Gestes barrières : gros malaise

Chère lectrice, cher lecteur,

Covid oblige, c’est aujourd’hui « bas les pattes » et « gestes barrières »…

Résultat, on ne se touche plus. Ou en tout cas beaucoup moins.

Bien-sûr, cela contribue à réduire la circulation du virus. Mais pas seulement.

Car toucher, masser, caresser, frôler, frotter, c’est vivre, c’est sentir, mais c’est aussi soigner !

Regardez le simple effet d’un massage sur le stress : on a montré qu’une caresse quotidienne et pendant 8 jours chez la souris renforçait son système immunitaire lorsqu’elle était réalisée avec la main et non pas avec une brosse douce1 !

On sait que les contacts permettent de diminuer le cortisol, hormone du stress. Et quand ils sont prolongés, ils entraînent au contraire la production d’ocytocine, hormone de l’amour et de la confiance.

A l’université de Caroline du Nord, d’autres chercheurs ont ainsi remarqué que lorsque deux personnes s’asseyaient en se collant l’une à l’autre pendant dix minutes, il en résultait une baisse de leur tension artérielle.

Dans une autre étude, la pratique d’un massage avant une exploration coronaire a montré une large diminution de l’anxiété des patients.

Pas si étonnant tant nous ressentons le besoin vital d’être touché…

Depuis la première seconde de vie…

« Le toucher est le premier des sens à s’épanouir lors du développement du fœtus. Les récepteurs tactiles sont les premiers fonctionnels »

« Le liquide amniotique crée des vibrations qui provoquent une sorte de caresse permanente sur le corps du bébé. Cette stimulation permet déjà d’établir une frontière entre lui et le monde extérieur. »2

Le toucher a en effet deux fonctions essentielles : d’abord, nous permettre de définir les limites de notre corps, de nous sentir nous-mêmes, et ensuite nous projeter, entrer en communication et agir sur le monde.

Pour la professeure en psychologie et spécialiste du développement de l’enfant Michèle Molina, « on a conscience de qui on est en étant touché. Un enfant qui n’est pas touché peut avoir des retards de développement, voire se laisser mourir — on l’a observé dans les orphelinats après la guerre. C’est donc un besoin vital. »

Dans son livre « Le toucher relationnel au cœur des soins »3, l’infirmière Carine Blanchon montre à quel point le toucher peut soulager les douleurs les plus lourdes.

Une nuit, une personne opérée d’une hernie discale pleurait et vomissait, tellement des céphalées lui faisaient mal.

Bien que réticente à ma façon de travailler, une collègue m’a demandé de venir voir cette patiente.

Je suis entrée dans sa chambre, je me suis présentée et je lui ai saisi la main. Je lui ai proposé d’écouter ma voix et de faire un exercice de respiration.

Elle a fermé les yeux, m’a écoutée et a commencé à respirer. En même temps, j’ai commencé un massage du cuir chevelu qu’elle avait accepté. Très vite, elle s’est détendue et les nausées ont cessé. Lorsqu’elle a ouvert les yeux, elle était souriante et m’a demandé un massage des pieds, chose qu’elle ne pouvait envisager 20 minutes plus tôt.

…jusqu’à la dernière : nous voulons être touchés

La médecine moderne, malheureusement, donne parfois l’impression de négliger ce temps du toucher.

Par exemple, lorsque les personnes arrivent dans des unités de soins palliatifs après des mois passés dans les services hospitaliers traditionnels, leur corps est souvent si fatigué et si abîmé qu’elles n’étaient touchées que lors de soins programmés (toilette, perfusion, etc).

Pourtant, être touché sans prétexte, sans motif thérapeutique, cela porte une grande valeur pour tout malade.

Sentir dans le contact, voir dans le regard de l’autre que l’on est encore vivant, digne d’être touché, regardé, respecté.

L’infirmière Carine Blanchon va encore plus loin :

« Sans le toucher, la relation de soin ne peut pas exister. Chaque soignant devrait chaque jour s’interroger sur sa façon de toucher l’autre. Ne plus se cacher derrière un acte technique, dépasser le savoir-faire pour le savoir-être. C’est parfois difficile, mais tellement riche. On y gagne en humanité et en sagesse… »

Et c’est peut-être la raison pour laquelle le coronavirus et la distanciation qu’il a engendrée créent aujourd’hui une privation si profonde.

Chez les bien-portants, d’abord, avec cette barrière invisible qui s’est dressée entre nous et qui fait que l’on se retient de se toucher, qu’on n’ose plus aller vers l’autre.

Et chez les malades, bien sûr…chez qui cette distanciation forcée crée bien plus qu’un simple manque. Elle les met en danger, voire : elle peut les condamner, comme en témoigne sur son blog cette bénévole qui assiste les malades en fin de vie :

« Comment réduire la distance dans la chambre de cette jeune femme si angoissée dont je voudrais prendre la main, mais de laquelle je me tiens à plus d’un mètre, sans jamais la toucher ».

« Son corps appelle ma main, son regard me cherche, je m’excuse, explique, mais je sens que ma seule présence est insuffisante à calmer son angoisse4. » 

Voilà le dilemme d’aujourd’hui : maintenir le contact, et l’envie de vivre qui vient avec, ou isoler pour éviter un virus trop souvent mortel pour les plus fragiles…mais les livrer alors aux ravages de la solitude et du manque de lien physique.

Derrière cette crise sanitaire, c’est aussi une crise relationnelle que nous traversons.

Que faire ?

Alors que ceux qui peuvent se toucher en profitent.

Et encore mieux, que ceux qui peuvent s’embrasser…s’embrassent.

Car le baiser aussi renforce l’immunité.

Que ce soit le baiser de la première fois, celui qu’on renouvelle encore et encore, le baiser de la mère pour son enfant, embrasser fait vivre, enflamme, transporte et bien sûr, soigne aussi !

Une étude conduite par une équipe de l’université de Kiel, en Allemagne, a montré que les hommes qui embrassent leur femme le matin avant de partir au travail vivent cinq ans de plus que les autres !

Mon conseil : embrassez-vous. Longuement. Surtout en ce moment.

Je ne doute pas que vous vous débrouillez très bien sans moi dans cette affaire, mais si vous voulez en savoir plus sur le baiser sur la bouche, je vous conseille de visiter cette page qui lui est consacrée5.

Vous y trouverez un nombre impressionnant de variantes (certaines un peu olé-olé) de ce qu’il faut bien appeler l’art d’embrasser.

Pour ce qui est de l’étape d’après, en revanche, je vous laisse vous débrouiller…

Santé !

Gabriel Combris

Sources :

1. Massage-like stroking boosts the immune system in mice. Major B, Rattazzi L, Brod S, Pilipović I, Leposavić G, D’Acquisto FSci Rep. 2015 Jun 5;5:10913. doi: 10.1038/srep10913

2. https://reporterre.net/Le-Covid-nous-fait-perdre-le-sens-du-toucher

3. https://www.elsevier.com/fr-fr/connect/ifsiinfirmier/le-toucher-une-approche-relationnelle

4. http://www.vivantsensemble.com/archives/2020/11/23/38667797.html

5.  https://fr.wikipedia.org/wiki/Baiser.

Source : https://www.directe-sante.com/gestes-barrieres-gros-malaise/

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