Jésus parlait-il l’hébreu ? Contestation de la primauté araméenne

Jésus parlait-Il l’hébreu?

Contestation de la primauté araméenne

par John J. Parsons

De temps à autre on me pose la question de savoir si Jésus (Yeshua) parlait vraiment l’hébreu (plutôt que l’araméen, le grec, ou même le latin). Après tout, il semble y avoir quelques mots araméens dans le Nouveau Testament, et le texte lui-même est écrit en grec koinè.

D’abord, il faut souligner qu’il ne s’agit pas d’une question « soit hébreu ou araméen (ou grec) ». Il faut se rappeler que la région dans laquelle Jésus a grandi était multiculturelle et multilingue. Sous l’Empire romain, de nombreuses nations de langue grecque vivaient autour de Nazareth, en particulier dans la grande ville de Sepphoris. Jésus était capable de parler avec le centurion romain (Matt. 8:5-13) et plus tard avec Ponce Pilate (Jean 18:28-38), mais comme il est peu probable que l’un de ces Gentils comprenait l’araméen, la conversation aurait probablement eu lieu en utilisant le grec koinè (ou peut-être le latin). Il est donc probable que Jésus parlait le grec et même le latin.

Et Jésus aurait sûrement compris l’araméen, une ancienne langue syrienne qui remonte à Aram (Genèse 10:23). En effet, les descendants du frère d’Abraham Nachor sont appelés araméens (Genèse 22:21) dont Laban est issu. En Genèse 31:47 Jacob et Laban utilisent différentes langues pour décrire un monceau de pierres témoin (Laban utilisa l’araméen, mais Jacob utilisa l’hébreu). L’araméen est devenu plus tard la langue de l’Assyrie voisine et a ensuite été adopté par de nombreux juifs à l’époque de l’exil babylonien. Ezra le Scribe (4ème siècle avant J.-C.) a écrit en araméen (comme l’a fait le prophète Daniel), et plus tard les hommes de la Grande Assemblée ont établi le script araméen pour être normalisé à des fins d’écriture. Après le retour des exilés, Néhémie se plaignit plus tard que les juifs assimilés ne pouvaient plus parler la langue maternelle des juifs, c’est à dire l’hébreu (Néhémie 13:23-24).

Malgré l’empiètement de l’araméen, cependant, il faut se rappeler que l’hébreu a été considéré comme Lashon Ha-Kodesh, la langue sacrée du peuple juif, et que les mots de la Torah étaient sacro-saints. Les rois du peuple juif étaient tenus de faire une copie personnelle du sefer Torah et de l’emporter avec eux à tout moment: « Et il écrira pour lui, dans un livre, une copie de cette Torah (c’est à dire, mishneh ha’torah: מִשְׁנֵה הַתּוֹרָה) ... Et il l’aura auprès de lui; et il y lira tous les jours de sa vie, afin qu’il apprenne à craindre l’Éternel, son Dieu, et à garder toutes les paroles de cette Torah » (Deut. 17:18-19). Lorsque le roi David a dit, « Je me suis toujours proposé l’Éternel devant moi; parce qu’il est à ma droite » (Psaume 16:8), il faisait allusion à la Torah qu’il a gardé attachée à son bras (tefillin shel yad). David a littéralement « fixé » la Parole du Seigneur sur sa main droite pour l’aider à rester concentré. Plus tard, l’hébreu a été étudié et conservé dans les divers commentaires de la Torah des juifs exilés. Et bien qu’il soit vrai qu’Ezra a standardisé le script de style araméen pour la Torah, la langue elle-même était entièrement en hébreu, et le changement de script fut destiné à séparer le peuple juif qui revenait des samaritains qui avaient plus tôt coopté la Torah juive par le moyen des politiques de réinstallation assyriennes. Ezra a donc établi la lecture de la Torah (en hébreu) ​​chaque sabbat pour toutes les synagogues et a requis l’utilisation de l’hébreu dans tous les rituels juifs. Il a également établi la récitation de l’hébreu de la Amida (prière en position debout) et d’autres normes juives de la pratique. Ces politiques ont été établies des centaines d’années avant que Jésus naisse à Bet Lechem de Galil (בֵּית לֶחֶם הַגְּלִילִית‎), et la preuve linguistique indépendante indique que l’hébreu a été utilisé comme un langage commun au cours de la deuxième période du Temple. Par exemple, J. T. Milik a écrit « l’[hébreu] mishnaïque … était à cette époque le dialecte parlé des habitants de Judée » (Ten Years of Discovery in the Wilderness of Judaea).

