’est-à-dire de la laïcité ou du sécularisme, est formulée dans la Loi de séparation des Églises et de l’État promulguée en 1905, pendant l’apogée laïciste de la IIIe République française : « La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte.[93] » Ne reconnaît aucun culte, donc se prétend neutre. La neutralité se définit comme suit : « état de quelqu’un, d’un groupe qui ne se prononce pour aucun parti » (Dictionnaire Larousse). La neutralité ne doit pas être confondue avec l’objectivité, qui se définit comme suit : « qualité de ce qui est conforme à la réalité, d’un jugement qui décrit les faits avec exactitude » (Dictionnaire Larousse). La neutralité religieuse, elle, est une vaine « tentative de raisonner sans présupposé religieux[94]. »

Or la neutralité n’existe pas. Le concept même de neutralité est auto-réfutant. La neutralité est auto-réfutante car elle prétend qu’il faut écarter nos idées préconçues quand on interprète des données. Mais cela est justement une idée préconçue. De surcroît, la neutralité est aussi auto-réfutante car elle soutient qu’il faut abandonner ses présupposés éthiques, métaphysiques[95] et épistémologiques.[96] Or pour soutenir cela il faut assumer que {1} la neutralité est morale (un présupposé éthique), que {2} la neutralité est possible (un présupposé métaphysique), et {3} que ces deux croyances concernant la neutralité sont connaissables (un présupposé épistémologique).[97]

Comme l’observent Rousas Rushdoony et Jean-Marc Berthoud (professeur de théologie biblique au Collège biblique de Lausanne), les politiques des autorités civiles ne sont jamais exemptes de dimension éthique : « toutes les lois inscrites sur nos codes avec leurs règles d’application se rapportent immanquablement à des questions ‘morales’, à un système moral. Nous pouvons contester la moralité d’une loi, nous ne pouvons nier la relation inévitable entre législation et morale […] Il est en conséquence impossible d’avoir des lois sans les fonder sur une morale.[…] Toute législation n’est rien d’autre que la promulgation légale d’un système moral spécifique. En plus, toute morale présuppose comme fondement une religion particulière. Les lois reposent sur la morale et la morale [repose] sur la religion.[98] » Il s’ensuit que des lois religieusement neutres ne peuvent pas exister, que les agissements des gouvernements civils ont inévitablement une répercussion spirituelle, qui est bénéfique ou préjudiciable.

6.3. Le magistrat théonomique n’est pas une police des consciences

Selon les Saintes Écritures et la théonomie, le magistrat doit pénaliser les crimes extérieurs, pas les péchés intérieurs. La définition du péché nous est donnée en 1 Jean 3:4 : « Quiconque pèche transgresse la loi, et le péché est la transgression de la loi. » Dans la Bible, certains péchés donnent lieu à l’intervention du magistrat, tandis que certains péchés ne donnent pas lieu à son intervention. Les seuls péchés qui concernent le gouvernement civil sont les crimes. Tous les crimes sont des péchés, mais tous les péchés ne sont pas nécessairement des crimes. Cela a une incidence importante dans la conduite des affaires civiles.

Greg Bahnsen et Jean-Marc Berthoud l’expliquent : « La punition [civile] qu’applique le magistrat porte sur des actions, c’est-à-dire sur des comportements extérieurs. Son autorité [du magistrat] ne concerne pas n’importe quel péché et dans son exercice sont explicitement exclus tous les péchés d’intention ou de pensée. Le magistrat sévit contre toute action mauvaise brisant l’ordre juste de Dieu pour la société et pour les rapports interpersonnels publics. Il punit les crimes commis publiquement, mais pas les péchés personnels à caractère privé. Comme Dieu seul connaît les cœurs, Dieu seul est apte à juger et punir les péchés intimes et purement personnels. […] C’est exclusivement pour agir dans le domaine social qu’Il [Dieu] a établi l’autorité du magistrat afin de préserver dans la société justice et paix et ainsi punir sur le plan temporel ces infractions publiques à la loi divine. […] Dieu ne donne en aucun cas au magistrat le droit de juger les cœurs, d’évaluer les motivations des actions humaines ou de lier les consciences. […] Ce serait futile (et criminel) pour lui d’usurper le droit de juger et de sévir contre tout et n’importe quel péché, comme s’il tenait le rôle de Dieu qui sonde les cœurs et les reins des hommes.[99] »

6.4. La théonomie favorise l’avancement de l’Évangile

Tandis que la mission de l’État est d’exercer la vengeance de Dieu et de protéger les citoyens, la mission de l’Église est la prédication de l’Évangile. L’État et l’Église sont des instruments aux rôles distincts, mais complémentaires, que Dieu emploie pour l’avancement de son Royaume. L’État a la responsabilité de faciliter le travail d’évangélisation des cœurs en établissant un cadre juridique qui protège le christianisme et qui le privilégie en favorisant son expansion.[100] Et comme l’expliquait le réformateur Jean Calvin dans son Institution de la religion chrétienne(2:7:11), l’incitation à la droiture par les autorités civiles peut, par ricochet, « aller jusqu’à une prise de conscience providentielle qui soit à salut.[101] »

Refuser de châtier les crimes qui doivent l’être en vertu du droit biblique a pour effet de banaliser ces péchés et, par contrecoup, de compliquer la repentance des citoyens. Si le comportement de l’État n’est pas exemplaire, combien plus le corps civique sera-t-il porté à penser qu’il est admissible de déroger à l’autorité divine ? « Là où le magistrat sévit fortement contre les malfaiteurs, le peuple comprend la différence entre justice et crime. Si l’État se prétend neutre, cette neutraliténe fera que favoriser toutes les erreurs et, à la fin, par son pluralisme même, rendra plus ardue l’écoute de la vérité par le peuple, ceci même dans les églises fidèles.[102] »

6.5. Le cas de la femme adultère : Que celui qui n’a jamais péché…

En Jean 8:3-11, nous avons ce récit de la femme adultère : « Alors les scribes et les pharisiens amenèrent une femme surprise en adultère; et, la plaçant au milieu du peuple, ils dirent à Jésus : Maître, cette femme a été surprise en flagrant délit d’adultère. Moïse, dans la loi, nous a ordonné de lapider de telles femmes : toi donc, que dis-tu ? Ils disaient cela pour l’éprouver, afin de pouvoir l’accuser. Mais Jésus, s’étant baissé, écrivait avec le doigt sur la terre. Comme ils continuaient à l’interroger, il se releva et leur dit : Que celui de vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle. Et s’étant de nouveau baissé, il écrivait sur la terre. Quand ils entendirent cela, accusés par leur conscience, ils se retirèrent un à un, depuis les plus âgés jusqu’aux derniers ; et Jésus resta seul avec la femme qui était là au milieu. Alors s’étant relevé, et ne voyant plus que la femme, Jésus lui dit : Femme, où sont ceux qui t’accusaient ? Personne ne t’a-t-il condamnée ? Elle répondit : Non, Seigneur. Et Jésus lui dit : Je ne te condamne pas non plus : va, et ne pèche plus. »

Une lecture superficielle de ce récit peut nous induire à croire que la peine capitale ne doit plus être imposée pour le crime d’adultère et les crimes sexuels d’une gravité équivalente (viol, inceste, zoophilie). En réalité, Jésus n’a pas condamné cette femme adultère car la loi mosaïque ne lui permettait pas de la condamner.

Premièrement, la loi ne permettait pas à Jésus de condamner la femme adultère, car Jésus n’était pas un magistrat, comme il le dit lui-même en Luc 12:13-14 : « Quelqu’un dit à Jésus, du milieu de la foule : Maître, dis à mon frère de partager avec moi notre héritage. Jésus lui répondit : Ô homme, qui m’a établi parmi vous pour être votre juge, et pour faire vos partages ? » Le réformateur Pierre Viret (1511-1571) apporte le commentaire suivant : « Concluons-nous donc qu’il n’est plus loisible de partir [de partager] les héritages, pource que Jésus-Christ n’en a point voulu prendre la charge, quand il [en] a été requis ?[103] »

Le réformateur de Lausanne et du Croissant huguenot est catégorique : « Si Jésus-Christ fût venu pour faire office de magistrat, il l’eût condamnée [la femme] selon la loi. Mais pour ce que ce n’était pas son office, il a fait ce qui appartenait à la commission qui lui était enjointe du Père. Il n’en eût pas moins fait d’un meurtrier ou d’un autre criminel. […] Il a montré à ses adversaires qu’il [ne] se voulait mêler [que] de l’office qui lui était enjoint, auquel ils voulaient mettre empêchement […]. En laquelle chose ils faisaient tout à rebours de ce qu’ils devaient faire ; comme ceux-là font aujourd’hui qui prêchent la loi de grâce [de laxisme] pour le support des paillards [fornicateurs], là où elle n’a point lieu.[104] »

Deuxièmement, la loi ne permettait pas à Jésus de condamner la femme adultère, car pour que le crime d’adultère puisse être puni par la peine capitale, les deux coupables doivent être surpris sur le fait par au moins deux témoins oculaires (Deutéronome 22:22, Lévitique 20:10). En l’espèce, les accusateurs n’ont pas mis en accusation le complice de la femme adultère, ni mis en cause l’époux de cette femme ou l’épouse de son complice, ce qui implique qu’ils n’étaient pas des témoins oculaires crédibles dont la preuve du témoignage pouvait être crue hors de tout doute raisonnable. Juridiquement, cette femme ne pouvait pas être mise à mort. C’est pour cela que Jésus — qui connaissait le péché sexuel de la femme puisqu’Il est omniscient — se contente de lui dire : « Va, et ne pèche plus » (Jean 8:11).

