La chine, un modèle idéal pour une dictature mondiale des banquiers internationaux

Explosions de Tianjin : entre totalitarisme et ultra-libéralisme, les failles du modèle chinois

FIGAROVOX/ENTRETIEN – La série d’explosions chimiques de Tianjin a coûté la vie à au moins 144 personnes. Les déclarations des responsables municipaux, qui continuent d’assurer que l’air et l’eau dans la ville sont sans danger, n’ont convaincu personne. Le décryptage d’Antoine Brunet.


Antoine Brunet est économiste et président d’AB Marchés. Il est l’auteur de La visée hégémonique de la Chine (avec Jean-Paul Guichard, L’Harmattan, 2011).


Que révèle cette catastrophe sur le modèle chinois?

Tout d’abord, après plusieurs journées de dénégation, les dirigeants communistes ont fini par reconnaître que 700 tonnes de cyanure de sodium étaient entreposées à proximité du lieu des explosions et se sont répandues dans l’air ou dans l’eau.

Cette catastrophe indique que le Parti communiste chinois (PCC) qui dirige la Chine d’une main de fer depuis 1949, pour mieux assurer le succès commercial international de ses grands groupes industriels, les dispense de toute véritable réglementation environnementale.

Les entreprises qui travaillent en Chine ont de facto le droit de polluer l’eau, l’air et le sol. Si l’extraction des terres rares s’est concentrée sur le territoire chinois, (alors qu’il s’agit d’une activité très dangereuse pour ceux qui y travaillent ou qui habitent à proximité), c’est parce que le gouvernement chinois est totalement laxiste en matière environnementale et qu’il sait par ailleurs procurer une main d’œuvre bon marché pour effectuer des travaux particulièrement dangereux.

En quelque sorte, l’immense pouvoir politique dont dispose le PCC en Chine est utilisé à éviter toute contrainte environnementale aux entreprises en dépit de protestations locales renouvelées de la population chinoise. Le PCC est tellement obsédé par son modèle de croissance basée sur ses exportations qu’il est prêt à y sacrifier la santé d’une partie de sa population.

Cette catastrophe révèle aussi tout le soin que mettent le PCC et les médias qui sont tous à son service pour éviter que la population ne remette en cause sa légitimité. Pas question d’instituer une commission indépendante du PCC pour analyser et évaluer la catastrophe, ses causes et ses conséquences….

Comment qualifier le modèle chinois? Peut-on parler d’un mélange d’ultra-libéralisme et de communisme?

Votre question me donne l’opportunité d’une clarification que j’espère salutaire. Un modèle de société correspond à une configuration entre un mode de production économique et un mode de gouvernance politique. Il y a deux grands modes de production: le collectivisme (la production est le fait de l’administration) et le capitalisme (la production est le fait d’entreprises privées décentralisées). Il y a deux grands modes de gouvernance politique, la démocratie et le totalitarisme.

Au cours de la Guerre froide, les pays capitalistes démocratiques qui combinaient capitalisme et démocratie s’opposaient point par point aux pays communistes qui conjuguaient collectivisme et totalitarisme.

La Chine qui était un pays communiste connut en 1979 une mutation majeure. A cette date en effet, Deng Xiao Ping succèda à Mao Tsé Toung. Il s’empressa alors, en matière d’organisation économique, d’abandonner le collectivisme qui avait fait faillite pour le remplacer par le capitalisme. Mais Deng et le PCC prirent alors bien soin de maintenir intact le système politique totalitaire qu’il imposait à la population chinoise depuis 1949.

• Aucune élection même au niveau des municipalités.

• Institution du Parti unique, le PCC.

• Le PCC domine tellement l’administration qu’il se confond avec elle et que l’on parle à juste titre d’un Etat-Parti.

• La Justice est totalement soumise au Parti communiste. De nombreux procès politiques se terminent curieusement par des «aveux spontanés» comme aux plus beaux temps de Staline et d’Hitler.

• Tous les médias audiovisuels et Internet sont étroitement contrôlés par le Parti. Ceux qui cherchent à contourner s’exposent à des peines d’emprisonnement sévères.

• Google n’est plus accessible aux internautes chinois et a été remplacé en Chine par Baidu, société contrôlée par le PCC…

D’ailleurs, aux nombreux observateurs occidentaux qui à tort avaient déduit que le retour du capitalisme en Chine précéderait à bref délai le retour à la démocratie en Chine, Deng vint apporter un démenti cinglant. Les centaines de milliers de manifestants qui avaient occupé la place Tian An Men au printemps 1989 pour réclamer le retour de la démocratie furent écrasés par les tanks qu’il leur envoya.

Au total en tout cas, on est depuis 1979 en présence en Chine d’une configuration hybride: capitalisme + totalitarisme. Configuration que, pour ma part, je propose de désigner comme «capitarisme».

Un tel modèle de société, le capitarisme, a en réalité déjà antérieurement existé sur la planète: Hitler avait instauré en Allemagne à partir de 1933 une configuration qui combinait un mode de production qui restait capitaliste avec un mode de gouvernance qui était devenu totalitaire. Même évolution au Japon dans les années 30: un pays qui antérieurement conjuguait capitalisme et démocratie, bascula pendant une période de quinze ans dans une combinaison capitalisme + totalitarisme.