Sans doute Jésus a t-Il reçu une bonne éducation juive quand Il était un jeune garçon, même s’Il est né dans un foyer modeste. Sa famille était dévotement juive, comme indiqué par leur adhésion à la Torah (Luc 2:39-42). Il apprit à lire les textes hébreux de la Bible et était apte à raisonner avec les sages de la Torah de Son époque. À 12 ans, par exemple, nous le trouvons assis dans le Temple à discuter des subtilités de la Torah avec les chefs religieux de Son époque (Luc 2:39-52). Une telle discussion a sans aucun doute eu lieu en hébreu, pas en araméen (encore moins en grec ou en latin).

Au cours de Son ministère public, Jésus lisait la Torah en hébreu et en Haftarah à la synagogue « selon Sa coutume » (Luc 4:16). Si la loi ordonnait qu’un roi des juifs devait « faire une copie d’un sefer Torah, » alors sûrement Yeshua, le grand roi des juifs, le Mashiach, lisait-Il l’hébreu et comprenait kotzo shel yod (קוֹצוֹ שֶׁל יוֹד) – « chaque iota et trait de lettre » dans son sens (voir Matt. 5:17-19). Certainement, le roi des juifs parlait lashon hakodesh (la langue sainte)


Les premiers disciples de Jésus étaient essentiellement des hommes incultes qui parlaient avec un accent
distinctif de Galilée – noté de façon désobligeante dans d’autres études comme une corruption de la forme pure de l’hébreu parlé en Judée. Néanmoins, ils se rendirent à la synagogue avec Jésus et vivaient des modes de vie de pratiquants de la Torah.

Une preuve textuelle supplémentaire que Jésus parlait l’hébreu comprend le fait qu’Il parlait facilement avec la samaritaine au puit (les samaritains préservaient et parlaient l’hébreu, pas l’araméen; Jean 4:4-26). Lors de son dernier Seder de Pessah avec Ses disciples, Jésus connaissait les bénédictions hébraïques traditionnelles, les prières et les cantiques (Matt. 26:26-30). L’écriteau au dessus de la croix de Jésus était écrit « en hébreu » (Εβραϊστί) pas en araméen comme il est parfois à tort traduit (Jean 19:20). Jésus parla plus tard à l’apôtre Paul en hébreu (τῇ Εβραΐδι διαλέκτω) sur le chemin de Damas (Actes 26:14), et Paul a inspiré le silence de la foule à Jérusalem en s’adressant à elle « en langue hébraïque » (Actes 21:40; Actes 22:2).

Incontestablement l’apôtre Paul parlait couramment hébreu, car il fut éduqué comme un pharisien à Jérusalem sous le rabbin Gamaliel (Actes 22:3), le petit-fils du célèbre sage juif Hillel l’Ancien. Paul s’est décrit lui-même comme circoncis le huitième jour, pharisien, et « hébreu, né d’hébreux » (Phil 3:5). Rabbi Saül (comme il aurait été appelé) était bien établi dans le leadership juif de son époque, et était même en relation avec le Sanhédrin et le souverain sacrificateur d’Israël (Actes 9:1-2). Mais même après sa conversion sur le chemin de Damas (Actes 9:1-21), il continua à s’identifier lui-même comme un juif. En Actes 23:6 Il confessa: « Je suis (pas « était« ) un pharisien. » Paul se rendait aussi régulièrement à la synagogue: « Ils arrivèrent à Thessalonique, où les Juifs avaient une synagogue. Paul y entra, selon sa coutume. Pendant trois sabbats, il discuta avec eux, d’après les Écritures » (Actes 17:1-2).

Les rouleaux de la mer Morte (DSS) de Qumrân, connus à ce jour comme étant de la même période générale, révèlent une prépondérance écrasante des textes hébreux. Ceux-ci comprennent tout, des commentaires à de la correspondance, des documents aux règles quotidiennes. Les chercheurs ont découvert que tous les commentaires sur les Écritures ont été écrits en hébreu – pas en araméen. Les textes trouvés à la forteresse d’Hérode de Massada sont aussi écrits en hébreu. Le Talmud distingue régulièrement entre l’hébreu et d’autres langues, en particulier l’araméen. Par exemple, Tracate Sotah 49b déclare que soit l’hébreu ou le grec doivent être utilisés en Israël, mais pas l’araméen (le Zohar a plus tard repris cela et appelé l’araméen le « langage de la force du mal »). Sotah 33a and Shabbat 12b tous deux déclarent que « les anges ne comprennent pas l’araméen. » L’historien Josèphe fait aussi la distinction entre l’hébreu et l’araméen dans ses écrits. Et presque toutes les pièces existantes qui datent du 4ème siècle avant J.-C. jusqu’à la révolte de Bar Kokhba (A.D. 135) sont en hébreu (pas en araméen). Des inscriptions sur des récipients en poterie, des tombes, et d’autres articles également attestent que l’hébreu a été la langue parlée et écrite des gens ordinaires. Autrement dit, l’hébreu a toujours été la langue nationale du peuple juif.

