Le lien entre violence et écrans est aussi fort que le lien entre cancer du poumon et tabac

Chère lectrice,
Cher lecteur,

Un jour de février, Barry D. L., 15 ans, fait irruption en classe de maths habillé en cow-boy. Il ouvre le feu sur ses camarades en hurlant : « C’est quand même mieux que l’algèbre, hein ? ».

Bilan : 3 morts (dont son professeur) et un blessé grave. Les enquêteurs retrouvèrent dans la chambre de Barry le roman Rage de Stephen King qui raconte la même scène : un élève qui tue son prof de maths au pistolet.

Cette histoire est ahurissante…

Mais avez-vous remarqué que les violences perpétrées par des enfants sont de plus en plus macabres ?

  • Agressions filmées
  • Jeux dangereux
  • Viols en réunion
  • Suicides en direct sur les réseaux sociaux
  • Meurtres avec préméditation
  • Tueries de masse dans les écoles

Les tribunaux pour mineurs sont dépassés.

Les coupables sont de plus en plus jeunes, et les faits de plus en plus sinistres !

Les textes de loi n’étaient pas prévus pour traiter des affaires aussi graves.

Je ne sais pas vous, mais moi ça m’inquiète.

Car en dépit des faits, peu de gens admettent que les images, les films, les jeux vidéo et Internet ont un réel impact sur la santé.

Or on observe que la banalisation de la violence peut détruire nos enfants… psychologiquement.

Ils reproduisent les horreurs qu’ils regardent à longueur de journée

À 8 ou 10 ans, les enfants ne manquent pas d’imagination mais il est clair qu’ils s’inspirent des images qu’ils ont vues à la télévision ou sur Internet. Ils restent dans le monde des enfants, mais mélangent fiction et réalité : ils reproduisent en vrai ce qu’ils ont pu voir sur les écrans.

La célèbre étude par George Gerbner (Temple University de Philadelphie), menée tous les deux ans depuis les années 70 aux États-Unis, donne des statistiques terrifiantes : l’enfant américain moyen aura été témoin, à 12 ans, de 8 000 meurtres. À 18 ans, c’est même 40 000 meurtres et 200 000 actes violents [1].

Comme chacun sait, ce qui se passe là-bas traverse l’Atlantique quelques années après. Les séries policières ultra-violentes qui inondent depuis des années la télévision française fournissent quantité d’images des plus réalistes. On est loin du style d’Alfred Hitchcock.

Des milliers d’études scientifiques ont établi le lien de cause à effet entre images violentes et actes violents.

Je vais vous parler des découvertes stupéfiantes de Michel Desmurget, chercheur en neurosciences à l’INSERM, et de ce que vous pouvez faire pour mieux vous protéger ainsi que vos (petits) enfants.

Mais pour que vous preniez conscience du malaise, j’ai recensé les faits divers les plus marquants de ces dernières années.

Âmes sensibles, passez à la section suivante

Le 24 mars 1998, deux camarades de 11 et 14 ans tirent la sonnette d’alarme de leur école pour faire sortir professeurs et élèves à l’extérieur. Ils ouvrent alors le feu faisant 5 morts et 10 blessés. Ils avaient prévu de prendre la fuite à bord de la voiture familiale remplie de provisions, d’armes et de sacs de couchage [2].

Le 5 juin 2002, dans un petit lotissement chic près de Nantes, un garçon de 17 ans poignarde à 17 reprises une camarade de classe âgée de 15 ans. Arrêté, Julien déclare « J’avais l’obsession de vivre ce que vivaient les héros de Scream, j’avais envie de tuer comme eux ». Il explique aux policiers que l’envie de tuer lui était venue après avoir visionné plusieurs fois la trilogie Scream (Wes Craven, 1996), notamment l’après-midi précédant les faits [3]. Il avait toute la panoplie, dont le célèbre masque des tueurs du film inspiré du Cri de Munch [4].