A priori, ces deux idéologies mentionnées s’opposent? Comment le régime parvient-il à les concilier?

Avec les exemples que je viens de donner, on comprend bien que le mode de production capitaliste n’est pas du tout incompatible avec le mode gouvernance totalitaire. Le capitalisme peut en réalité s’accommoder aussi bien du mode de gouvernance totalitaire que du mode de gouvernance démocratique.

Ce qui est d’ailleurs diabolique, c’est que le PCC entend exploiter à fond dans la concurrence internationale, les avantages économiques que lui procure son système totalitaire. Je donnerai deux exemples à cet égard.

La privation des libertés et des droits d’expression, de communication et d’association lui permet de verrouiller les salaires ouvriers à un très bas niveau et à refuser aux ouvriers la couverture sociale qui existe dans les pays occidentaux. Ce qui contribue à ce que les coûts salariaux horaires soient maintenus beaucoup plus bas en Chine que dans tous les autres pays. Ce qui permet à la Chine de s’accaparer, au détriment des autres pays, une part énorme des exportations mondiales de produits manufacturés.

Le pouvoir politique absolu qu’il exerce sur les entreprises et sur les particuliers a permis aussi au PCC de maintenir un contrôle des changes très rigoureux, ce qui lui permet de contrôler très bien le cours de sa monnaie, le yuan, contre dollar et contre euro. C’est grâce à ce dispositif que la Chine a maintenu le yuan très sous-évalué (1 dollar valait 6,21 yuan quand il aurait dû en valoir 3,51 selon les statistiques que le FMI a révisées en mai 2014). C’est grâce à ce même dispositif que Pékin a pu dévaluer le yuan de 3% contre dollar alors même qu’il était déjà fortement sous-évalué.

Avec ces deux exemples, on aboutit à une conclusion qui est effrayante: en conjuguant le capitalisme avec un régime politique totalitaire, Pékin s’est en réalité assuré des avantages considérables face aux pays qui continuent à conjuguer le capitalisme avec la démocratie. A dire vrai, les dirigeants des pays capitalistes démocratiques se devraient de cesser de jouer le jeu du libre-échange avec un partenaire aussi intrinsèquement déloyal. Nos épigones économistes oseraient-ils nous expliquer qu’il convient de jouer le jeu du libre-échange avec un grand pays qui se vanterait d’avoir rétabli l’esclavagisme dans ses frontières?

Le triomphe économique chinois s’est-il construit au mépris de la personne humaine?

Je crois l’avoir bien fait comprendre. Le triomphe économique de Pékin repose en réalité sur une incroyable surexploitation des ouvriers chinois. Il bénéficie outrageusement au petit nombre qui autour du Parti communiste s’approprie le surproduit social. Les dirigeants du PCC eux-mêmes reconnaissent que la société chinoise est très inégalitaire, plus inégalitaire même que les Etats-Unis (et que l’Europe bien entendu) et ils reconnaissent aussi qu’elle est toujours plus inégalitaire.

La catastrophe du Tianjin montre-t-elle que le modèle chinois touche à ses limites?

La catastrophe de Tianjin nous prouve que Pékin fait décidément très peu de cas des risques environnementaux et qu’il est prêt à prendre des risques démesurés pour renforcer les succès des entreprises chinoises à l’exportation. Pour autant, le PCC espère bien échapper à toute sanction de la part de sa population. Par construction, aucune échéance électorale n’est à l’horizon. Et toutes les associations, y compris celles de défense de l’environnement, sont interdites….

Quelle est la température du peuple chinois? La naissance d’un important mouvement de contestation vous paraît-elle crédible?

Comme nous l’avons évoqué, le PCC, par toutes sortes de dispositifs, entend bien maintenir indéfiniment sa domination sur la population chinoise. Après la formidable répression de 1989, un mouvement de contestation national aura beaucoup de mal à voir le jour en Chine.

Il demeure que le principal talon d’Achille du PCC demeure l’énorme question environnementale. 20% de la plaine littorale, la région agricole la plus fertile, a été stérilisée par l’industrialisation et l’urbanisation dévorantes qui s’y est concentrée. Dans des zones entières, la qualité du sol s’est tellement dégradée que le sol est devenu impropre à la culture. Les questions de sécurité alimentaire, de sécurité de l’eau distribuée, de sécurité de l’air vont devenir en Chine des questions très mobilisatrices car il s’agira pour les personnes concernées d’une question de vie ou de mort. A nous de démontrer que dans nos pays capitalistes démocratiques, nous réussissons à résoudre nos problèmes environnementaux beaucoup mieux que le PCC en Chine.

Source : http://www.lefigaro.fr/vox/monde/2015/08/18/31002-20150818ARTFIG00068-explosions-de-tianjin-entre-totalitarisme-et-ultra-liberalisme-les-failles-du-modele-chinois.php

Article sur le même thème : http://www.parolesdedieu.fr/lafrique-du-sud-se-revendique-de-la-chine-communiste-tacle-les-etats-unis-et-plaide-pour-un-nouvel-ordre-mondial/



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