En outre, bon nombre des premiers « pères de l’église » ont également reconnu que les déclarations de Jésus consignées dans les évangiles étaient en hébreu. Par exemple, Papias, un père de l’église du deuxième siècle, est cité par l’historien Eusèbe: « Matthieu réunit les sentences (de Jésus) en langue hébraïque et chacun les traduisit comme il put » (Histoire ecclésiastique, III, 39,1), et Irénée (c. 200 AD) a écrit: « Matthieu publia-t-il chez les hébreux, dans leur propre langue. » Plus tard, le célèbre traducteur Jérôme a écrit sur un Évangile en hébreu qu’il a utilisé pour traduire les Écritures en latin (De vir. Ill., II). Des études plus récentes par le Dr Robert Lindsey et d’autres indiquent maintenant une structure hébraïque dans le Nouveau Testament grec de base (c-à-dire, une syntaxe hébraïque incorporée dans le texte grec). Les schémas de pensée derrière le Nouveau Testament sont hébraïques – pas araméens ou grecs. Les mots araméens trouvés dispersés dans le Nouveau Testament sont des mots d’emprunt ou sont tout simplement des mots hébreux et des phrases mal transcrits traduits en grec.

Jésus est appelé la Parole même de Dieu en Jean 1:1, un verset qui reflète le texte hébreu de Genèse 1:1. Il est impensable que le Messie promis, le Roi des juifs dans la lignée de Moïse, du roi David et des prophètes hébreux, ait prononcé Ses paroles de vie en utilisant une langue étrangère pour le peuple juif. Comme roi des Juifs, il aurait parlé la langue des juifs.

Addendum: Déclaration de David Flusser:

Le regretté Dr David Flusser, professeur de christianisme primitif et de judaïsme de la période du Second Temple à l’Université hébraïque de Jérusalem, déclare:

Les langues parlées parmi les juifs de cette période [à l’époque de Jésus] étaient l’hébreu, l’araméen, et dans une certaine mesure le grec. Jusqu’à récemment, il a été considéré par de nombreux spécialistes que la langue parlée par les disciples de Jésus était l’araméen. Il est possible que Jésus ait fait, de temps à autre, usage de la langue araméenne. Mais pendant cette période, l’hébreu était à la fois la langue quotidienne et la langue d’étude. L’Évangile de Marc contient quelques mots araméens, et ce fut ce qui induisit en erreur les chercheurs. Aujourd’hui, après la découverte du Ben Sira hébreu (Ecclésiastique), des manuscrits de la mer Morte, et des lettres de Bar Kochba, et à la lumière des études plus approfondies de la langue des sages juifs, il est admis que la plupart des gens parlaient couramment l’hébreu. Le Pentateuque a été traduit en araméen pour le bénéfice des couches inférieures de la population. Les paraboles dans la littérature rabbinique, d’autre part, ont été livrées en hébreu à toutes les périodes. Il n’y a donc aucune raison de supposer que Jésus ne parlait pas l’hébreu; et quand on nous dit (Actes 21:40) que Paul parlait l’hébreu, nous devrions prendre cette information à sa valeur nominale.

Cette question de la langue parlée est particulièrement importante pour la compréhension de la doctrine de Jésus. Il y a des paroles de Jésus qui peuvent être rendues à la fois en hébreu et en araméen; mais il y en a certaines qui ne peuvent être rendues qu’en hébreu, et aucune d’elles peut être rendue seulement en araméen. On peut ainsi démontrer les origines hébraïques des Évangiles en les retraduisant en hébreu.

Il semble que les premiers documents au sujet de Jésus ont été des écrits, consignés par Ses disciples après Sa mort. Leur langue était de l’ancien hébreu rabbinique avec de fortes tendances sous-jacentes d’hébreu biblique. Même dans [ces livres] du Nouveau Testament qui ont été à l’origine composés en grec, comme les Épîtres de Paul, il y a des traces claires de langue hébraïque; et la terminologie dans les livres du Nouveau Testament qui ont été composés en grec est souvent intelligible seulement quand nous connaissons les termes hébreux originaux. Dans ces livres, nous pouvons retracer l’influence de la traduction grecque de la Bible côté à côte avec l’influence de l’original hébreu. (Jewish Sources in Early Christianity, Adama Books)

Source : http://www.hebrew4christians.com/Articles/Jesus_Hebrew/jesus_hebrew.html



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