Si nous ne pouvions plus pénaliser les crimes sous prétexte que tous les hommes sont pécheurs, cela entraînerait inévitablement un chaos absolu. « L’antinomisme ne peut que conduire à la longue à l’anarchie.[105] » En suivant le raisonnement antinomien et piétiste, le prétexte de la non-condamnation de la femme adultère pourrait très bien servir « non seulement pour abolir la punition des adultères, mais aussi de tous [les] autres criminels.[106] »

Qu’arrive-t-il si un citoyen commet le crime d’adultère, est accusé en justice, plaide coupable, admet son crime, et s’en repent ? Peut-il être absous par le tribunal, vu qu’il est repentant ? Bibliquement, non. Cela peut sembler choquant, mais ce l’est moins si l’on saisit la dissociation entre le pardon spirituel et la justice civile. Le pardon spirituel et la justice civile sont deux choses tout à fait différentes. Dieu le Père pardonne tous les péchés de tous les élus parce qu’ils ont été rachetés par le sacrifice expiatoire de Jésus. Mais le mandat des magistrats humains — selon la Bible — n’est pas de pardonner, mais d’appliquer le droit biblique dans l’obéissance. La condamnation civile des criminels méritant la peine capitale (meurtriers, avorteurs, violeurs, adultères, etc.) ne détermine donc nullement leur statut devant l’Église (inclusion ou exclusion de l’Alliance de grâce) ni leur sort spirituel dans l’au-delà (félicité éternelle ou damnation éternelle).

C’est sur la base de cette dissociation cruciale entre le pardon spirituel du péché et la sanction civile du crime que Pierre Viret observe que le pardon spirituel accordé par Jésus a la femme adultère « ne doit pas empêcher les magistrats chrétiens de punir les adultères et paillards [fornicateurs], en telle sorte qu’ils mettent les adultères et paillards en horreur à tous. […] Nous ne lisons point que Jésus-Christ ait répondu à ceux qui lui ont amené l’adultère que ce fut mal de lapider les adultères […]. Nous ne lisons point aussi qu’il ait dit à l’adultère : ‘Tu n’as pas mérité la mort, par quoi je t’absous.’ Mais [Jésus] lui a seulement dit : Je ne te condamne point. […] Les magistrats se doivent préparer à être punis de Dieu pour les adultères et paillardises [fornications] qui demeurent impunies par eux[107]. »

6.6. Sous l’Ancienne Alliance, la théonomie contraignait déjà toute l’humanité.

Les antinomiens et les piétistes objectent à l’encontre de la théonomie que les lois morales applicables en Israël antique n’ont plus de valeur aujourd’hui parce qu’elles se rapportaient uniquement à l’État hébreu de l’époque de l’Ancien Testament. C’est oublier que la loi morale de Dieu est universelle, perpétuelle et immuable. La loi morale est antérieure à Moïse et à la constitution politique d’Israël comme État-nation[108].

Même sous l’Ancienne Alliance, malgré le fait que le peuple hébreu était l’objet d’une attention et d’une affection particulières de Dieu, tous les humains étaient tenus de respecter la loi morale. Pierre Courthial remarque que « Dieu seul, en son Écriture, a souverainement défini et décrit, une fois pour toutes, les fondements de la morale et du droit. […] Le bien et le mal ne sont des réalités définies, décrites que par le Dieu de l’Alliance dans son Traité d’Alliance qu’est la Sainte Écriture. Par nul autre ! Et nulle part ailleurs ![109] » Et il enfonce le clou : « Dieu n’a pas deux lois morales différentes ; l’une pour Israël, l’autre pour les nations. […] Le Dieu saint n’a jamais donné au genre humain, dans la révélation de sa grâce générale comme dans celle de sa grâce particulière, des morales différentes.[110] »

Les exemples bibliques l’attestant sont multiples. Le psalmiste déclare : « Que toute la terre craigne l’Éternel ! Que tous les habitants du monde tremblent devant lui ! […] Heureuse la nation dont l’Éternel est le Dieu » (Psaumes 33:8/12a). Le roi Salomon affirme : « La justice élève une nation, mais le péché est la honte des peuples » (Proverbes 14:34). Le prophète Daniel, vrai ambassadeur de Dieu, admoneste le roi de Babylone, Nebucadnetsar, d’une façon qui indique l’universalité de la loi morale : « Mets un terme à tes péchés en pratiquant la justice, et à tes iniquités en usant de compassion envers les malheureux » (Daniel 4:27). Le ministère de Jonas à Ninive — la capitale de l’Empire assyrien — qui y provoqua un redressement de la moralité, illustre excellemment le caractère contraignant de la loi divine pour les non-Hébreux dès l’Ancienne Alliance (Jonas 3:1-10). Dans le même ordre d’idées, les très nombreuses prophéties contre diverses nations ayant désobéi à la loi de Dieu (et pas seulement guerroyé contre les Hébreux) indiquent que déjà sous l’Ancienne Alliance, Dieu voulait que sa loi reçoive une application universelle (Ésaïe 13 à 23, Ézéchiel 25 à 32, Jérémie 46 à 51, Amos 1 & 2, etc.).[111]

Les prophètes de l’Ancien Testament avaient annoncé qu’en définitive le Dieu d’Israël serait célébré par les nations non israélites (Psaumes 18:49, 2 Samuel 22:50, Jérémie 16:19, Zacharie 2:11). Il était prophétisé que cette Nouvelle Alliance finale serait différente de l’Ancienne (Jérémie 31:31-32). Cela signifie-t-il que la Nouvelle Alliance a un caractère moins théonomique que l’Ancienne Alliance ? Aucunement. Dieu dit à propos de la Nouvelle Alliance : « J’établirai ma loi pour être la lumière des peuples » (Ésaïe 51:4b). « Des nations s’y rendront en foule, et diront : Venez et montons à la montagne de l’Éternel, à la maison du Dieu de Jacob, afin qu’il nous enseigne ses voies, et que nous marchions dans ses sentiers. Car de Sion sortira la loi, et de Jérusalem la parole de l’Éternel. Il sera juge d’un grand nombre de peuples, l’arbitre de nations puissantes, lointaines » (Michée 4:2-3a).

6.7. Le défi de l’applicabilité moderne des lois anciennes

Venons-en aux lois civiles qui sont rattachées à la loi morale et qui sont, par conséquent, toujours en vigueur. Dans la réformation universelle à laquelle aspire la reconstruction chrétienne, les lois ont un rôle important à jouer. Mais attention, « une transposition purement mécanique [de l’entièreté] des lois bibliques n’est ni souhaitable, ni possible, vu les nombreux changements culturels et techniques qui nous séparent de l’ancien Israël.[112] » « Il nous faut donc affirmer en même temps l’unité des lois — toutes fondées sur une loi transcendante unique et normative de tous droits — et la diversité dans la façon d’appliquer les lois […] Il faut donc une unité en ce qui concerne les universaux juridiques (la justice) et une diversité en ce qui concerne les accidents (les mœurs) [applications circonstancielles], une unité essentielle et une diversité existentielle.[113] »

Selon les situations, l’application actuelle des lois morales de la Bible peut se faire avec la méthode de ratio et determinatioQuand on procède par ratio, le transfert est rigoureusement logique, la loi biblique doit s’appliquer univoquement et directement — avec des adaptations si besoin est. Quand on procède pardeterminatio, la loi biblique doit s’appliquer indirectement, par analogie — il faut cerner une norme générale dans la loi biblique et en retirer une règle d’application spécifique et concrète. « Par l’application judicieuse de ce principe de determinatio, beaucoup de problèmes de la vie en société peuvent fort bien être décidés de manières très diverses, manières qui sont toutes raisonnables, c’est-à-dire morales.[114] »

Il existe un Recueil de droit biblique démontrant de façon détaillée comment cette méthode juridique peut être utilisée pour appliquer les lois anciennes dans un contexte moderne.[115]

7. La présomption de continuité des lois

7.1. La catégorisation bipartite plutôt que tripartite de la loi

La division de la loi biblique en trois catégories (morale–cérémonielle–civile), qui est aujourd’hui largement acceptée par les chrétiens évangéliques, fut popularisée par Thomas d’Aquin au Moyen Âge. Elle fut ensuite presqu’« officialisée » par Jean Calvin, malheureusement.. Cette catégorisation tripartite de la loi n’est pas adéquate. S’il existe une division dans la loi de Dieu, c’est la Bible qui doit nous la fournir.

