Le monde marchand et l’Etat empiètent un peu plus sur le don et la gratuité

Une vie gratuite.

Chère lectrice, cher lecteur,

En France, il paraît que l’école est gratuite, la santé est gratuite, etc.

Avec un budget de l’Education Nationale de plus de 88 milliards d’euros en 2016 et un trou de la sécurité sociale dont on ne sait même plus combien de milliards, on jugera de la pertinence de cette notion de « gratuité »…

Ce qui est vraiment gratuit, en revanche, c’est-à-dire des échanges libres et consentis dans une pure optique de don, alors ça, nos autorités ne le voient pas d’un bon œil.
Et c’est très dommage, car la vraie gratuité, vous allez voir, est excellente pour notre santé.

Gratuit ? Vous plaisantez j’espère…

Jean-Marc L., un expert-comptable retraité vivant à Saint-Privat d’Allier (Allier), a passé sept heures en garde-à-vue, pressé de questions par les gendarmes. Auparavant, sa maison a été perquisitionnée, et les lits placés sous scellés.
L’affaire ne serait pas très surprenante si Jean-Marc était trafiquant de drogue, marchand d’armes ou proxénète.

Mais ce n’est pas son cas… Je vous laisse juger vous-même de la « gravité » des faits qu’on lui reproche.

En 1998, Jean-Marc effectue le pèlerinage de Compostelle et rencontre, chemin faisant, celle qui deviendra sa femme.

De retour d’Espagne, tous deux décident de rendre l’hospitalité dont ils ont profité pendant leur marche, achètent une maison où ils veulent accueillir d’autres pèlerins. Et se conformer ainsi au plus près de la signification spirituelle de l’hospitalité, telle qu’elle a été définie par la règle de saint Benoît (VIe siècle) :

« Tous les hôtes qui se présentent seront reçus comme le Christ, car lui-même dira : j’ai été votre hôte, et vous m’avez reçu ; et à tous on rendra les égards qui s’imposent. »

« C’est surtout en accueillant les pauvres et les pèlerins qu’on montrera un soin particulier, parce qu’en eux on reçoit davantage le Christ. » (Règle de saint Benoît, chapitre 53).

En échange du gîte et du couvert qu’ils offraient donc aux pèlerins, Jean-Marc et sa femme avaient laissé chez eux une petite boîte dans laquelle les visiteurs glissaient ce qu’ils voulaient. Parfois de l’argent, parfois des images pieuses, pour les plus humbles un simple mot de remerciement.

Chaque année, le couple accueillait ainsi plusieurs centaines de pèlerins. Et c’est comme ça que les ennuis ont commencé.

D’abord, certains gîtes, hôtels et chambres d’hôtes n’ont pas apprécié cette concurrence jugée déloyale. Puis c’est l’administration qui s’en est mêlée.

En 2014, Jean-Marc et sa femme reçoivent une plainte de la communauté d’agglomération du Puy (qui perçoit la taxe de séjour dans le cadre d’une activité touristique), puis en septembre la Répression des fraudes a dressé un procès-verbal.

« Elle souhaitait que nous affichions un tarif, ce que nous avons refusé de faire puisque nous n’étions pas commerçants ! »

La machine lancée, elle n’allait pas s’arrêter à mi-chemin, entraînant perquisition, garde-à-vue, interrogatoire, menaces et découragement des propriétaires, qui ont finalement décidé de vendre leur maison.

Les prochains pèlerins iront à l’hôtel, comme tout le monde. Et surtout, ils paieront leur taxe de séjour, nom de nom !

Rendre service ? Mais vous êtes fou !

L’affaire est si absurde qu’elle devrait presque faire sourire. Le problème est qu’elle n’est pas isolée.

Dans un autre genre, voyez par exemple ce qui s’est produit dans un bar du Morbihan, le Mamm-Kounifl, à Locmiquélic. Les soirs d’affluence, les commandes et le service se font au comptoir, comme dans tous les bars bondés. Et quand les clients veulent remplir leur verre, ils le rapportent au comptoir. Et là, comme le raconte la patronne :

« Vers minuit trente, une cliente a rapporté un plateau. Elle est passée par le comptoir pour aller aux toilettes. C’est là que tout a basculé. Mon mari s’est fait plaquer contre la vitre par un homme. Une femme s’est jetée sur moi en me montrant une carte tricolore. C’est là que j’ai compris que c’était un contrôle de l’Urssaf. Ils m’ont dit que j’étais prise en flagrant délit de travail dissimulé. Ils considéraient que les clients se comportaient comme des serveurs. »

Résultat : 9000 euros d’amende pour un verre rapporté par une cliente. Ça fait cher le coup de main.

