Guerre au cash : vers une surveillance financière de masse

Dans l’histoire de l’humanité jamais les outils n’ont été aussi puissants pour traquer en temps réel le moindre de nos échanges. L’argent liquide garantit encore l’anonymat de nos échanges, mais pour combien de temps ?

La surveillance financière de masse est inéluctable. L’anonymat des transactions financières fait peur. Qu’elles soient effectuées en bitcoins ou en billets de banque, on y oppose systématiquement le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Pourtant, on le rappelle rarement, les moyens de paiement anonymes permettent aussi de préserver la vie privée et la sécurité des citoyens honnêtes. Ne pas donner son passeport, l’adresse de son domicile et les 16 chiffres de sa carte bancaire au premier inconnu à qui on achète quelque chose c’est encore la meilleure façon d’éviter les ennuis. Malheureusement, nos élites dirigeantes ne l’entendent pas de cette oreille.

Vers une surveillance financière de masse 

Au niveau des institutions politiques l’affaire est entendue, il faut lutter à tout prix contre les moyens de paiement anonymes et cela passe par une surveillance financière accrue. Dans cette optique la commission européenne a adopté le 5 juillet dernier une proposition d’amendement de la réglementation européenne en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Dans cette proposition la commission fait les recommandations suivantes (entre autres) :

  • Renforcer les pouvoirs attribués aux cellules de renseignement financier de l’UE.
  • Lutter contre l’anonymat lié à certains moyens de paiement tels que les monnaies « virtuelles » ou les cartes prépayées.

À propos des monnaies pair à pair (terme plus juste) la commission souhaite évidemment qu’il soit possible d’identifier l’auteur de chaque transaction, c’est le point 7 de la proposition :

« Pour combattre les risques relatifs à l’anonymat, les Cellules nationales de Renseignement Financier (CRFs) devraient être capables d’associer les adresses de monnaie virtuelle à l’identité du propriétaire de ces monnaies virtuelles ». Extrait de la Proposition d’amendement de la Directive (EU) 2015/849 publiée le 5 juillet 2016 par la Commission Européenne.

Dans la même veine, en France, suite à la publication le 27 juin 2015 d’un décret abaissant le plafond de paiement en espèces de 3000€ à 1000€, notre ministre des Finances Michel Sapin déclarait :

« La première volonté, c’est de faire reculer le cash et l’anonymat dans l’économie française. Nous avons besoin de pouvoir tracer les opérations suspectes très en amont. Il faut resserrer les mailles du filet ».

C’est dans cet esprit que notre Président de la République a promulgué le 3 juin dernier la loi n° 2016-731 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement. Cette loi a été développée autour de trois grands axes hérités du plan d’action pour lutter contre le financement du terrorisme de Michel Sapin :

  • Identifier, par le recul de l’anonymat dans l’économie afin de mieux tracer les opérations suspectes
  • Surveiller, grâce à la mobilisation des acteurs financiers dans la lutte contre le terrorisme
  • Agir, par le renforcement des capacités de gel contre les avoirs détenus par les financeurs ou les acteurs du terrorisme

Une coordination internationale 

Cette tendance à vouloir renforcer les capacités de surveillance et de contrôle des organismes financiers est globale. Elle est largement promue par les élites mondiales et les institutions internationales. À titre d’illustration, notre ministre des Finances Michel Sapin a établi son plan d’action pour lutter contre le financement du terrorisme en étroite collaboration avec le GAFI et l’ONU.

Le GAFI (Groupe d’action financière) est un organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme créé par le G7 lors du sommet de l’Arche à Paris en 1989. Cet organisme a pour mission de promouvoir la bonne application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles dans ce domaine. Le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque des règlements internationaux (BRI), la Banque Mondiale (BM), sont également des organismes internationaux très influents vis-à-vis de la réglementation financière.

Vers une société sans cash 

Pour nos technocrates l’objectif est très clair :

Dans un premier temps, il s’agit de restreindre au maximum l’existence et l’utilisation des moyens de paiement en espèces (moyen de paiement anonyme par excellence).

Outre le décret de Michel Sapin que nous avons vu, on peut citer Larry Summers, ancien directeur de la Banque mondiale, secrétaire au Trésor et directeur du Conseil économique national à la Maison Blanche qui prône l’abolition des billets de 100$. Ce faisant il rejoint la position d’un autre grand banquier, Peter Sands, PDG de la multinationale Santander Chartered qui milite pour que la BCE et la FED cessent d’émettre des grosses coupures.

Quand on sait que le dernier grand champion français de la lutte contre le blanchiment et la fraude fiscale à avoir pointé du doigt le billet de 500€ s’appelait Jérome Cahuzac, il y a de quoi rigoler. Eh bien pas du tout ! La BCE a entendu leurs arguments, à partir de 2018 elle cessera toute émission de billets de 500€.