Dans la Bible, il existe une division entre la loi morale et la loi cérémonielle, puisque Dieu subordonne en importance le respect des rites cérémoniels au respect de sa loi morale :

  • 1 Samuel 15:22 : « Et Samuel dit : L’Éternel prend-il plaisir aux holocaustes et aux sacrifices, comme à ce qu’on écoute la voix de l’Éternel ? Voici, écouter est meilleur que le sacrifice, prêter l’oreille, meilleur que la graisse des béliers. »
  • Proverbes 21:27 : « Le sacrifice des méchants est quelque chose d’abominable ; combien plus quand ils l’offrent avec des pensées criminelles ! »
  • Osée 6:6 : « Car j’aime la piété et non les sacrifices, et la connaissance de Dieu plus que les holocaustes. »
  • Michée 6:6-8 : « Avec quoi me présenterai-je devant l’Éternel, pour m’humilier devant le Dieu Très-Haut ? Me présenterai-je avec des holocaustes, avec des veaux d’un an ? L’Éternel agréera-t-il des milliers de béliers, des myriades de torrents d’huile ? Donnerai-je pour mes transgressions mon premier-né, pour le péché de mon âme le fruit de mes entrailles ? On t’a fait connaître, ô homme, ce qui est bien ; et ce que l’Éternel demande de toi, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes la miséricorde, et que tu marches humblement avec ton Dieu. »
  • Matthieu 12:7 : « Si vous saviez ce que signifie : Je prends plaisir à la miséricorde, et non aux sacrifices, vous n’auriez pas condamné des innocents. »

Maints autres textes bibliques confirment que la loi cérémonielle est subordonnée, en importance, à la loi morale (Psaumes 40:7-9, 50:8-15 et 51:18-21, Ésaïe 1:11-17, Jérémie 7:21-2, Amos 4:4-5). Cela nous conduit à affirmer qu’il existe une catégorisation bipartite de la loi dans la Bible. C’est cette catégorisation bipartite (moral–cérémoniel) de la loi de Dieu qui est adéquate. Dès l’Antiquité, un Barnabas du IIe siècle, Justin de Naplouse et Augustin d’Hippone l’avaient noté.[116]Pendant la Réformation du XVIe siècle, le juriste huguenot François du Jon (1545-1602), professeur de théologie aux Universités de Heidelberg et de Leyde, partageait cet avis.[117] En revanche, « où trouvons-nous dans la Bible […] la triple distinction défendue par Thomas d’Aquin et Jean Calvin ? […] Il ne semble pas […] que la formulation précise que l’on trouve au sujet de ces trois ordres de la loi dans l’enseignement de Thomas d’Aquin et de Jean Calvin […] rende compte des données bibliques.[118] »

Qu’en est-il alors des lois civiles, dites aussi judiciaires, qui sont surtout (mais pas exclusivement) révélées dans le Pentateuque ? Les lois civiles sont les lois qui sont sanctionnables par le magistrat civil (qui relèvent de sa compétence). Certaines lois civiles servaient à sanctionner la violation des lois morales ; elles sont donc rattachées à la loi morale. Ces lois civiles qui servaient à faire respecter la loi morale demeurent en vigueur, car la loi morale demeure en vigueur. Certaines lois civiles servaient à sanctionner la violation des lois cérémonielles ; elles sont donc rattachées à la loi cérémonielle. Ces lois civiles qui servaient à faire respecter la loi cérémonielle ne sont plus en vigueur, car la loi cérémonielle n’est plus en vigueur.

Les lois civiles ne constituent donc pas un bloc de lois distinct et autonome, comme la loi morale et la loi cérémonielle. Il n’y a pas une loi civile, mais des lois civiles. Autrement dit, la loi de Dieu est bipartite et non tripartite. Si l’on devait considérer qu’il existe une loi civile parce que certaines lois sont du ressort de l’État, nous devrions également affirmer qu’il existe une « loi ecclésiale » car certaines lois sont du ressort de l’Église, de même qu’une « loi familiale » car certaines lois sont du ressort de la famille… et ainsi de suite.[119]

S’il est indiscutable que Deutéronome 4:13-14 établit une hiérarchie entre les Dix Commandements et la législation spécifique qui s’y annexe, il est peu probable que la clause « dans le pays » du verset 14 implique une restriction géographique. Et ce pour les deux raisons qui suivent.

Premièrement, lorsque les Dix Commandements et la législation spécifique furent donnés pour la première fois au mont Sinaï, tel que relaté en Exode, il n’était nullement question que leur l’application fût suspendue jusqu’à ce que les Israélites fussent confortablement installés en Canaan. En Exode 20, la législation spécifique fait suite aux Dix Commandements et est promulguée comme entrant en vigueur immédiatement, pas de façon différée. Ceci est confirmé par Deutéronome 4:10 qui précise que cette législation était obligatoire et exécutoire avant l’entrée en Canaan (tant pour la génération morte au désert que pour celle qui y est née).

Deuxièmement, quoique dans cette phase de son plan historico-rédempteur, l’Éternel intensifiait son intervention providentielle au Levant Sud, Il prend le soin de préciser, avant de révéler la législation spécifique, que « toute la terre est à moi » (Exode 19:5). L’Éternel promet aussi que « vous serez pour moi un royaume de prêtres et une nation sainte » (Exode 19:6), et nous savons que ce royaume est géographiquement universel (1 Pierre 2:9). De surcroît, l’Éternel insiste en Deutéronome 4:6-8 que la législation spécifique connexe au Décalogue — et pas seulement ces Dix Paroles — a pour vocation de servir de modèle pour les nations non-israélites (« quelle est la grande nation qui ait des prescriptions et des règles aussi justes que toute cette loi ? » etc.).

Le test pour savoir si une loi biblique doit être rangée sous la loi morale ou sous la loi cérémonielle est le suivant : Cette loi était-elle une préfiguration typologique de Jésus, ou encore servait-elle à séparer délibérément les Hébreux des non-Hébreux (afin de préserver la lignée menant à Jésus) ? Si la réponse est affirmative, cette loi se range sous la loi cérémonielle. Si la réponse est négative, cette loi se range sous la loi morale.

7.2. La présomption de continuité selon Matthieu 5

Jésus déclare en Matthieu 5:17-19 : « 17. Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les Prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. 18. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le Royaume des cieux ; mais celui qui les observera, et qui enseignera à les observer, celui-là sera appelé grand dans le Royaume des cieux. » Pour interpréter correctement ce passage, il faut procéder à une exégèse minutieuse.

Les difficultés d’interprétation que peut générer ce passage proviennent essentiellement de la seconde moitié du verset 17 (« je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir »), et plus particulièrement de l’affirmation « je suis venu […] pour accomplir [la loi]. » Selon la Concordance Strong, le mot grec qui est ici traduit par accomplir est pleroo qui signifie, alternativement, remplir et compléter, ou réaliser et accomplir.[120] Le mot pleroo provient du mot grec pleres, qui signifie plein, rempli, complet.[121] D’entrée de jeu, il est possible que Jésus ait dit : « je suis venu pour compléter la loi » plutôt que « je suis venu pour accomplir la loi. » Cette possibilité devient une certitude quand deux considérations sont prises en compte.

Premièrement, Jésus dit deux fois au verset 17 qu’Il n’abolit pas la loi. Or si, immédiatement après cela, Jésus ajoute qu’Il accomplit la loi, Jésus se contredit, puisque l’accomplissement de la loi a pour effet d’abroger la loi. Il est donc plus sensé de soutenir que Jésus a affirmé qu’Il a complété la loi. Deuxièmement, les versets 18-19 démontrent sans l’ombre d’un doute qu’au verset 17, la traduction de pleroo par compléter doit être préférée sur la traduction par accomplir, puisque Jésus y insiste tellement sur la continuité de la loi.[122]

Dans le Nouveau Testament, le mot pleroo dénote la complétude et la plénitude à plusieurs endroits. En 2 Corinthiens 10:6, l’apôtre Paul déclare « nous sommes prêts aussi à punir toute désobéissance, lorsque votre obéissance sera complète [pleroo]. » En Colossiens 1:25, il affirme « c’est d’elle [l’Église] que je suis devenu le serviteur, conformément à la charge que Dieu m’a confiée pour vous : annoncer pleinement [pleroo] la parole de Dieu. » En Romains 15:19b, il écrit que « depuis Jérusalem et les pays voisins jusqu’en Illyrie, j’ai abondamment répandu [pleroo] l’Évangile de Christ. » En Apocalypse 3:2b, l’apôtre Jean dit à l’Église de Sardes : « je n’ai pas trouvé tes œuvres parfaites [pleroo] devant mon Dieu. » L’action de perfectionner ou de parfaire est évidemment plus proche de l’action de compléter que de l’action d’accomplir.

