L’inconscience du sport extrême

Les extrémistes du sport ont un problème

Chère lectrice, cher lecteur,

Je suis toujours attentif aux personnes qui font trop de sport trop extrême.

Cela cache toujours quelque chose.

Le besoin de « se dépasser » est un besoin de fuir. D’échapper à sa condition. D’échapper au réel.

On parle de réaliser des « exploits ». Mais pour prouver quoi ? À qui ?

Quel est le problème ?

C’est ça qu’il faut toujours creuser. Car alors on s’aperçoit de l’existence d’un problème sous-jacent, qui ne sera pas résolu du fait qu’on aura encore amélioré son chrono, sa vitesse, son habileté, sa force.

Dans ce cas, l’urgence est, au contraire, de s’arrêter, pour réfléchir, se calmer et traiter le problème.

Il faut le faire avant l’infarctus, ou l’accident, qui bien souvent arrivent à force de repousser ses limites.

Comment j’ai changé d’avis sur l’alpinisme

Je me permets de donner des conseils, mais j’ai longtemps été victime moi-même de ce problème. Je voulais grimper des montagnes toujours plus hautes, des parois toujours plus difficiles.

Un jour, j’avais prévu de descendre, à ski, un couloir appelé le « trou d’Aufalle », en Suisse :

C’est un couloir très raide, comme vous pouvez le voir en suivant la ligne rouge. Il est classé « E3 », ce qui signifie « mort probable » en cas de chute. (Le seul niveau encore plus dangereux est le E4 : « mort certaine ».)

La perspective de ce nouvel exploit me rendait euphorique. J’en parlais à tout le monde.

Et puis la veille, alors que je faisais le point avec une amie sur des choses « fondamentales », j’ai eu comme une révélation.

Après s’être extasiée, inquiétée, m’avoir dit combien elle m’admirait pour mon courage, elle m’a demandé d’une voix douce pourquoi je faisais cela, ce que je cherchais.

À force de m’interroger, elle m’a aidé à comprendre que ce n’était pas seulement le plaisir, l’ivresse de la vitesse, la beauté des lieux qui me motivaient.

C’était un moyen pour moi d’obtenir de la reconnaissance et de me prouver des choses à moi-même. De surmonter des doutes profonds que j’avais sur moi-même. Et elle m’a aidé à comprendre qu’il y avait bien d’autres moyens, beaucoup plus utiles et constructifs, de le faire.

J’ai annulé ma descente folle.

J’ai arrêté de prendre des risques idiots.

Et depuis, je ne vais plus en montagne pour me faire peur sous prétexte de « repousser des limites », limites qui n’existaient que dans ma tête.

Je n’ai plus besoin de ça. Je vais en montagne uniquement pour vivre de bons moments dans la nature sauvage, le calme, pour voir de beaux paysages avec des gens que j’aime, sans prendre de risque, sans me faire mal.

Pour les sports doux

C’est pourquoi, à Santé Nature Innovation, nous militons pour le sport… doux !

Marcher. Éviter de rester assis. Se déplacer à vélo ou à pied. Se servir de son corps pour bricoler, jardiner, travailler.

Faire du qi-gong, soigner sa posture pour éviter douleurs et déformations. (Cliquez ici pour en savoir plus sur le qi-gong)

Faire des jeux de ballon ou d’adresse qui nous amusent, nous fait vivre des expériences collectives, au grand air.

Nos muscles sont à notre service pour nous permettre de vivre, de bouger et d’accomplir nos tâches quotidiennes.

Mais ce n’est pas à nous d’être au service de nos muscles.

Le but n’est pas de les gonfler de façon exagérée ou d’accomplir des efforts pour lesquels ils ne sont pas faits, et qui nous mettent en danger.

Une réflexion sur l’actualité

Je reviens au sujet de la montagne, qui me tient à cœur.

Vous avez peut-être entendu dire qu’un célèbre alpiniste, Tomasz Mackiewicz, était mort dans l’Himalaya le 28 janvier.

Le drame a eu lieu sur le Nanga Parbat, une montagne du Pakistan qui fait plus de 8 000 mètres d’altitude.

Je connais bien cette zone pour y être allé dans ma jeunesse. Vu de loin, c’est magnifique :

Le Nanga Parbat, tombeau de l’alpiniste Tomasz Mackiewicz, mort le 28 janvier 2018.
La montagne de la mort

Mais il ne faut pas se fier aux prairies verdoyantes.

La conquête du Nanga Parbat est décrite dans le Larousse comme « une des plus tragiques de l’histoire de l’alpinisme [1] ».

La première tentative d’ascension a échoué et entraîné la mort de l’alpiniste Mummery (1895). À cinq reprises, de 1932 à 1939, des expéditions allemandes ont tenté leur « chance », causant la mort de neuf personnes en 1934 et de seize autres en 1939 !!

Cette montagne compte, en effet, la plus haute paroi de glace et de rocher du monde (4 000 mètres), et ce à une altitude où aucune personne tenant à sa vie n’aurait l’idée d’aller se promener…

Ajoutez à cela que cette région sert de base arrière aux combattants islamistes en guerre au Cachemire indien. Le 22 juin 2013, dix alpinistes ont été massacrés avec leur guide au pied du Nanga Parbat [2].

Comble de l’inconscience, l’expédition qui vient une nouvelle fois de tourner au désastre a été faite en plein hiver !! Car le Nanga Parbat est dans l’hémisphère Nord, et c’est actuellement le pire moment de l’année pour l’escalader.

Quand je parlais des sportifs de l’extrême qui fuient la réalité, il me semble qu’on en a là un exemple particulièrement flagrant, à la limite de l’infantilisme ou du suicide. Et comme il n’y a eu personne pour arrêter Tomasz Mackiewicz, c’est la montagne elle-même qui s’est chargée de le faire.

Paix à son âme ! Mais souhaitons aussi à sa compagne, Élisabeth Revol, de réaliser, elle aussi, qu’elle n’a pas besoin de faire tout ça.

Aujourd’hui, elle explique dans les médias que ce sont les secours pakistanais qui étaient mal organisés, sans doute corrompus. Qu’ils n’ont pas voulu décoller parce que c’était un vendredi et que c’était le jour de la prière…

Mais le monde n’est pas un terrain de jeu où l’on peut dire « Pouce, je ne joue plus » quand les choses tournent mal. Dans le massif du Mont Blanc, d’où elle vient, il y a des hélicoptères toujours prêts à aller vous chercher dans les pires endroits sur un simple appel de portable.

Au Pakistan, c’est différent. Espérons qu’elle le comprenne avant qu’il ne soit trop tard.

À votre santé !

JM Dupuis

Sources de cet article :
[1] http://www.larousse.fr/encyclopedie/mont/Nanga_Parbat/134704
[2] https://www.ladepeche.fr/article/2014/06/29/1909507-pakistan-massacre-nanga-parbat-tentative-enlevement-mal-tourne.html



Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.