En 1995, Sarah E. et Benjamin D., 18 ans, passent une soirée à regarder en boucle le film Tueurs Nés (1992, d’Oliver Stone), dans lequel un jeune couple tue 52 personnes en trois semaines. Le lendemain, Sarah et Benjamin partent pour un road trip meurtrier dans le sud des États-Unis. Deux personnes sont assassinées. Leur troisième victime, dans une épicerie, restera paralysée. Ils estiment avoir reproduit exactement l’une des scènes du film lors de l’attaque du magasin [5].

Début 2003, deux frères de 15 et 20 ans étranglent leur mère, puis décident de lui couper la tête et les mains pour empêcher la police d’identifier le corps. L’inspiration leur venait tout droit d’un épisode de la série Soprano diffusé quelques semaines plus tôt [6].

Dans l’Oise, le 29 mai 2010, une jeune fille de 14 ans est abordée au collège. Conduite sous la menace dans un immeuble voisin, elle y subira un viol collectif par 7 garçons âgés de 15 ans, sur un palier. Circonstance aggravante, les auteurs de cette tournante ont filmé la scène sur leur téléphone portable [7].

En 2012, la jeune Alyssa B., âgée 15 ans en 2012, utilisa sa petite sœur comme appât pour isoler une fillette de 9 ans dans un bois. Après l’avoir poignardée, elle lui trancha la gorge pour « voir ce que ça faisait. » [8] Sur sa présentation youtube, l’adolescente indiquait que « tuer des gens et les découper » était son hobby.

En 2014, une Japonaise de 11 ans prend sa revanche après avoir été humiliée sur Internet. Elle tranche la gorge puis le bras d’une camarade dans une classe vide pendant la pause déjeuner.

28 novembre 2009, Anthony C. âgé de 17 ans, décide de mettre fin aux jours de son petit frère de 10 ans, en l’étranglant à mains nues. Interrogé par la police, il assurait s’être inspiré du personnage principal de la série Dexter, un serial killer, qui le fascinait [9].

11 avril 2016. Il est minuit. Lucas M. rejoint sa petite amie Kim chez elle. Tous deux ont 14 ans. Ils mettent alors à exécution leur plan macabre : non sans difficultés, Lucas poignarde la mère de Kim dans son sommeil, puis sa petite sœur de 13 ans. Ils se font ensuite couler un bain pour nettoyer le sang. Ils avalent quelques parts de gâteau, de la glace. Ils font l’amour. Ils s’installent devant la télé pour regarder tous les épisodes Twilight d’affilée. Quelques heures plus tard, ils décident de se suicider ensemble mais renoncent au dernier moment [10]…

Une génération de « déséquilibrés »

Jamais la jeunesse n’a autant souffert de troubles psychiques :

  • agressivité démesurée
  • manque d’empathie
  • comportements asociaux (tricher, mentir, dégrader le matériel)
  • perte du contrôle de soi (passage à l’acte)
  • risque de radicalisation

Mais aussi des enfants qui se renferment sur eux-mêmes :

  • peur chronique
  • anxiété
  • instabilité émotionnelle
  • incapacité à nouer des liens avec leur entourage
  • troubles maniaco-dépressifs
  • délire paranoïaque
  • suicide

Et de nombreuses études viennent confirmer ce que les parents craignaient depuis des années…

3 500 études confirment le lien entre images violentes et violence réelle

D’après Michel Desmurget, le lien entre violence et écrans est aussi fort que le lien entre cancer du poumon et tabac [11].

La question qui intéresse les chercheurs n’est plus « est-ce que les contenus violents augmentent le risque d’être violent », mais « par quels mécanismes les écrans rendent les enfants violents ? »

« Cela se passe d’abord dans le cerveau. C’est neurologique. Si vous voyez l’image d’une vieille dame et que vous allez aux toilettes après, vous allez y aller plus lentement, sans vous en rendre compte. Lorsque vous voyez des gens faire un bras de fer, vos muscles se contractent. En voyant des gens manger, vous allez avoir plus d’appétit. Voir une personne dévorer une pizza dans un film au moment où vous êtes devant une pizza va vous donner envie d’en consommer 3 fois plus. Cela, l’industrie agroalimentaire l’a bien compris !

Une étude américaine a été faite sur 3 groupes d’enfants. Un groupe devait regarder des images violentes, un autre des images non-violentes, un autre pas d’image du tout.