Dans la Bible des Septante — l’Ancien Testament grec en circulation au Ier siècle — le mot pleroo a également le sens d’établir et de confirmer (Nombres 7:88, Juges 17:5/12, 1 Rois 1:14, 13:33 et 20:3, 2 Chroniques 13:9, Cantique des cantiques 5:14, 1 Maccabées 2:55 et Ecclésiastique 45:15). Cela implique que Jésus peut aussi avoir dit : « Je suis venu pour établir la loi » ou « Je suis venu pour confirmer la loi »(ou encore ratifier ou valider), comme y insistent de nombreux exégètes protestants (Jean Calvin, Johannes Piscator, Matthew Henry, George Campbell, David Brown, Hans Windisch, Benjamin Warfield, Willoughby Allen, John Murray, A.M. Honeyman, Herman Ridderbos, etc.).[123] Dans son ouvrage intitulé The Gospel of the Kingdom, le prince des prédicateurs Charles Spurgeon introduit son commentaire sur Matthieu 5:17-19 en affirmant qu’« Il [Jésus] a pris soin de réviser et de réformer les lois des hommes, mais la loi de Dieu, Il l’a établie et confirmée[124]. » Il poursuit :

Verset de Matthieu 5 Commentaire de Spurgeon
17. Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes ; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. « Il [Jésus] a établi dans son sens le plus profond tout ce qui est écrit dans les Saintes Écritures, Il lui a donné une nouvelle complétude[125]. »
18. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. « Pas une seule syllabe ne devient affaiblie. Même jusque dans les plus petites lettres, chaque point sur chaque ‹ i › et la barre de chaque ‹ t ›, la loi va durer plus longtemps que la Création.[126] »
19. Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements […] sera appelé le plus petit dans le Royaume des cieux […] « Notre Roi n’est pas venu pour abroger la loi, mais pour la confirmer et la réaffirmer.[127] »

Compléter, établir, confirmer, ratifier, valider, réaffirmer ; le sens ultime de pleroo est donc celui-ci : Jésus a proclamé à nouveau la loi, Il n’a nullement aboli ou supprimé la loi. Matthieu 5:17-19 crée donc une présomption de continuité des lois : Une loi quelconque de l’Ancien Testament est présumée être toujours en vigueur si elle n’est pas expressément déclarée expirée par le Nouveau Testament. Cette présomption de continuité est repoussable par une preuve contraire. C’est à celui qui veut repousser cette présomption qu’incombe le fardeau de la preuve. Autrement dit, c’est à celui qui prétend qu’une loi quelconque de l’Ancien Testament n’est plus en vigueur aujourd’hui de le démontrer avec un verset du Nouveau Testament qui enseigne explicitement que cette loi spécifique est expirée. Cette présomption de continuité fonctionne donc en faveur de la continuité et en défaveur de l’expiration.[128] Comme nous allons le voir, la position théonomiste est que toute la loi est proclamée à nouveau, que la loi morale est continuée, et que la loi cérémonielle est expirée.

Des auteurs non théonomistes avancent que la traduction de pleroo par accomplir devrait être préférée à la traduction par confirmer puisque dans l’Évangile de Matthieu pleroo signifie habituellement accomplir (1:22, 2:15/17/23, 8:17, 12:17, 13:35, 21:4, 26:54/56 et 27:9). Or comme nous l’avons démontré précédemment, le sens confirmer était aussi connu par l’évangéliste Matthieu et les Juifs et chrétiens du Ier siècle. De surcroît, l’insistance sur la continuité de la loi aux versets 18-19 nous contraint à reconnaître que l’utilisation de pleroo pour dire confirmer au verset 17 constitue une exception à l’usage habituel de ce terme dans l’Évangile de Matthieu.

Des auteurs non théonomistes avancent que puisque Jésus a dit : « tout est accompli » avant d’expirer sur la croix (Jean 19:30), alors la condition suspensive « jusqu’à ce que tout soit arrivé » ou « [jusqu’à ce] que tout ne soit accompli » (Ostervald) en Matthieu 5:18b a été atteinte dès la crucifixion. Or cette clause au verset 18b est une reprise de la clause « tant que le ciel et la terre ne passeront point » du verset 18a. La disparition littérale du ciel et de la terre n’aura lieu qu’à l’eschaton, selon Apocalypse 21:1 : « Puis je vis un nouveau ciel et une nouvelle terre ; car le premier ciel et la première terre avaient disparu, et la mer n’était plus. » (En anglais, la KJV donne « pass away » et « passed away » pour Matthieu 5:18 et Apocalypse 21:1, respectivement.) En conséquence, la loi que Jésus a proclamée à nouveau ne sera abrogée qu’après l’eschatonelle est donc toujours en vigueur pendant la présente période.[129]

Des auteurs non théonomistes avancent que la clause « ou les Prophètes » au verset 17 signifie que Jésus se contente de référer aux prophéties de l’Ancien Testament se rapportant au Messie. Or une telle interprétation fait violence au contexte de cette clause. Premièrement, les versets 18-19, où il est encore une fois question de la « loi » et des « commandements » (respectivement), indiquent clairement que Jésus ne réfère pas uniquement aux Prophètes. Par le terme « loi, » Il réfère au Pentateuque, et par le terme « Prophètes, » Il réfère aux autres livres de l’Ancien Testament. Jésus vise donc tout le canon de l’Ancien Testament en Matthieu 5:17-19. Deuxièmement, puisque personne ne pouvait s’attendre à ce que le Messie rejette les prophéties se rapportant au Messie, il est plus vraisemblable que Jésus référait, par la clause « ou les Prophètes, » aux stipulations éthiques contenues dans les portions de l’Ecriture allant de Josué à Malachie.[130]

Des auteurs non théonomistes avancent que la clause « je suis venu pour accomplir » en Matthieu 5:17 signifie seulement que Jésus annonce son intention de respecter la loi dans sa vie personnelle — loi qu’il a effectivement parfaitement respectée (Romains 5:19, 2 Corinthiens 5:21, Hébreux 4:11, 1 Pierre 2:22, 1 Jean 3:5). Or une telle lecture fait violence au contexte de Matthieu 5 et du sermon sur la Montagne, où Jésus décrit quel doit être le comportement des chrétiens, et non quel sera son propre comportement. Cette interprétation réductrice se bute aussi à l’insistance de continuité des versets 18-19[131].

7.3. La présomption de continuité selon le Pentateuque et Paul

Outre Matthieu 5:17-19, la Bible affirme avec force la présomption de continuité de la validité et de l’applicabilité — sous la Nouvelle Alliance — des lois morales révélées dans l’Ancien Testament. Premièrement, le Nouveau Testament. Les épîtres pauliniennes disent :

  • Romains 3:31 : « Annulons-nous donc la loi par la foi ? Loin de là ! Au contraire, nous confirmons la loi.»
  • Romains 7:12, 16, 22 : « La loi donc est sainte, et le commandement est saint, juste et bon. […] Or si je fais ce que je ne veux pas, je reconnais par-là que la loi est bonne. […] Car je prends plaisir à la loi de Dieu, selon l’homme intérieur. »
  • Galates 5:22-23 : « Le fruit de l’Esprit, c’est l’amour, la joie, la paix, la patience, la bonté, la bénignité, la fidélité, la douceur, la tempérance ; la loi n’est pas contre ces choses. »

Ces versets confirment que Jésus a proclamé à nouveau les lois morales révélées dans l’Ancien Testament, qu’Il n’a nullement aboli ces lois.

Deuxièmement, l’Ancien Testament. Quand des lois morales ou non typologiques sont révélées dans le Pentateuque, il y est très fréquemment précisé qu’elles s’appliquent « à perpétuité » ou qu’elles sont « perpétuelles » :

  • Exode 12:14 : « Vous conserverez le souvenir de ce jour [de la sortie d’Égypte], et vous le célébrerez par une fête en l’honneur de l’Éternel ; vous le célébrerez comme une loi perpétuelle pour vos descendants. » Réitéré aux versets 17 et 24.
  • Exode 31:16 : « Les enfants d’Israël observeront le sabbat, en le célébrant, eux et leurs descendants, comme une alliance perpétuelle. Ce sera entre moi et les enfants d’Israël un signe qui devra durer à perpétuité […]. »
  • Nombres 15:15 : « Il y aura une seule loi pour toute l’assemblée, pour vous et pour l’étranger en séjour au milieu de vous ; ce sera une loi perpétuelle parmi vos descendants […]. »
  • Deutéronome 12:28 : « Garde et écoute toutes ces choses que je t’ordonne, afin que tu sois heureux, toi et tes enfants après toi, à perpétuité, en faisant ce qui est bien et ce qui est droit aux yeux de l’Éternel, ton Dieu. »
  • Deutéronome 29:29 : « Les choses cachées sont à l’Éternel, notre Dieu ; les choses révélées sont à nous et à nos enfants, à perpétuité, afin que nous mettions en pratique toutes les paroles de cette loi. »

Ces nombreuses clauses de perpétuité dans le Pentateuque font en sorte que même si le Nouveau Testament ne contenait pas de présomption de continuité des lois, leur continuité est déjà présumée en vertu de l’Ancien Testament, de toutes manières.

