L’Europe résolue à évacuer Dieu de la science au nom de quel argument scientifique ?

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Quand les politiques se mêlent de choses qui les dépassent afin d’imposer l’idéologie satanique dominante au nom de leur autorité illégitime.

Une résolution du Conseil de l’Europe, passée inaperçue parmi les chrétiens, s’en prend à toute idée d’un Créateur au moment des origines. Pierre Amey a entrepris une thèse pour voir quelles idéologies et motivations se cachent derrière ce texte.

Analyse.

« Les valeurs qui sont l’essence même du Conseil de l’Europe risquent d’être directement menacées par les intégristes du créationnisme ».

Aux yeux de Pierre Amey, cet article 18 de la résolution 1580 du Conseil de l’Europe, de 2007, donne le ton de la politique européenne. Très perplexe, cet ingénieur devenu pasteur réformé, conférencier sur des questions scientifiques, prépare depuis trois ans une thèse à la Faculté Jean Calvin, avec le professeur Yannick Imbert. Son objectif: voir quelle idéologie sous-tend cette résolution intitulée Dangers du créationnisme dans l’éducation et quelles en seront les conséquences sur le monde chrétien.

Deux visions du monde opposées
Pierre Amey avertit d’emblée: « Toutes les formes de créationnismes sont visées. Tout croyant qui pense que Dieu a eu quelque chose à voir avec la création tombe sous le coup de la résolution». Le texte et ses documents préparatoires, s’en prennent donc explicitement «aux progressistes et à l’Intelligent Design », ce dernier étant qualifié « d’imposture intellectuelle » par la résolution. Laquelle ajoute: « Il est incompatible d’associer foi et science ». La résolution et les déclarations du Conseil de l’Europe établissent ainsi une opposition totale entre les thèses faisant intervenir Dieu, vues comme « absurdes » et fondées sur « un triste registre d’arguties », et l’évolution, « théorie centrale pour notre compréhension de la vie sur terre et pour la réévaluation des fondements de nos sociétés ».

Pierre Amey voit dans cette joute verbale une opposition plus profonde entre deux conceptions du monde qui s’affrontent. « Ce sont deux visions holistiques de la réalité totalement incompatibles. Par cette résolution, le Conseil de l’Europe affiche son matérialisme ». Pour ce courant philosophique, tout l’univers et les êtres vivants qui l’habitent ne sont que de la matière, depuis le commencement. Cela exclut de fait toute puissance créatrice au moment des origines. Pierre Amey observe par ailleurs que des scientifiques athées militants sont cités plusieurs fois dans les textes. « Voilà pourquoi cette résolution combat l’idée même d’un Créateur. »
Voici la résolution en question, absolument hallucinant !:

Résolution 1580 (2007) – Dangers du créationnisme dans l’éducation

1. L’objectif de la présente résolution n’est pas de mettre en doute ou de combattre une croyance – le droit à la liberté de croyance ne le permet pas. Le but est de mettre en garde contre certaines tendances à vouloir faire passer une croyance comme science. Il faut séparer la croyance de la science. Il ne s’agit pas d’antagonisme. Science et croyance doivent pouvoir coexister. Il ne s’agit pas d’opposer la croyance à la science, mais il faut empêcher que la croyance ne s’oppose à la science.

2. Pour certains, la création, reposant sur une conviction religieuse, donne un sens à la vie. Toutefois l’Assemblée parlementaire s’inquiète de l’influence néfaste que pourrait avoir la diffusion de thèses créationnistes au sein de nos systèmes éducatifs et de ses conséquences sur nos démocraties. Le créationnisme, si l’on n’y prend garde, peut être une menace pour les droits de l’homme qui sont au cœur des préoccupations du Conseil de l’Europe.

3. Le créationnisme, né de la négation de l’évolution des espèces par la sélection naturelle, est longtemps demeuré un phénomène presque exclusivement américain. Aujourd’hui, les thèses créationnistes tendent à s’implanter en Europe et leur diffusion touche un nombre non négligeable d’Etats membres du Conseil de l’Europe.

4. La cible principale des créationnistes contemporains, le plus souvent d’obédience chrétienne ou musulmane, est l’enseignement. Les créationnistes se battent pour que leurs thèses figurent dans les programmes scolaires scientifiques. Or, le créationnisme ne peut prétendre être une discipline scientifique.

5. Les créationnistes remettent en cause le caractère scientifique de certaines connaissances et présentent la théorie de l’évolution comme une interprétation parmi d’autres. Ils accusent les scientifiques de ne pas fournir de preuves suffisantes pour valider le caractère scientifique de la théorie de l’évolution. A contrario, les créationnistes défendent la scientificité de leurs propos. Tout cela ne résiste pas à une analyse objective.

6. Nous sommes en présence d’une montée en puissance de modes de pensée qui remettent en question les connaissances établies sur la nature, l’évolution, nos origines, notre place dans l’univers.

7. Le risque est grand que ne s’introduise dans l’esprit de nos enfants une grave confusion entre ce qui relève des convictions, des croyances, des idéaux de tout type et ce qui relève de la science. Une attitude du type «tout se vaut» peut sembler sympathique et tolérante, mais en réalité elle est dangereuse.

8. Le créationnisme présente de multiples facettes contradictoires. L’«intelligent design» (dessein intelligent), dernière version plus nuancée du créationnisme, ne nie pas une certaine évolution. Cependant l’intelligent design, présenté de manière plus subtile, voudrait faire passer son approche comme scientifique, et c’est là que réside le danger.