Enfin certaines personnalités influentes vont encore plus loin et font la promotion d’une société sans cash. C’est notamment le cas de Willem Buiter, chef économiste de City Group, de Andy Haldane, chef économiste de la Banque d’Angleterre ou encore de Ken Rogoff, ancien chef économiste pour le FMI et membre du conseil des gouverneurs de la FED.

Ces personnalités influentes avancent en particulier qu’une société sans cash permettrait aux banques centrales d’imposer plus facilement une politique de taux d’intérêt négatifs. Résumé grossièrement, pour relancer la consommation et supposément la croissance, les banques centrales doivent impérativement inciter les agents économiques à emprunter, quitte à taxer les dépôts bancaires et à prêter à des taux inférieurs à 0%. Malheureusement, ou heureusement c’est selon, les agents économiques peuvent toujours résister à cette politique de taxation de l’épargne en stockant leur capital sous forme de cash[1]. Ce qui serait évidemment impossible dans un monde sans cash.

Notons au passage que cette politique monétaire des taux d’intérêt négatifs n’est pas une hypothèse de science-fiction, elle est actuellement en cours. Depuis mars dernier la Banque Centrale Européenne (BCE) a fixé son taux directeur de refinancement à 0% et elle maintient depuis le 11 juin 2014 un taux d’intérêt négatif sur les dépôts bancaires au jour le jour. De la sorte des milliers de milliards d’euros ont été empruntés à des taux négatifs sur les marchés financiers. Évidemment, les taux de rendement générés par l’épargne dite « sans risques » sont en chute libre à l’image des taux d’emprunt obligataires. Pour autant la reprise économique ne vient pas… Ce qui ne surprendra que les économistes keynésiens ; leurs opposants comme le financier Charles Gave, ou encore Carl Ludwig Thiele de la Bundesbank et Wolfgang Schaüble, le ministre allemand des Finances, pensent au contraire que cette politique de taux directeurs négatifs est catastrophique. L’avenir tranchera.

En attendant, la volonté de poursuivre cette politique monétaire et d’aller vers une société sans cash est bien réelle. Mario Draghi, le président de la BCE, a clairement spécifié que [les taux directeurs de la BCE « resteront à leur niveau actuel ou plus bas pour une période de temps prolongée »Quant à l’idée d’évoluer vers une société sans cash elle est discutée très sérieusement par les élites lors des plus grands sommets internationaux.

Notamment cette année à Davos lors du forum économique mondial, nous pouvions écouter John Cryan, le PDG de la Deutsche Bank, une des plus grandes banques mondiales, affirmer :

« Je pense que d’ici 10 ans le cash n’existera probablement plus. Il n’y en a pas besoin, c’est terriblement inefficient et coûteux. […] mais nous nous intéressons au cash parce que je pense que cela devrait être dématérialisé, le monde connaît des technologies suffisamment robustes et je pense que les gouvernements seraient intéressés par cela, parce que c’est un vieil adage que le meilleur ami du blanchisseur d’argent c’est le billet de banque de 500€, parce que c’est anonyme et c’est une dénomination relativement importante. Cela serait mieux si tout était traçable. » Déclaration de John Cryan, PDG de la Deutsche Bank, au world economic forum 2016 à Davos.

Les anglophones peuvent retrouver ces passages sur la vidéo de la conférence à 14 :24 et 16 :51

Conclusion 

Nous allons indéniablement vers une société de surveillance financière de masse. Dans l’histoire de l’humanité jamais les gouvernements ni les banques n’ont disposé d’outils aussi puissants pour traquer, archiver voire « monitorer » en temps réel le moindre de nos échanges.

Héritage du passé, garant de l’anonymat des transactions, présent dans toutes les poches, le cash fait encore obstacle à cette volonté de surveillance financière totale, mais pour combien de temps ? Chaque année de nouvelles lois visent à en restreindre l’usage et de nombreuses élites ne cachent même plus leurs intentions de le voir disparaître complètement.

Plus récemment, Bitcoin et les monnaies numériques décentralisées ont été inventés pour permettre à chacun de se passer d’intermédiaires financiers et préserver sa vie privée sur internet. Du cash sur internet en quelque sorte, mais malgré les qualités des monnaies P2P elles restent encore trop méconnues du grand public. Big Brother en revanche s’y intéresse de plus en plus.

D’un autre côté il s’agit aussi de lutter contre le terrorisme, le blanchiment d’argent, le banditisme, contre la crise financière, le chômage… Mais ça change tout ! Si cette surveillance de masse est organisée pour notre bien, pour nous protéger, pour rendre la société meilleure, quel est l’idiot qui pourrait s’en offusquer ? Malheureusement comme nous le verrons dans le prochain article, ce n’est pas le cas : les lois liberticides et la surveillance de masse ne nous procurent qu’une illusion de sécurité ! Et ce n’est pas nouveau. Pour citer Benjamin Franklin :

« Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »

Source : https://fr.sott.net/article/28984-Guerre-au-cash-vers-une-surveillance-financiere-de-masse



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