7.4. Libérés de la condamnation de la loi, non de la loi elle-même

En Romains 6:14, l’apôtre Paul affirme : « Car le péché n’aura point de pouvoir sur vous, puisque vous êtes, non sous la loi, mais sous la grâce. » Et en 1 Corinthiens 9:20, il affirme : « Avec les Juifs, j’ai été comme Juif, afin de gagner les Juifs ; avec ceux qui sont sous la loi, comme sous la loi quoique je ne sois pas moi-même sous la loi, afin de gagner ceux qui sont sous la loi. » Ces affirmations de Paul sont comprises à tort et à travers par les chrétiens antinomiens et les piétistes, qui croient avec ces versets pouvoir mettre à l’écart la loi de Dieu. À titre d’exemple, un hymne reçu schématise naïvement que « la loi fait place à la grâce et Moïse à Jésus-Christ.[132]»

En réalité, Paul nous informe que la condamnation spirituelle provient de la loi morale (Romains 5:12-21), et que grâce au sacrifice expiatoire de Jésus sur la Croix, les chrétiens ne sont plus sous cette condamnation spirituelle de la loi morale : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ » (Romains 8:1). Cette œuvre de rédemption accomplie par Jésus ne donne nullement licence au peuple de Dieu de pratiquer l’immoralité, comme nous le rappellent Galates 5:13 et 1 Pierre 2:16. C’est pourquoi nous devons professer, en citant la Confessio Gallicana des Églises réformées de France : « Nous croyons qu’il faut nous aider de la loi et des prophètes tant pour régler notre vie que pour être conforme aux promesses de l’Évangile.[133] »

8. La loi cérémonielle : Annonciatrice de Jésus

8.1. La classification interne de la loi cérémonielle

« Les lois spécifiques exclusives à l’Israël biblique se situent […] sur le même plan que ses lois cérémonielles.[134] » Ce que l’on appelle couramment la loi cérémonielle comprend deux sous-catégories de lois : {1} les ordonnances restauratrices, dites lois sacrificielles et sacramentelles, et {2} les ordonnances séparatrices, dites lois sur le pur et l’impur.[135]

Les ordonnances restauratrices se rapportaient au système sacrificiel du Temple de Jérusalem, au calendrier des fêtes israélites et au sacerdoce lévitique. « Il faut inclure dans les lois sacrificielles et sacramentelles [c’est-à-dire restauratrices] les lois concernant les purifications, aussi bien des hommes que des femmes (par exemple : Lévitique 15 ; 18:19 ; 20:18 ; Nombres 19:11-22) ou celles des femmes après la naissance d’un enfant (Lévitique 12).[136] » La fonction des ordonnances restauratrices était de servir de préfigurations symboliques (de représentations, de types, d’ombres) anticipant le sacrifice expiatoire de Jésus et la Nouvelle Alliance (Colossiens 2:16-17, Hébreux 7:1 à 10:18). Ces lois sont dites restauratrices car elles « se rapportent à la restauration des pécheurs dans les faveurs de Dieu.[137] »

Par exemple, sous l’Ancienne Alliance, les prémices de la moisson étaient offertes en offrande à Dieu un dimanche (Lévitique 23:10-11) et la Pentecôte juive se fêtait un dimanche (Lévitique 23:15-17). C’était des préfigurations symboliques de Jésus (1 Corinthiens 15:20) qui est ressuscité un dimanche (Luc 24:1), puis qui est célébré le dimanche (Actes 20:7).

Les ordonnances séparatrices se rapportaient aux rituels alimentaires, aux interdits alimentaires et aux « lois interdisant de mêler deux espèces de semences, d’animaux ou de fibres (par exemple Deutéronome 22.9-11).[138] » Les lois séparatrices sont aussi appelées les lois rédemptrices car elles « enseignaient ou symbolisaient la présence salvifique de Dieu parmi son peuple.[139] » La fonction des ordonnances séparatrices était de créer une division ethnoculturelle artificielle entre les Hébreux et les non-Hébreux afin de limiter les échanges transculturels et ainsi empêcher l’assimilation des Hébreux dans les populations environnantes. Leur but était de préserver la lignée généalogique de David jusqu’à Jésus.

8.2. L’expiration des ordonnances restauratrices

Le système sacrificiel est devenu désuet dès le sacrifice de Jésus sur la Croix et a définitivement expiré en l’an 70 :

  • Marc 15:37-38 : « Mais Jésus, ayant poussé un grand cri, expira. Le voile du Temple se déchira en deux, depuis le haut jusqu’en bas. »
  • Romains 8:1 : « Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ. » S’il n’y a plus de condamnation, il n’y a plus besoin de sacrifices.
  • Hébreux 10:8-9/18 : « Tu n’as voulu et tu n’as agréé ni sacrifices ni offrandes, ni holocaustes ni sacrifices pour le péché. […] Il abolit ainsi la première chose pour établir la seconde. […] Là où il y a pardon des péchés, il n’y a plus d’offrande pour le péché. »
  • « Écrivant peu avant 70 — année cruciale de la destruction du Temple de Jérusalem et du jugement terrible du Christ sur une génération méchante, adultère, pécheresse et perverse — l’auteur des Hébreux dit que « ce qui est ancien est vieilli, tout près de disparaître » (8:13)[140].

Le calendrier des fêtes israélites est expiré :

  • Galates 4:10-11 : « Vous observez les jours, les mois, les temps et les années ! Je crains d’avoir inutilement travaillé pour vous ! »
  • Romains 14:5-6a : « Tel fait une distinction entre les jours ; tel autre les estime tous égaux. Que chacun ait en son esprit une pleine conviction. Celui qui distingue entre les jours agit ainsi pour le Seigneur. »

Le sacerdoce lévitique, qui servait à maintenir ce système des sacrifices et à animer ces fêtes israélites, est expiré du fait que ce système et ces fêtes sont expirés. « Le sacerdoce étant changé, il y a aussi un changement de loi » (Hébreux 7:11-12). Le sacerdoce lévitique cède la place au sacerdoce universel des chrétiens (Romains 12:1, Hébreux 13:15, 1 Pierre 2:5/9-10).

8.3. L’expiration des ordonnances séparatrices

þ Les rituels alimentaires sont expirés en vertu de Marc 7:1 : « Les pharisiens et quelques scribes […] s’assemblèrent auprès de Jésus. Ils virent quelques-uns de ses disciples prendre leur repas avec les mains impures, c’est-à-dire non lavées. […] Et les pharisiens et les scribes lui demandèrent [à Jésus] : Pourquoi tes disciples […] prennent-ils leur repas avec des mains impures ? [… Jésus répondit :] Il n’est hors de l’homme rien qui, entrant en lui, puisse le souiller ; mais ce qui sort de l’homme, c’est ce qui souille. »

Les interdits alimentaires sont expirés :

  • Actes 10:10-15 : « Il eut faim, et il voulut manger. Pendant qu’on lui préparait à manger, il tomba en extase. Il vit le ciel ouvert, et un objet semblable à une grande nappe attachée par les quatre coins, qui descendait et s’abaissait vers la terre, et où se trouvaient tous les quadrupèdes et les reptiles de la terre et les oiseaux du ciel. Et une voix lui dit : Lève-toi, Pierre, tue et mange. Mais Pierre dit : Non, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur. Et pour la seconde fois la voix se fit encore entendre à lui : Ce que Dieu a déclaré pur, ne le regarde pas comme souillé. » Ce récit se poursuit jusqu’à Actes 11:10.
  • Romains 14:2-3 : « Tel croit pouvoir manger de tout : tel autre, qui est faible, ne mange que des légumes. Que celui qui mange ne méprise point celui qui ne mange pas, et que celui qui ne mange pas ne juge point celui qui mange, car Dieu l’a accueilli. » Cet enseignement se poursuit aux versets 6b et 14-23.

Les lois interdisant les échanges ethnoculturels sont expirées étant donné qu’il n’y a plus lieu de maintenir une séparation artificielle entre Hébreux et non-Hébreux :

  • Éphésiens 2:14-16 : « Car il [Jésus] est notre paix, lui qui des deux n’en a fait qu’un, et qui a renversé le mur de séparation […] afin de créer en lui-même avec les deux un seul homme nouveau […] et de les réconcilier, l’un et l’autre en un seul corps, avec Dieu par la croix […]. »
  • Colossiens 3:11 : « Il n’y a ici ni Grec ni Juif, ni circoncis ni incirconcis, ni barbare ni Scythe, ni esclave ni libre ; mais Christ est tout et en tous. » Textes parallèles en Galates 3:28 et Romains 10:12 et 2:9-10.

Avec l’œuvre rédemptrice de Jésus, la loi cérémonielle a atteint son but, elle a rempli son utilité, elle est donc expirée et cesse d’être en vigueur (sans pour autant être abolie).

9. Récapitulation : la théonomie : Quoi, pourquoi, et comment

La théonomie est une composante du reconstructionisme chrétien, un mouvement voué à l’avancement de l’Évangile du Royaume (Matthieu 4:23, 9:35 et 24:14, Luc 16:16 ASV/NASB). Plus spécifiquement, la théonomie affirme que le droit en vigueur dans tout gouvernement (civil ou autre) doit être entièrement et exclusivement tiré des Saintes Écritures, directement ou indirectement. En ce sens, la théonomie prône la théocratie chrétienne et le dominationisme, quoiqu’il faille manier ces vocables avec précaution. Le Royaume de Christ, qui est transcendant et qui s’étend sur toute la Création, se concrétise à travers les quatre gouvernements humains institués par Dieu : Individuel, familial, ecclésial et civil. Ces gouvernements sont des sphères de souveraineté indépendantes et interdépendantes les unes des autres : Chacune doit remplir la mission précise qui lui est confiée par Dieu et ne doit pas usurper la compétence des trois autres ; elles doivent s’efforcer de coordonner leurs efforts.

