« La bourse ou la vie » ou le (faux) chantage au médicament

Une médecine à deux, trois, quatre, dix vitesses !

Chère lectrice, cher lecteur,

La société Spark Therapeutics vient de sortir un nouveau médicament pour les aveugles : le Luxturna. Une seule dose suffirait pour guérir d’une forme rare de la maladie.

Petit détail : ce médicament coûte 425 000 dollars… par œil [1].

Pour les deux yeux, cela fait 850 000 dollars !

Une seule fiole de Luxturna coûte… 425 000 dollars ! Et il en faut deux (pour les deux yeux) !

Mais il y pire encore :

En 2014, une société néerlandaise appelée uniQure N.V. a lancé le Glybera, pour le traitement d’une maladie orpheline : le déficit familial en lipoprotéine lipase. Le coût de ce médicament est de 1,1 million d’euros par patient [2].

C’est une tendance de fond.

Un transfert de richesse énorme, de nos poches vers celles de Big Pharma

Mes fidèles lecteurs se souviennent de la société pharmaceutique Gilead Sciences, et du scandale de son traitement contre l’hépatite C (le Sovaldi). Lancé en 2013, ce médicament coûte aux États-Unis 94 500 dollars pour un traitement de 12 semaines, 41 000 euros en Europe et… 900 dollars en Inde (on suppose que la firme fait malgré tout un profit à ce prix-là).

La différence avec les autres médicaments, cités précédemment, est que ce traitement est très largement diffusé. L’hépatite C n’est pas une maladie rare, des centaines de milliers de patients reçoivent donc du Solvadi, payé par les systèmes d’assurance santé collectifs et obligatoires.

Suite à d’âpres négociations avec le ministère de la Santé en France, le prix a pu être ramené chez nous à 28 700 euros la cure en mars 2017 [3].

Mais cela reste un prix aberrant, qui pèse lourdement dans les budgets et entraîne nécessairement des coupes sombres dans d’autres dépenses de santé (déremboursement des autres médicaments, réduction de service dans les hôpitaux, non-augmentation des rémunérations du personnel de santé, etc.)

Quant aux traitements contre le cancer, on assiste là aussi à une inflation fabuleuse. On parle de traitements à 20 000 ou 30 000 dollars par mois, comme pour rire [4] ! Cela pour des produits qui ne guérissent pas de la maladie, mais allongent (vaguement, dans le meilleur des cas) l’espérance de survie.

Et les prix ne cessent de monter, pour des produits qui restent les mêmes. Le Glivec de Novartis, qui coûtait 21 000 dollars en 2001, coûte aujourd’hui 140 000 dollars. Le nouveau traitement contre le cancer de Gilead Sciences coûte 373 000 dollars, celui de Novartis 475 000 dollars [5].

Que se passe-t-il ?

Eh bien, il arrive tout simplement… ce qui devait arriver !

Les effets pervers des brevets

À partir de 1945, les gouvernements du monde entier ont permis à des sociétés privées de breveter les médicaments.

Le brevet, c’est un système qui donne le monopole. Il interdit aux autres de proposer le même traitement, même s’ils pourraient le faire pour pas grand-chose.

Pour caricaturer, si votre voisin disposait d’un brevet sur l’eau, il serait le seul dans le pays à avoir le droit de vous donner un verre d’eau. Et s’il lui prenait l’envie de vous vendre ce verre d’eau 10 000 euros, vous n’auriez pas d’autre choix que de l’accepter, à moins de mourir de soif !

Le système du brevet était fait à l’origine pour permettre aux inventeurs de tirer profit de leur invention pendant quelque temps.

Le problème est que, lorsque cette invention est un produit vital pour un malade, les personnes mal intentionnées qui détiennent le brevet peuvent se livrer à un chantage odieux. « La bourse ou la vie », en quelque sorte.

Et c’est exactement ce qui se passe !

Pas assez pour Wall Street

Et pourtant, pour les banques de Wall Street qui sont derrière les industries pharmaceutiques, ce n’est pas encore assez.

« Guérir les patients est-il un business durable ? », s’inquiète une banquière de Goldman Sachs (la plus grande banque américaine) dans un rapport sorti le 10 avril dernier [6].

Certains de ces traitements hors de prix ont, pour elle, un énorme « défaut » : ils guérissent !

Ainsi, le fameux traitement contre l’hépatite C dont j’ai parlé plus haut a généré en 2015 12,5 milliards sur le marché américain. « Malheureusement », déplore la banquière, les patients ainsi guéris n’ont plus besoin du traitement. Les ventes ne devraient pas dépasser 4 milliards cette année, un bien mauvais exemple à suivre selon Goldman Sachs :

« Gilead est un cas d’école, où le succès sur le marché de l’hépatite C a progressivement épuisé la population de patients disponibles pour être traités. »
Pire, « dans le cas des maladies infectieuses, guérir les patients diminue aussi le nombre de porteurs capables de communiquer le virus à d’autres patients, ce qui réduit encore la population de patients [7] » !!

Face à ce problème, la banquière a une solution :

« Le potentiel pour un traitement est moins risqué lorsque la population de patients reste stable, comme par exemple avec le cancer. »

En effet, le cancer ne se guérit pas, et il y a toujours plus de personnes touchées.

Retour au bon sens urgent et indispensable

Peut-être cela peut-il rassurer les banques, à court terme. Mais ce système n’est pas tenable sur le long terme.

Les dépenses de santé ne seront bientôt plus supportables du tout. La Sécurité Sociale ne pourra plus payer, tout simplement.

Apparaîtra alors un système de santé à deux, trois, quatre vitesses, ou même plus. Les médicaments à un million de dollars seront forcément, tôt ou tard, réservés à l’infime élite, celle qui pourra se les offrir.

Pour moi, cette compétition n’a plus aucun sens. Elle signe la fin du système médical tel que nous l’avons connu.

Quand on sait qu’aucun effort n’est fait pour la prévention, l’art de vivre sain, la connaissance fondamentale de la nutrition, qui sont les meilleurs moyens d’éviter les maladies, on se dit que notre époque a perdu tout bon sens.

Faudra-t-il attendre d’avoir heurté un mur, pour qu’enfin nous prenions conscience collectivement de la nécessité de revenir à la santé naturelle ? Apparemment, oui, mais c’est quand même dommage…

À votre santé !

Jean-Marc Dupuis

Sources :

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