Et à ce compte là, on n’a pas fini d’en voir…

Que dire des scouts qui rendent quelques services dans les maisons en échange d’un endroit où planter leur tente ? Eux non plus ne déclarent ni charge ni TVA quand ils soulèvent trois bûches au fond du parc… Escrocs, voyous !

Quand on invite sa famille à déjeuner, faut-il une autorisation du préfet pour proposer un verre de vin, un tampon certifiant qu’on est autorisé à servir de la viande à point ?

Et la petite fille qui tient la porte d’un magasin à une vieille dame qui veut entrer ? Bientôt en détention provisoire pour exercice illégal de l’activité de portier ?

Le témoin qui conduit la voiture pour amener la mariée à l’église, le jour des noces : « Taxi non déclaré, au trou ! »

Etc. etc.

Le don qui aime

Tout ceci pourrait nous mettre de mauvaise humeur, nous saper le moral.

Je crois au contraire que cela doit nous conforter pour agir avec toujours plus de générosité.

Matthieu Ricard, docteur en génétique cellulaire devenu moine bouddhiste, a consacré plusieurs ouvrages aux bienfaits de l’altruisme, ce désir de faire du bien à l’autre qui nous fait aussi du bien à nous.

« Faites l’expérience, dit Matthieu Ricard, soyez égoïste pendant toute une journée, et vous verrez dans quel état vous serez le soir ».

Les études scientifiques confirment d’ailleurs cette intuition [1] :

D’après la psychologue américaine Barbara Fredrickson, le système immunitaire des individus en quête d’un bonheur « eudémonique » (qui passe par la recherche d’un sens à leur vie, d’engagement et de lien avec les autres) est plus développé que celui de ceux qui préfèrent un bonheur hédonique (ceux qui cultivent des émotions leur procurant une satisfaction personnelle).

D’autres chercheurs qui on fait des prélèvements sanguins sur 80 volontaires en bonne santé ont observé qu’en cas d’altruisme, les gènes inflammatoires baissent et les gènes antiviraux augmentent afin de protéger le corps.

Et l’altruisme, comme une belle fleur, se cultive pour grandir.

Le neurologue Richard Davidson a mis en place un cursus de 10 semaines de bienveillance dans les écoles maternelles où il a longtemps travaillé.

Pendant 45 minutes, 3 à 4 fois par semaine, les éducateurs font faire aux enfants de 4 à 5 ans des exercices de gratitude, de coopération et d’entre-aide. Les petits prennent ainsi conscience des émotions de leurs camarades. Et les résultats sont extraordinaires : moins de conflits, plus de réconciliations et une chute de la discrimination.

Voici l’expérience qui le prouve. Les éducateurs distribuent des autocollants aux enfants et ils leur demandent de les répartir dans quatre enveloppes sur lesquelles ils voient quatre photos différentes : celle de leur meilleur ami, d’un enfant qu’ils n’aiment pas, d’un enfant inconnu et d’un enfant malade.

Avant la période des 10 semaines, les enfants donnent presque tout à leur meilleur ami/amie, mais après le cursus ils mettent la même quantité d’autocollants dans chaque enveloppe sans faire de discrimination.
À ceux qui comptent tout et tout le temps, à ceux qui sortent les règlements et les lois pour justifier des décisions imbéciles, montrons le plus beau visage de l’être humain, celui du don. Gratuit, désintéressé, le don qui aime et le don qui soigne :
Celui de la sage-femme, qui ne se contente pas de « faire ses heures » lorsqu’elle met un enfant au monde avec douceur et tendresse

Celui de l’ami qui répond à la détresse ou de l’inconnu qui vous sourit, sans rien attendre en retour

Celui de l’artisan qui met tout son cœur à l’ouvrage

Celui de l’employé, décidé à bien faire son travail même si son patron est un c…

Et c’est vrai pour TOUS les métiers. Regardez plutôt dans cette vidéo ce qu’on arrive à faire quand on s’investit vraiment soi-même dans son travail :

Dans notre vie personnelle, amoureuse, amicale, dans notre métier, dans la rue ou dans le métro, donnons. Ne comptons pas qu’on « nous le rendra » dix fois, ni même seulement une.

Donnons, comme si la vie elle-même était gratuite. Car elle n’est belle, authentique et profonde, que lorsqu’il en est ainsi.

Santé !

Gabriel Combris

PS : Pour donner une nouvelle impulsion à votre vie, il n’est pas nécessaire de tout faire basculer. Connaissez-vous la méthode des petits pas ?

En faisant de tous petits changements chaque jour, vous pouvez retrouver inconsciemment une nouvelle vie, plus saine, plus heureuse, durable, et connaître une diminution massive de votre risque de maladies dégénératives (arthrose, Alzheimer, sclérose en plaques…), de diabète et de maladies cardiaques.

Sources :

[1] A functional genomic perspective on human well-being



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