Cet avancement du Royaume de Christ se fait au moyen du Grand Mandat, qui consiste à « discipler, » à baptiser et à enseigner les nations. Ce processus exige nécessairement de discipler, de baptiser et d’enseigner les individus, les familles et les collectifs supra-familiaux mais infra-nationaux. Tout cela implique que ces individus et — au moyen d’alliances, ces collectifs — développent une relation personnelle avec Jésus, ce qui signifie garder ses commandements consciemment. Si l’amour est le résumé de la loi, l’amour ne se réduit pas à un sentimentalisme subjectif. Autrement dit, l’avancement du Royaume de Christ ne s’opère pas qu’à travers l’évangélisation et le culte de piété personnel, mais également par l’application effective de la loi morale pure et parfaite révélée dans la Bible. Telle est la grandeur du Grand Mandat.[141]

Cette place importante de la loi ne conduit pas les théonomistes à verser dans le légalisme et le pharisaïsme. Autant sous l’Ancienne que sous la Nouvelle Alliance, les élus sont justifiés par la grâce seule (sola gratia) et sauvés par la foi seule (sola fide). La loi nous est donnée par Dieu comme un levier de sanctification et non de régénération.

Dans le contexte du Grand Mandat, le rôle du magistrat civil est d’exercer la vengeance de Dieu contre les criminels qui violent l’ordre que l’Éternel a établi pour sa Création et ses créatures. Il serait faux et absurde de prétendre que le magistrat civil devrait être religieusement neutre, car la neutralité n’existe pas : Tout droit est d’essence religieuse. En remplissant son mandat, le magistrat théonomique n’est pas une police des consciences. Il sanctionne les crimes publics, jamais les péchés privés. Cet état des choses, au demeurant, n’est pas une innovation de la Nouvelle Alliance : Il en était de même sous l’Ancienne. Cette obéissance du magistrat civil à la loi divine — qui s’accompagne de la proclamation de la justice et de la sainteté de Dieu — protège l’Église, endigue la dégénérescence culturelle, et établit un cadre favorable à la progression de l’Évangile.

La doctrine de la théonomie est d’autant puissante que Jésus n’a pas aboli la loi ; notre Roi et Seigneur a proclamé  à nouveau la loi de Dieu transmise par Moïse. Cette loi n’est pas tripartite, mais bipartite : La loi morale demeure pleinement en vigueur, tandis que la loi cérémonielle a rempli sa raison d’être et est par conséquent expirée.

Terminons en citant notre prédécesseur Pierre Viret : La loi de Dieu est « le seul et vrai moyen pour remédier à ces grands maux [de notre époque], et pour parvenir à la vraie union en Dieu, qui est requise en la société humaine. [… L’Éternel] a compris [inclus] en cette loi toute la doctrine morale nécessaire aux hommes pour bien vivre. […] Donc, soit que nous voulions bien être instruits, pour nous savoir conduire et gouverner nous-mêmes en nos personnes propres en notre particulier, selon droit, raison et justice, ou au gouvernement de nos maisons et familles, ou au gouvernement du bien public ; cette loi nous pourra servir de vraie éthique, économique et politique chrétiennes, si elle est bien entendue.[142] »

10. Annexe — « Gardien et protecteur des deux Tables » : Adhésion massive des réformateurs, huguenots et puritains

Voici une liste non exhaustive, en ordre chronologique et avec les références afférentes, des confessions de foi historiques, des réformateurs protestants et des juristes et théologiens huguenots et puritains qui affirmaient verbatim (mot pour mot) que le magistrat civil est « gardien et protecteur des deux Tables. » C’est Philippe Mélanchton qui formula cette maxime latine : custos et vindex utriusque tabulæ.[143]

  • Théodore de Bèze citant et endossant Philippe MélanchtonDe Haereticis a civili Magistratu puniendis Libellus (Du châtiment des hérétiques par le magistrat civil), Genève, Robert Estienne, 1554, 271 p.
  • John KnoxThe First Blast of the Trumpet, Londres, Edward Arber, 1878 (1558), p. 33 sur 62.
  • Collectif, Confession de La Rochelle, article 39, Éditions Kerygma, Aix-en-Provence, 1998 (1559), p. 66 sur 79.
  • Jean CalvinInstitution de la religion chrétienne, 4:20:9, Éditions Excelsis, Charols (Rhône-Alpes), 2009 (1560), p. 1408 sur 1515.
  • Pierre ViretInstruction chrétienne, Tome 2 : Exposition sur les Dix Commandements donnés par Dieu à Moïse, Lausanne (Suisse), L’Âge d’Homme, 2009 (1564), p. 40 sur 846. Viret va jusqu’à affirmer que c’est « la première Table de la loi qui doit être la règle de tous les autres lois et commandements. » Ainsi, la deuxième Table procède de la première Table.
  • Philippe Duplessis-MornayDe la puissance légitime du prince sur le peuple et du peuple sur le prince, Genève, 1581, cité dans Jules Racine St-Jacques, De l’obéissance calvinienne à la résistance monarchomaque : Apologie de la violence politique dans les textes justificatifs des insurgés calvinistes de 1559 à 1581, Mémoire de maîtrise soutenu à l’Université Laval, Québec, 2009, p. 128 sur 178.
  • Alexander HendersonThe Government and Order of the Church of Scotland, Pottstown (Pennsylvanie), Covenanted Reformed Publishing, 2014 (1641), p. 58 sur 84 ; prédication sur Jean 18:36-37 prononcée à la Chambre des Lords (Parlement de Westminster) le 28 mai 1645, reproduit dans Lives of Alexander Henderson and James Guthrie, Édimbourg, Assemblée générale de l’Église libre d’Écosse, 1848, p. 118 sur 285.
  • Nathanael Emmons, The Cambridge Platform of Church Discipline Adopted in 1648, article 11:4, Boston (Massachusetts), Congregational Board of Publication, 1855, p. 68 sur 128.
  • Jeremiah Burroughs (dir.) et Edmund Calamy (dir.), The Petition for the Prelates Briefly Examined, Londres, 1641, proposition 4, reproduit dans Hunter Powell, The Crisis of British Protestantism: Church Power in the Puritan Revolution (1638-1644), Manchester University Press, Manchester (Angleterre du Nord-Ouest), 2015, p. 25 sur 264.
  • George Gillespie et Robert BaillieOne Hundred and Eleven Propositions Concerning the Ministry and Government of the Church, Édimbourg, Ogle Oliver Boyd, 1844 (1647), proposition 41.
  • Samuel RutherfordA Free Disputation Against Pretended Liberty of Conscience, Londres, Andrew Crook, 1649, chapitre 25, argument 4.
  • John EliotThe Christian Commonwealth: The Civil Policy of the Rising Kingdom of Jesus Christ, Londres, Livewell, 1659, p. 3 et 19 sur 40.
  • Wilhelmus à BraekelThe Christian’s Reasonable Service (De Redelijke Godsdienst), Vol. 2, Morgan (Pennsylvanie), Soli Deo Gloria Publications, 1992 (1700), p. 179 sur 705+.

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[1] Le document est le fruit d’un effort collectif de chrétiens évangéliques théonomistes francophones.

[2] Collectif, « Fundamental Agreement or Original Constitution of the Colony of New Haven », Université Yale, http://avalon.law.yale.edu/17th_century/ct01.asp, consulté le 1er novembre 2014.

[3] Steve Halbrook, God is Just: A Defense of the Old Testament Civil Laws, 2e édition, Theonomy Resources Media, 2011, p. 105-106.

[4] Greg Bahnsen, « Introduction to John Cotton’s Abstract of the Laws of New England », Journal of Christian Reconstruction, Vol. 5, No. 2 : Symposium on Puritanism and Law, 1978, p. 98.

[5] Ésaïe 61:4 : « Ils rebâtiront sur d’anciennes ruines, ils relèveront d’antiques décombres, ils renouvèleront des villes ravagées, dévastées depuis longtemps. »

[6] Kenneth Gentry, préface de la troisième édition de Greg Bahnsen, Theonomy in Christian Ethics, 3e édition, Nacogdoches (Texas), Covenant Media Press, 2002 (1977), p. XV.

[7] Pour une présentation sommaire du reconstructionisme chrétien, consultez : Mark Rushdoony, « What is Christian Reconstruction ?, » Chalcedon Foundation, http://chalcedon.edu/blog/2012/5/29/what-is-christian-reconstruction/, publié le 29 mai 2012.

[8] Pierre Courthial, Le jour des petits recommencements: Essai sur l’actualité de la Parole (Évangile-Loi) de Dieu, Lausanne (Suisse), L’Âge d’Homme, 1996, p. 217.

[9] Philippe Mélanchton et Théodore de Bèze (1554) ; John Knox (1558) ; Confession de La Rochelle (1559) ; Jean Calvin (1560) ; Pierre Viret (1564) ; Jeremiah Burroughs et Edmund Calamy (1641) ; Alexander Henderson (1645) ; George Gillespie et Robert Baillie (1647) ; Cambridge Platform (1648), Samuel Rutherford (1649) ; John Eliot (1659) ; Wilhelmus à Braekel (1700).

[10] Pierre Courthial, Le jour…op. cit., monographie reproduite en ligne, Semper Reformanda, http://www.vbru.net/src/divers/divers/courthial_humanisme.html, consulté le 1er novembre 2015.

[11] Greg Bahnsen, Theonomy in Christian Ethicsop. cit., p. 41. Concernant les lois cérémonielles, Bahnsen précise aux p. 205 et 207 : « La signification des lois cérémonielles a reçu une validité et une réalisation permanentes en Christ, son œuvre et son économie du salut. […] Les observances cérémonielles ne s’appliquent plus, mais leur signification et leur intention ont été éternellement validées. »

[12] Gary DeMar et Gary North, Christian Reconstruction: What it Is and What it Isn’t, Tyler (Texas), Institute for Christian Economics, 1991, p. 81.