Ensuite, ils ont fait jouer aux enfants un match de hockey. Ils se sont aperçus qu’il y avait 3 fois plus de fautes liées à la violence dans le match, dans le groupe qui avait regardé des images violentes, par rapport aux deux autres groupes. Les enfants intègrent, même dans les dessins animés, que taper est un bon moyen de résoudre un conflit. Cela prouve à quel point ils sont influençables.

Une autre étude scientifique a démontré que regarder des programmes « violents » (foot américain ou un dessin animé violent) pendant une heure par jour à la maternelle augmentait la probabilité par 4 que les enfants aient des comportements asociaux (tricher, mentir, dégrader le matériel) à l’école primaire.5 »

D’ailleurs, la zone du cerveau qui refrène la violence est sous-développée chez les enfants qui regardent des films violents à la TV.

Avait-on besoin d’études pour prendre conscience du désastre ?

Quand on y pense, il est évident que ces images nous rendent violents. Le contraire serait plus étonnant… que les images violentes nous rendent calmes, pacifiques.

D’autant qu’on s’habitue à la violence comme on s’habitue à un parfum. Après quelques semaines, vous ne sentez plus le parfum que vous portez.

Tout ceci n’est pas nouveau. Saint Augustin disait déjà :

À force de tout voir on finit par tout supporter…

À force de tout supporter on finit par tout tolérer…

À force de tout tolérer on finit par tout accepter…

À force de tout accepter on finit par tout approuver !

Dès lors, il faut être présomptueux pour affirmer que les films d’horreur et les jeux violents sont sans effets sur les enfants.

Ce que vous pouvez faire pour protéger la jeunesse

Vous devez d’abord parler à vos (petits) enfants de ces risques, et les inciter à limiter leur temps d’exposition aux écrans. De nombreux jeunes consomment ces images à haute dose, et maintenant que vous connaissez les problèmes que ça pose, vous avez la responsabilité d’agir pour eux !

Le véritable enjeu est de leur expliquer que c’est pour leur bien, pour leur santé. Ils doivent comprendre que ces images violentes ou choquantes les mettent réellement en danger.

Mais… ceci ne marche que si tous les parents jouent le jeu.

Aujourd’hui vous pouvez installer un filtre pour bloquer la violence et la pornographie sur le smartphone de votre enfant. Mais demain il pourra regarder toutes ces vidéos bloquées sur le smartphone de son copain de classe, sans aucun contrôle.

C’est pourquoi il nous faut unir nos forces avec les parents et les établissements scolaires, afin de protéger la jeunesse.

Pour ma part, j’ai commencé par signer la pétition contre les smartphones à l’école – pour que Macron tienne sa promesse de campagne.

Je vous invite à faire de même.

Bien à vous,

Eric Müller

Sources :

[1] https://www.theatlantic.com/magazine/archive/1997/05/the-man-who-counts-the-killings/376850/
[2] http://www.pausecafein.fr/horreur/les-enfants-diaboliques-meurtriers.html?page=2
[3] https://www.scienceshumaines.com/les-ecrans-rendent-ils-violent_fr_13537.html
[4] http://www.leparisien.fr/faits-divers/l-ado-meurtrier-s-est-inspire-du-film-scream-05-06-2002-2003130492.php
[5] http://www.slate.fr/story/57291/luka-rocco-magnotta-basinc-instinct-tueurs-pop-culture-dexter-tupac
[6] http://www.slate.fr/story/57291/luka-rocco-magnotta-basinc-instinct-tueurs-pop-culture-dexter-tupac
[7] http://www.leparisien.fr/oise-60/oise-une-collegienne-de-14-ans-victime-d-une-tournante-10-06-2010-957720.php
[8] http://www.parismatch.com/Actu/International/Alyssa-Bustamante-l-instinct-meurtrier-155891
[9] http://abcnews.go.com/2020/teen-kills-brother-loves-dexter-life-imitating-art/story?id=13161191
[10] https://www.theguardian.com/uk-news/2017/jun/09/kim-edwards-lucas-markham-murders-mother-sister-spalding
[11] https://www.therapie-comportementale.net/linfluence-ecrans-vos-enfants-violence-sociabilite/



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