Paramoralisme : La définition dans le cadre de la ponérologie

Si vous recherchez le terme « paramoralisme » sur Google, vous ne trouverez pas de définition. Ce n’est pas une surprise. Lobaczewski a été obligé de créer des mots pour décrire des aspects du Mal que, jusqu’alors, notre langue naturelle ne pouvait traiter adéquatement. Il écrit dans son livre La ponérologie politique :

« Paramoralisme : La conviction qu’il existe des valeurs morales et que certaines actions violent des règles morales est un phénomène tellement commun et ancien qu’il semble avoir quelque substrat au niveau du patrimoine instinctif (encore qu’il ne soit certainement pas entièrement adéquat dans le cadre de la vérité morale), et qu’il ne fait pas que représenter des siècles d’expérience, de culture, de religion et de socialisation. Dès lors, toute insinuation infiltrée dans des slogans moraux est toujours suggestive, même quand les critères « moraux » utilisés ne sont que pure invention « ad hoc ». N’importe quel acte peut donc être vu comme immoral ou moral par le biais de paramoralismes et de la suggestion active ; il se trouvera toujours des gens pour tomber dans le panneau de ce genre de raisonnements. À titre d’exemple d’acte mauvais dont la valeur négative ne suscite aucun doute dans aucune situation sociale, les experts en éthique citent souvent la maltraitance d’enfants.

Mais les psychologues se trouvent dans leur cabinet fréquemment confrontés à des qualifications pseudo-morales de ce comportement comme dans le cas de cette famille déjà mentionnée, où la sœur aînée avait subi une lésion dans la zone préfrontale. Ses jeunes frères affirmaient avec force que les traitements sadiques infligés par leur sœur à son fils provenaient du sens moral exceptionnellement élevé de celle-ci, et ils avaient été convaincus de cela par autosuggestion. La pseudo-morale échappe adroitement au contrôle de notre bon sens, et conduit parfois à l’affirmation d’un comportement dont le caractère est manifestement pathologique.

Les déclarations et suggestions pseudo-morales accompagnent si souvent diverses formes de mal qu’elles semblent irremplaçables. Malheureusement, il est devenu très fréquent que des individus, des groupes de pression, ou des systèmes patho-politiques inventent de nouveaux critères moraux dans leur propre intérêt. Des suggestions de ce genre privent souvent les gens d’une partie de leur raisonnement moral et affectent le développement de ce dernier chez les jeunes gens. Il y a des fabricants de pseudo-morale dans le monde entier, et il est difficile pour le ponérologue de croire que ces gens sont psychologiquement normaux.

Les traits d’inversion dans la genèse du pseudo-moralisme tendent à prouver qu’ils proviennent principalement d’un rejet subconscient (et d’une élimination du champ de la conscience) de quelque chose d’entièrement différent, que nous nommons la voix de la conscience. Le ponérologue peut cependant faire état de nombreuses observations appuyant l’opinion que divers facteurs pathologiques contribuent à la tendance au pseudo-moralisme. Cela est illustré dans la famille susmentionnée. Comme c’est le cas pour l’interprétation moralisante, cette tendance s’intensifie chez les égocentriques et les hystériques, et ses causes sont similaires. Comme pour tous les phénomènes d’inversion, la tendance à recourir au pseudo-moralisme est psychologiquement contagieuse. Cela explique pourquoi elle est observée chez des gens ayant été élevés par des individus chez lesquels le phénomène s’est développé en parallèle avec des facteurs pathologiques.

C’est peut-être le moment de se dire que la vraie morale naît et existe indépendamment de nos jugements à cet égard, et même de notre capacité à la reconnaître. L’attitude requise pour comprendre cela est donc scientifique, et non créatrice : il nous faut humblement soumettre notre esprit à la réalité perçue. C’est ce qui se passe quand nous découvrons l’homme dans sa vérité : ses faiblesses et ses qualités ; elle nous montre ce qui est convenable et approprié par rapport à autrui et aux autres sociétés. »

Gurdjieff parle d’un certain exemple de « paramoralisme » dans l’extrait suivant de In Search of The Miraculous, de Piotr Demianovitch Ouspensky:

« Comme je l’ai déjà dit, les gens pensent très souvent que, s’ils commencent à combattre la « considération » en eux-mêmes, cela les rendra « hypocrites » et ils en ont peur parce qu’ils pensent que dans ce cas ils vont perdre quelque chose, perdre une partie d’eux-mêmes. Il se produit là le même phénomène que lors de leurs tentatives pour éviter l’expression vers l’extérieur de leurs émotions désagréables. La seule différence est que dans un cas, un homme lutte avec l’expression extérieure des émotions et dans l’autre cas avec une manifestation intérieure peut-être des mêmes émotions. Cette peur de perdre sa sincérité est bien sûr une tromperie de soi, une de ces formules de mensonge sur lesquelles se fondent les faiblesses humaines. L’homme ne peut s’empêcher de s’identifier et de réfléchir intérieurement et il ne peut s’empêcher d’exprimer des émotions désagréables, simplement parce qu’il est faible. Identifier, considérer, exprimer des émotions désagréables, sont des manifestations de sa faiblesse, de son impuissance, de son incapacité à se maîtriser. Mais ne voulant pas se reconnaître cette faiblesse, il l’appelle « sincérité » ou « honnêteté » et il se dit qu’il ne veut pas lutter contre la sincérité, alors qu’en fait il est incapable de lutter contre ses faiblesses.

La sincérité et l’honnêteté sont en réalité quelque chose de très différent. Ce qu’un homme appelle « sincérité » dans ce cas est en réalité simplement le refus de se contraindre. Et au fond de lui, l’homme en est conscient. Mais il se ment à lui-même quand il prétend qu’il ne veut pas perdre sa sincérité. »

Lobaczewski établit un lien entre certains autres déficits psychologiques et le paramoralisme :

« Blocage inversif : Le fait d’insister énergiquement sur quelque chose qui est à l’opposé de la vérité empêche l’esprit de la personne moyenne de percevoir la vérité. Conformément aux diktats du bon sens commun, elle se met à chercher un sens dans le « juste milieu » compris entre la vérité et son contraire, pour finir avec une fausse information satisfaisante. Les gens qui pensent ainsi ne se rendent pas compte que c’était précisément l’intention de la personne qui les a soumis à cette méthode. Si une telle affirmation est à l’opposé d’une vérité morale, elle représente en même temps un pseudo-moralisme extrême, et porte en elle sa suggestivité particulière.

Nous voyons rarement cette méthode utilisée par des gens normaux ; même si elle est évoquée par les personnes qui en ont abusé, elles n’en indiquent généralement les résultats que sous la forme de difficultés caractéristiques à appréhender correctement la réalité. L’utilisation de cette méthode peut s’inscrire dans le cadre des connaissances psychologiques développées par les psychopathes concernant les faiblesses de la nature humaine et l’art de conduire les autres à l’erreur. Là où ils sont en position de pouvoir, cette méthode est utilisée avec virtuosité, et à un degré qui égale leur pouvoir. »

Source : https://fr.sott.net/article/34101-Paramoralisme-La-definition-dans-le-cadre-de-la-ponerologie

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