[13] Joel McDurmon, The Bonds of Love: An Introduction to God’s Law of Liberty, Braselton (Géorgie), American Vision Press, 2016, p. 17-25.

[14] Brian Schwertley, « A Critique of a Critique of Theonomy, » Reformed Online, http://www.reformedonline.com/uploads/1/5/0/3/15030584/winzer_

a_critique_of_a_critique_of_theonomy.pdf, consulté le 1er novembre 2015.

[15] William Einwechter, Walking in the Law of the Lord: An Introduction to the Biblical Ethics of Theonomy, Stevens (Pennsylvanie), Darash Press, 2010, p. 12, 17, 21, 68, 169, 181 et 183 ; Phillip Kayser, « “Regionalism” versus Bible & Constitution, » Biblical Blueprints, http://biblicalblueprints.org/regionalism-versus-bible-constitution/, publié le 10 septembre 2015 ; Steve Halbrook, « Sola Scriptura and Civil Government : Part 1: The Regulative Principle of the State as Advocated in the Reformation, » Theonomy Resources, http://theonomyresources.blogspot.ca/2014/11/sola-scriptura-and-civil-government.html, publié le 22 novembre 2014.

[16] Rousas Rushdoony, Roots of Reconstruction, Vallecito (Californie), Ross House Books, 1991, p. 63.

[17] Flavius Josèphe, Contre Apion 2:164-165, cité dans Steve Halbrook, op. cit., p. 13.

[18] Rousas Rushdoony, Institutes of Biblical Law, Volume 1, Nutley (New Jersey), Craig Press, 1973, p. 4, traduit et cité dans Pierre Courthial, Le jour…op. cit., p. 223.

[19] Steve Halbrook, op. cit., p. 14.

[20] Union nationale des églises protestantes réformées évangéliques de France (UNEPREF), Création et Mandat culturel – Fiche théologique n° 3, texte adopté au Synode national de Vauvert, 1996 (décision 15), http://www.unepref.com/que-croyons-nous/fiches-theologiques/46-fiche-n-3.html ; Pierre Courthial, De Bible en Bible : Le texte sacré de l’Alliance entre Dieu et le genre humain – Et sa vision du monde et de la vie, Lausanne (Suisse), L’Âge d’Homme, 2003, p. 191-193.

[21] Rousas Rushdoony, Sovereignty, Vallecito (Californie), Ross House Books, 2007, p. 152 ; Christopher Ortiz, « The Establishment of Religion, » Faith for All of Life, septembre-octobre 2009, p. 12.

[22] Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieu : Du gouvernement de notre Seigneur Jésus-Christ, Lausanne (Suisse), L’Âge d’Homme, 2011, p. 136.

[23] L’antinomisme se définit comme suit : « le mépris de la loi de Dieu, le rejet de la loi de Dieu. » Jean-Marc Berthoud, Apologie pour la loi de Dieu, Lausanne (Suisse), L’Âge d’Homme, 1996, p. 7.

[24] Le piétisme se définit comme suit : « la réduction de la vie chrétienne à un passe-temps dévotionnel avec un agenda essentiellement efféminé. » Stephen Perks, The Great Decommission, Taunton (Somerset), Kuyper Foundation, 2011, p. 20.

[25] Christopher Ortiz, « Kingdom Now, but Theocracy, Not Yet », Faith for All of Life, juillet-août 2006, p. 17.

[26] Mark Rushdoony, « The Necessity of Dominion, » Faith for All of Life, mars-avril 2008, p. 6.

[27] Gary North, Christian Reconstructionop. cit., p. 33.

[28] Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieuop. cit., p. 35.

[29] Henry van Til, The Calvinistic Concept of Culture, Grand Rapids (Michigan), Baker Book House, 1972 (1959), p. 83. Henry van Til définit la culture comme étant « la religion externalisée » (p. 200).

[30] Andrew Sandlin, « The Kerygma of the Kingdom », Jubilee, automne 2013, p. 33. Jubilee est la revue du Ezra Institute for Contemporary Christianity basé à Toronto en Ontario. Pour un exposé biblique spécifique sur le Royaume de Dieu, consultez : Tribonien Bracton, « Introduction au Royaume de Dieu », Le Monarchomaque, http://monarchomaque.org/2014/11/22/introduction-au-royaume-de-dieu/, publié le 22 novembre 2014.

[31] Pierre Courthial, Le jour…op. cit., p. 237.

[32] Gary DeMar, God and Government : A Biblical, Historical, and Constitutional Perspective, Powder Springs (Géorgie), American Vision Press, 2011 (1990), p. 20.

[33] Stephen Perks, A Defense of the Christian State, Taunton (Somerset), Kuyper Foundation, 1998, p. 142.

[34] Rousas Rushdoony, Salvation & Godly Rule, Vallecito (Californie), Ross House Books, 2004 (1983), p. 485.

[35] John Eidsmoe, Historical and Theological Foundations of Law, Volume 3 : Reformation and Colonial, Powder Springs (Géorgie), Tolle Lege Press, 2011, p. 978-1011.

[36] Étymologiquement, le mot autonomie signifie loi de soi ou loi à soi-même : Pierre Courthial, Le jour…op. cit., p. 9 et 51. « Seul le vrai Dieu est autonome, » ibid., p. 223.

[37] Stephen Perks, A Defense of the Christian Stateop. cit., p. 142-143.

[38] Ibid., p. 145.

[39] Gary DeMar, God and Governmentop. cit., p. 10.

[40] Rousas Rushdoony, « Towards the Rebirth of Government, » Chalcedon Foundation, http://chalcedon.edu/research/articles/towards-the-rebirth-of-government/, publié le 17 novembre 2012.

[41] Rousas Rushdoony, Law & Liberty, Vallecito (Californie), Ross House Books, 2009 (1971), p. 76-77.

[42] Stephen Perks, Baal Worship : Ancient and Modern, Taunton (Somerset), Kuyper Foundation, 2010, p. 33.

[43] Gary DeMar, God and Governmentop. cit., p. 25.

[44] Stephen Perks, A Defense of the Christian Stateop. cit., p. 145-148.

[45] Gary DeMar, God and Governmentop. cit., p. 11 et 9. Pour un exposé biblique sur la souveraineté, la représentation, le droit, les sanctions et la continuité du gouvernement familial, consultez ibid., p. 21-25.

[46] Ibid., p. 38. Pour un exposé biblique sur les principes régissant le gouvernement ecclésial, consultez : Tribonien Bracton, « L’ecclésiologie congrégationaliste et le pouvoir des clés, » Le Monarchomaque, https://monarchomaque.org/2017/02/17/congregationaliste/, publié le 17 février 2017.

[47] Gary DeMar, God and Governmentop. cit., p. 64.

[48] Gary North, Christian Reconstructionop. cit., p. 31.

[49] Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieuop. cit., p. 20.

[50] Steve Halbrook, op. cit., p. 17-18, citant Kenneth Gentry, God’s Law in the Modern World: The Continuing Relevance of Old Testament Law, Tyler (Texas), Institute for Christian Economics, 1997, p. 54, et citant Greg Bahnsen, Theonomy in Christian Ethicsop. cit., p. 70-72.

[51] Même si Jésus ne faisait pas de paraphrase, la forte similitude entre ces textes nous autorise à interpréter le texte moins complet (Luc 20:25) par les textes plus complets (1 Chronique 26:29-32 et 2 Chroniques 19:4-11).

[52] Le Psaume 2 ne précise pas que David en est l’auteur ; ce renseignement nous est fourni par Actes 4:25.

[53] Steve Halbrook, op. cit., p. 393.

[54] Rousas Rushdoony, Commentaries on the Pentateuch, Volume 5 : Deuteronomy, Vallecito (Californie), Ross House Books, 2008, p. 257-260.

[55] Joe Boot, « Christ and Culture : The Meaning of Culture, » Jubilee, automne 2011, p. 20.

[56] Stephen Perks, The Great Decommissionop. cit., p. 7-8.

[57] Ibid., p. 8-10.

[58] Petite coquille : en grec, nation au singulier est ethnê (έθνος), et nations au pluriel est ethnos (έθνη).

[59] Brian Schwertley, National Covenanting: Christ’s Victory over the Nations, Iola (Wisconsin), Covenanted Reformation Press, 2013, p. 38.

[60] Stephen Perks, The Great Decommission, op, cit., p. 10.

[61] Ibid., p. 34.

[62] Ibid., p. 12-13.

[63] Pierre Viret, Instruction chrétienne, Tome 2 : Exposition sur les Dix Commandements de la Loi donnée de Dieu par Moïse, Lausanne (Suisse), L’Âge d’Homme, 2009 (1564), p. 55.

[64] Ibid., p. 16.

[65] Ibid., p. 16.

[66] Pierre Viret définit ainsi ce qu’est un sacrement en théologie réformée (et cela n’a rien à voir avec un sacrement en théologie romaniste) : Un « sacrement est un signe extérieur commun à toute l’Église pour nous confirmer les promesses de notre salut. » Op. cit., p. 52, note 30. Dans la Bible, il y en a deux : Le baptême et le repas du Seigneur.

[67] Stephen Perks, The Great Decomissionop, cit., p. 18-19.