9. L’Assemblée a constamment affirmé que la science était d’une importance capitale. La science a permis une amélioration considérable des conditions de vie et de travail, et est un facteur non négligeable de développement économique, technologique et social. La théorie de l’évolution n’a rien d’une révélation, elle s’est construite à partir des faits.

10. Le créationnisme prétend à la rigueur scientifique. En réalité, les méthodes utilisées par les créationnistes sont de trois types: des affirmations purement dogmatiques; l’utilisation déformée de citations scientifiques, illustrées parfois par de somptueuses photos; et le recours à la caution de scientifiques plus ou moins célèbres dont la plupart ne sont pas spécialistes de ces questions. Par cette démarche, les créationnistes entendent séduire et distiller le doute et la perplexité dans les esprits des non-spécialistes.

11. L’évolution ne se réduit pas à la seule évolution de l’homme et des populations. Sa négation pourrait avoir de graves conséquences pour le développement de nos sociétés. Le progrès de la recherche médicale, visant à lutter efficacement contre le développement de maladies infectieuses telles que le sida, est impossible si l’on nie tout principe d’évolution. On ne peut pas avoir pleinement conscience des risques qu’impliquent le recul significatif de la biodiversité et le changement climatique si l’on ne comprend pas les mécanismes de l’évolution.

12. Notre modernité s’appuie sur une longue histoire, dans laquelle le développement des sciences et des techniques tient une large part. Cependant, la démarche scientifique reste encore mal comprise, ce qui risque de profiter au développement de toutes formes d’intégrismes et d’extrémismes. Le refus de toute science constitue certainement l’une des menaces les plus redoutables pour les droits de l’homme et du citoyen.

13. Le combat mené contre la théorie de l’évolution et ses défenseurs émane le plus souvent d’extrémismes religieux proches de mouvements politiques d’extrême droite. Les mouvements créationnistes possèdent un réel pouvoir politique. De fait, et cela a été dénoncé à plusieurs reprises, certains tenants du créationnisme strict souhaitent remplacer la démocratie par la théocratie.

14. Tous les grands représentants des principales religions monothéistes ont adopté une attitude beaucoup plus modérée, à l’instar du pape Benoît XVI qui, comme son prédécesseur le pape Jean-Paul II, salue aujourd’hui le rôle des sciences dans l’évolution de l’humanité et reconnaît que la théorie de l’évolution est «plus qu’une hypothèse».

15. L’enseignement de l’ensemble des phénomènes concernant l’évolution en tant que théorie scientifique fondamentale est donc essentiel pour l’avenir de nos sociétés et de nos démocraties. A ce titre, il doit occuper une place centrale dans les programmes d’enseignement, et notamment des programmes scientifiques, aussi longtemps qu’il résiste, comme toute autre théorie, à une critique scientifique rigoureuse. Du médecin qui, par l’abus de prescription d’antibiotiques, favorise l’apparition de bactéries résistantes, à l’agriculteur qui utilise inconsidérément des pesticides entraînant ainsi la mutation d’insectes sur lesquels les produits utilisés n’ont plus d’effet, l’évolution est partout présente.

16. L’importance de l’enseignement du fait culturel et religieux a déjà été soulignée par le Conseil de l’Europe. Les thèses créationnistes, comme toute approche théologique, pourraient éventuellement – dans le respect de la liberté d’expression et des croyances de chacun – être intégrées à l’enseignement du fait culturel et religieux, mais elles ne peuvent prétendre au respect scientifique.

17. La science est une irremplaçable école de rigueur intellectuelle. Elle ne prétend pas expliquer le «pourquoi des choses» mais cherche à comprendre le «comment».

18. L’étude approfondie de l’influence grandissante des créationnistes montre que les discussions entre créationnisme et évolution vont bien au-delà du débat intellectuel. Si nous n’y prenons garde, les valeurs qui sont l’essence même du Conseil de l’Europe risquent d’être directement menacées par les intégristes du créationnisme. Il est du rôle des parlementaires du Conseil de l’Europe de réagir avant qu’il ne soit trop tard.

19. En conséquence, l’Assemblée parlementaire encourage les Etats membres et en particulier leurs instances éducatives:

19.1. à défendre et à promouvoir le savoir scientifique;

19.2. à renforcer l’enseignement des fondements de la science, de son histoire, de son épistémologie et de ses méthodes, aux côtés de l’enseignement des connaissances scientifiques objectives;

19.3. à rendre la science plus compréhensible, plus attractive et plus proche des réalités du monde contemporain;

19.4. à s’opposer fermement à l’enseignement du créationnisme en tant que discipline scientifique au même titre que la théorie de l’évolution, et, en général, à ce que des thèses créationnistes soient présentées dans le cadre de toute discipline autre que celle de la religion;

19.5. à promouvoir l’enseignement de l’évolution en tant que théorie scientifique fondamentale dans les programmes généraux d’enseignement.

20. L’Assemblée se félicite de ce que 27 académies des sciences d’Etats membres du Conseil de l’Europe aient signé, en juin 2006, une déclaration portant sur l’enseignement de l’évolution et appelle les académies des sciences qui ne l’ont pas encore fait à signer cette déclaration.

1. Discussion par l’Assemblée le 4 octobre 2007 (35e séance) (voir Doc. 11375, rapport de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, rapporteur: Mme Brasseur). Texte adopté par l’Assemblée le 4 octobre 2007 (35e séance).



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