[68] Pour un exposé biblique sur les alliances nationales, consultez : Tribonien Bracton, « Théologie des alliances : les renouvellements allianciels (l’alliance ecclésiale locale et l’alliance civile), » Le Monarchomaque, http://monarchomaque.org/2015/03/08/alliances-ecclesiale-civile/, publié le 8 mars 2015.

[69] Brian Schwertley, op. cit., p. 418.

[70] Ibid., p. 209.

[71] Stephen Perks, The Great Decomissionop, cit., p. 17.

[72] Ibid., p. 30-31.

[73] Steve Halbrook, op. cit., p. 382.

[74] Pierre Courthial, Le jour…, op. cit., p. 247.

[75] Ibidem.

[76] Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieu, op. cit., p. 30.

[77] Ibid., p. 108.

[78] Pierre Courthial, Le jour…, op. cit., p. 246. La version utilisée par Courthial (en 1996) n’est ni la Bible à la Colombe, ni la Louis Segond 1910, ni la Bible d’Ostervald, ni la Bible Martin ; il s’agit sans doute de sa traduction personnelle.

[79] Prédication audio de Jean-Marc Thobois, disponible en fichier mp3 ici : http://www.connaitre-la-verite.com/jesus-a-t-il-aboli-la-torah/. Une transcription de cette prédication peut être trouvée ici : http://www.michelledastier.com/jesus-a-t-il-aboli-la-thora-par-jean-marc-thobois/ (consulté le 28 mars 2017).

[80] Greg Bahnsen, Theonomy in Christian Ethicsop. cit., p. 127.

[81] Greg Bahnsen, By this Standard: The Authority of God’s Law Today, Tyler (Texas), Institute for Christian Economics, 1998 (1985), p. 356.

[82] Pierre Courthial, Le jour…op. cit., p. 275 ; Id.De Bible en Bibleop. cit., p. 99 ; Jean-Marc Berthoud, Apologie pour la loi de Dieuop. cit., p. 66-87 ; Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieuop. cit., p. 136-137 ; Rousas Rushdoony, Law & Libertyop. cit., p. 3-7 ; Gary North et Gary DeMar, Christian Reconstructionop. cit., p. 123-126.

[83] Greg Bahnsen, Theonomy in Christian Ethicsop. cit., p. 129.

[84] Ibid., p. 92.

[85] Ibidem.

[86] Pierre Courthial, Le jour…op. cit., p. 246.

[87] Greg Bahnsen, Theonomy in Christian Ethicsop. cit., p. 91.

[88] Ibid., p. 91 et 122.

[89] Dont la liste se trouve ici : Tribonien Bracton, « La justification par la grâce seule (sola gratia) et le salut par la foi seule (sola fide), » Le Monarchomaque, http://monarchomaque.org/2014/11/15/sola-gratia-sola-fide/, publié le 15 novembre 2014.

[90] Pierre Courthial, Le jour…op. cit., p. 215.

[91] Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieuop. cit., p. 134.

[92] Pierre Courthial traduit (Le jour…op. cit., p. 258) : « Ont-ils partie liée avec toi, les magistrats de malheur qui façonnent l’oppression à l’aide du code ? »

La Bible Ostervald traduit comme suit : « Serais-tu l’allié du trône de méchanceté, qui forge des injustices contre la loi ? »

La Bible Martin traduit de la façon suivante : « Le tribunal des méchants qui machine du mal contre les règles de la justice, sera-t-il joint à toi ? »

[93] Loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État, article 2, alinéa 1.

[94] John Frame, Systematic Theology: An Introduction to Christian Belief, Phillipsburg (New Jersey), Presbyterian & Reformed Publishing, 2013, p. 1133.

[95] Définition de métaphysique : « Science de l’être en tant qu’être, recherche et étude des premiers principes et des causes premières, connaissance rationnelle des réalités transcendantes et des choses en elles-mêmes » (Dictionnaire Larousse).

[96] Définition de épistémologie : « Discipline qui prend la connaissance scientifique pour objet » (Dictionnaire Larousse).

[97] Steve Halbrook, op. cit., p. 32-33.

[98] Rousas Rushdoony, Law & Libertyop. cit., p. 3-7, traduit et cité dans Jean-Marc Berthoud, « Les lois peuvent-elles promouvoir la morale ? », Résister et construire, n°1, septembre 1987.

[99] Greg Bahnsen, Theonomy in Christian Ethicsop. cit., p. 381-382, traduit et cité dans Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieuop. cit., p. 135. Bahnsen cite Martin Luther et Jean Calvin à l’appui.

[100] Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieu, op. cit., p. 32 et 35.

[101] Pierre Berthoud, « Liberté et justice sociale : l’apport de l’Ancien Testament dans la pensée des réformateurs et de Jean Calvin en particulier », Revue Réformée, n°244 (2007).

[102] Ibid., p. 85.

[103] Pierre Viret, op. cit., p. 540.

[104] Ibid., p. 539-540.

[105] Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieuop. cit., p. 113.

[106] Pierre Viret, op. cit., p. 539.

[107] Ibid., p. 540.

[108] « On trouve des références à chacun des Dix Commandements dans les textes bibliques de la Genèse et de l’Exode qui précèdent la révélation du Sinaï. » Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieuop. cit., p. 423. Ces références sont énumérées par John Eidsmoe, Historical and Theological Foundations of Law, Vol. 1 : Ancient Wisdom, Powder Springs (Géorgie), Tolle Lege Press, 2011, p. 250-252.

[109] Pierre Courthial, Le jour…op. cit., p. 220.

[110] Ibid., p. 228.

[111] Ibidem.

[112] Jean-Marc Berthoud, Apologie pour la loi de Dieuop. cit., p. 44.

[113] Ibid., p. 94.

[114] Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieuop. cit., p. 462.

[115] Tribonien Bracton, « Recueil de droit biblique », Le Monarchomaque, http://monarchomaque.org/2015/07/12/recueil-droit-biblique/, publié le 12 juillet 2015.

[116] Jean-Marc Berthoud, Le règne terrestre de Dieuop. cit., p. 412 et 453 ; Josh Sommer, « God’s Law Is Divided », The Reformed Collective – The Gospel Coalition, http://reformedcollective.com/2016/03/11/gods-law-divided-hrm-pt-7/, publié le 11 mars 2016.

[117] Franciscus Junius, The Mosaic Polity, Grand Rapids (Michigan), Christian’s Library Press, 2015 (1593), p. 37-58, traduction par Todd Rester de De Politiae Mosis Observatione (Observation des politiques de Moïse).

[118] Jean-Marc Berthoud, loc. cit., p. 110-112.

[119] William Einwechter, « The Authority of God’s Law », Darash Press, http://darashpress.com/articles/authority-gods-law, consulté le 22 mars 2017.

[120] Concordance Strong : http://www.enseignemoi.com/bible/strong-biblique-grec-pleroo-4137.html.

[121] Concordance Strong : http://www.enseignemoi.com/bible/strong-biblique-grec-pleres-4134.html.

[122] Greg Bahnsen, By this Standardop. cit., p. 304-305.

[123] Greg Bahnsen, Theonomy in Christian Ethicsop. cit., p. 70-88 ; Johannes Piscator, Disputations on the Judicial Laws of Moses, Powder Springs (Géorgie), American Vision Press, 2015 (1607), 213 p.

[124] Charles Spurgeon, The Gospel of the Kingdom, Grand Rapids (Michigan), Revell, 1995 (1893), p. 52.

[125] Ibid., p. 53.

[126] Ibid., p. 53.

[127] Ibid., p. 53.

[128] Greg Bahnsen, By this Standardop. cit., p. 4-5, 282-283 et 303-311 ; Greg Bahnsen, No Other Standard : Theonomy and its Critics, Tyler (Texas), Institute for Christian Economics, 1991, p. 69-72.

[129] Steve Halbrook, op. cit., p. 423-424.

[130] Greg Bahnsen, Theonomy in Christian Ethicsop. cit., p. 52-53.

[131] Ibid., p. 63-64.

[132] Pierre Courthial, De Bible en Bibleop. cit., p. 87.

[133] Collectif, Confession de La Rochelle, article 23, Éditions Kerygma, Aix-en-Provence, 1998 (1559), p. 43.

[134] Jean-Marc Berthoud, « Brève note sur la théonomie et les trois aspects de la Loi », Revue Réformée, Tome 62, n° 258, avril 2011, p. 111.

[135] Pierre Courthial, Le jour…op. cit., p. 241.

[136] Ibid., en ligne.

[137] Greg Bahnsen, By this Standardop. cit., p. 359.

[138] Pierre Courthial, Le jour…op. cit., p. 231.

[139] Greg Bahnsen, By this Standard, op. cit., p. 358.

[140] Ibidem.

[141] J’emprunte cette expression à Kenneth Gentry, The Greatness of the Great Commission: The Christian Enterprise in a Fallen World, Fountain Inn (Caroline du Sud), Victorious Hope Publishing, 2013 (1993), 202 p.

[142] Pierre Viret, op. cit., p. 27 et 41.

[143] Martin Heckel, « Custodia utriusque tabulæ », Religion Past and Present, Leyde (Hollande-Méridionale), Koninklijke Brill, 2011.

Source : https://lumieremonde.wordpress.com/2019/06/08/la-loi-de-dieu-theonomie/



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